Les Universités populaires Quart Monde réagissent

Denis Prost

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Denis Prost, « Les Universités populaires Quart Monde réagissent », Revue Quart Monde [En ligne], 158 | 1996/2, mis en ligne le 01 décembre 1996, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1010

Des personnes et familles très démunies ont été consultées et considérées comme partenaires lors des travaux d'évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté qui ont abouti au rapport présenté par Geneviève de Gaulle-Anthonioz au Conseil économique et social (CES). Les Universités populaires Quart Monde ont travaillé ce rapport comme un instrument de dialogue et de compréhension avec une société peu au fait du quotidien de la misère

Texte rédigé à partir des comptes rendus des différentes Universités populaires

De novembre 1995 à avril 1996, les sept Universités populaires Quart Monde1 de France (Alsace, Aquitaine, Bretagne, Île-de-France, Nord, Provence-Côte d'Azur, Rhône-Alpes) ont approfondi l'A vis, adopté à une très large majorité par le CES, sur le rapport d'évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté. Les participants ont beaucoup travaillé pour vaincre la difficulté que représentait la lecture d'un tel texte. Ils ont confronté le constat de la situation, présenté dans ce document, avec leur expérience et ont exprimé leur point de vue sur les propositions qui y sont faites. Leurs travaux donnent des repères essentiels sur la nature et le sens des dispositions à prendre pour lutter contre l'exclusion et la grande pauvreté. Les débats ne pouvant être retranscrits ici, ont été retenues des idées ou citations qui reflètent et illustrent des points de vue souvent exprimés par les participants.

Une lutte globale pour les Droits de l'homme

Pour en finir avec « l'assistance » et la « dépendance », il faut reconnaître que la lutte contre la misère est un combat pour les Droits de l'homme et la mener comme tel. L'approche doit être globale car dans la vie tout est lié : « Mes enfants vivent dans le bruit, ils sont à l'étroit, ils ont la misère, ça les trouble dans leurs études. » Cette démarche globale et en termes de Droits de l'homme a été introduite dès 1987 par le rapport Wresinski au CES2

« Dans la famille se trouve la raison de lutter... »

« Nos enfants nous donnent confiance, ils nous donnent la force de travailler, de chercher du travail. On a peur qu'on nous retire nos enfants. » Il est inadmissible que des enfants soient retirés à leurs parents faute de logement, de ressources suffisantes... Cela coûterait moins cher d'aider les familles démunies à assumer leurs responsabilités de parents que de confier leurs enfants à d'autres qui prennent leur place. L'évaluation du CES a montré que les parents d'enfants placés sont assez peu soutenus. Un responsable de l'action sociale expliquait que, dans son département, les travailleurs sociaux sont débordés : en matière de protection de l'enfance, ils donnent priorité au dépistage et au traitement des « situations à risque » mais n'ont souvent pas les moyens d'aider les familles à préparer le retour des enfants placés. Le maintien de la relation parents-enfants est pourtant une priorité. Une participante racontait : « J'ai un grand projet : revoir mes enfants. On me les a enlevés quand ils étaient tout petits, maintenant ils sont majeurs et ne dépendent plus de la DDASS. J'ai un fils qui s'appelle Eric L. Sur le Minitel, on a relevé dix Eric L., on a donc envoyé dix lettres, mon mari et moi. Maintenant on attend » On reste les parents de ses enfants même lorsqu'ils sont placés, il faut que cela soit respecté : « J'aimerais être écoutée en tant que mère, mais je sais très bien que, si je vais voir la maîtresse de mon fils, qui a un problème d'illettrisme, la DDASS aura le dernier mot »

« Quand on passe au tribunal pour reprendre nos enfants, il ne faudrait pas que le président nous rappelle toujours notre passé mais il faudrait qu'il voie les efforts qu'on fait et l'avenir de nos enfants » Le CES a souligné que les personnels de justice devaient être formés pour mieux connaître et prendre en compte les réalités de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

« Tout le monde a droit d'être logé... »

« Il faut une loi qui garantisse un toit à tout le monde, envers et contre tout... » Même s'« il ne faut pas penser que d'avoir un toit va régler tous les problèmes... », « c'est important d'avoir un logement pour avoir une adresse, garder sa santé, trouver du travail, être reconnu comme citoyen à part entière... » Mais pour avoir un logement, il faut d'abord disposer d'un revenu. Le salaire d'un Contrat emploi solidarité ou le RMI ne rendent pas suffisamment solvable pour se faire accepter dans un logement.

Il existe bien d'autres obstacles à l'accès au logement :

  • les listes d'attente trop longues à cause du manque de logements sociaux ;

  • la complexité des démarches et le grand nombre d'interlocuteurs : la proposition du CES de mettre en place dans les mairies et les préfectures un « guichet logement » chargé de l'accueil, de l'information et de l'orientation des demandeurs en situation particulièrement difficile éviterait-elle cela ?

  • la peur des offices de HLM de ne plus pouvoir gérer leur parc si la population très pauvre augmente trop.

Quand on a un logement, les allocations (Aide personnalisée au logement, Allocation de logement sociale) aident à faire face au loyer. Mais près des deux tiers des personnes interrogées par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) et payant un loyer n'en bénéficient pas alors qu'a priori, elles y ont droit. « Quand vous changez d'appartement, l'APL, on vous l'enlève pendant un mois. Il faut payer le loyer quand même. Comment vous faites ? »

Concernant les logements d'urgence et d'insertion, « il ne faut pas refaire des cités d'urgence où on est logés et puis ça dure, on nous fait pendant des années des promesses de relogement qui n'aboutissent à rien » Lorsqu'on expulse une famille qui n'a plus les moyens de payer son loyer, il est inacceptable que la famille ne soit pas relogée. Un responsable de l'action sociale départementale a souligné le manque de communication entre les responsables des procédures d'expulsion (la préfecture) et ceux qui mettent en œuvre les procédures d'aide au maintien dans le logement (principalement à partir du Fonds de solidarité logement) : beaucoup d'expulsions pourraient être évitées.

Au-delà du logement, ne faut-il pas garantir l'habitat ? « Les logements sont plus confortables, mais il y a une perte d'amitié, on ne se parle plus. » Habiter, ce n'est pas seulement avoir un logement, mais c'est vivre dans un lieu, avec des voisins, un environnement, des activités culturelles et sportives, des commerces, des transports qui ouvrent vers l’extérieur...

« Le travail, c'est notre dignité »

Le travail donne une place et une utilité dans la société. Il faut accompagner les gens jusqu'au bout de leur projet professionnel, sans les laisser en route. « Les contrats d'insertion du RMI ne débouchent pas sur grand chose. Il faut qu'ils débouchent sur un travail durable. » Le « contrat de travail intégrant une formation » proposé par le CES devrait répondre à cette exigence.

« Les Contrats emploi solidarité, ce n'est pas du boulot. C'est l'État qui paye, alors les chefs d'entreprise sont d'accord, mais pour ce qui est de le transformer en véritable contrat de travail, c'est autre chose. » Ensuite, il faut parfois deux à trois mois pour récupérer le RMI : on se retrouve dans une situation pire que si on était resté au RMI.

Un responsable de l'action sociale départementale s'est quant à lui plaint des dispositifs en faveur de l'emploi qui changent trop souvent : comment mener une action efficace dans ces conditions ?

Lorsque le travail vient à manquer, le RMI doit rester le maillon de sécurité qui permet de subvenir aux besoins fondamentaux et de réenclencher un parcours vers l'emploi. Or, il ne constitue pas dans les faits une sécurité qui ouvre sur l'avenir - c'était pourtant l'ambition lors de sa création - parce qu'il est trop facilement remis en cause. Son versement est parfois suspendu par la Caisse d'allocations familiales (CAF) parce que la déclaration trimestrielle de ressources n'est pas arrivée à temps, sans même qu'il y ait de relance auprès de l'allocataire. TI est quasiment impossible pour les personnes en situation très précaire - et particulièrement celles sans logement - d'obtenir par elles-mêmes le RMI ou toute autre allocation à laquelle elles auraient droit : manque d'information, difficulté pour fournir les papiers, coût du timbre fiscal pour refaire préalablement sa carte d'identité... En somme, les règles et le fonctionnement administratifs prennent souvent mal en compte les conditions de vie de ces personnes.

Le mode de calcul du RMI doit être modifié, comme le demande le CES : actuellement, quand un enfant dépasse 10 ans ou 15 ans et que la famille touche le RMI, elle ne bénéficie pas de la majoration des allocations familiales car le RMI est réduit d'autant : « On donne d'un côté pour enlever de l'autre ! » Autre problème : lorsqu'on gagne un peu plus que le RMI (ce qui peut arriver quand on est en Contrat emploi solidarité), on perd les droits des allocataires du RMI (comme la carte santé dans certains départements)

Concernant les ressources en général, quand il y a une mesure de tutelle, le travail des délégués à la tutelle devrait s'exercer plus dans le sens de leur mission rappelée dans l'Avis du CES : « assurer un service de qualité qui associe étroitement les personnes concernées et qui vise à leur autonomie financière. » La réalité vécue est parfois tout autre.

En ce qui concerne l'Allocation parentale d'éducation (APE), ne la touchent que ceux qui ont déjà travaillé. « Ceux qui n'ont pas d'argent, ils élèvent les gamins et ils n'ont rien. Ce n'est pas logique. »

La question de l'emploi, première source de revenu, est cruciale pour tous. Mais les parents ont fortement exprimé leur angoisse concernant l'avenir des jeunes.

Quand les jeunes réussissent à accéder à une formation, il faut qu'ils puissent être mis en situation de travail dès le début : « Il y a des jeunes qui sont bons manuellement, mais qui supportent mal de rester assis devant un tableau noir. C'est de travailler qui peut leur donner envie d'apprendre. » Le jeune doit sortir de formation avec un métier entre les mains.

« Il faut se concentrer sur le problème des jeunes qui n'ont plus de lien avec leur famille, qui sont à la rue sans ressources, parce qu'on va avoir une catastrophe. »

« L'avenir, c'est d'aider les jeunes de moins de 25 ans. » Pour ces jeunes sans ressources, il est pratiquement impossible de trouver un travail. En Ile-de-France, si un travail est proposé, il faut avancer le prix de la carte orange, comment faire sans argent ? Et pour trouver un travail, il faut se déplacer, prendre les transports en commun sans titre de transport et risquer les amendes. D'où l'intérêt de l'allocation de recherche d'un premier emploi pour les jeunes, proposée par le CES.

« Pour qu'ils aillent plus loin que nous »

« C'est bien de parler des problèmes des jeunes sans qualification, mais c'est quand les enfants apprennent à lire à 6, 7, 8 ans qu'il faut attaquer : l'enfant a la force d'apprendre mais il a besoin qu'on l'aide. »

Les enfants doivent apprendre à l'école « pour qu'ils aillent plus loin que nous ». A Marseille, un projet de rythme scolaire avec classe le matin et activités l'après-midi est actuellement expérimenté dans certains établissements de quartiers défavorisés. Cela inquiète les parents qui ont l'impression que les enfants démunis auront moins de temps pour apprendre que ceux des autres quartiers.

Il faut avant tout que parents et enseignants travaillent davantage ensemble. Cela demande de savoir établir un climat de confiance pour qu'osent se présenter à l'école les parents qui ne savent pas lire ou ceux dont les enfants sont vus uniquement au travers de leurs difficultés ou de celles qu'ils suscitent. Les enseignants devraient aussi être formés pour mieux connaître ce que vivent les enfants de milieu défavorisé, mieux comprendre pourquoi ils ont du mal à l'école.

Les parents veulent pouvoir aider les enfants sur le plan scolaire, que ceux-ci se sentent soutenus : s'ils ne savent pas lire, il faut qu'ils puissent apprendre. Cela devrait d'ailleurs être possible, non seulement pour les parents, mais pour chacun à tout âge : quand on ne sait ni lire ni écrire, la vie est impossible, on est toujours dépendant des autres ; cela empêche d'accéder aux droits et de les exercer.

Il ne faut pas faire de différence entre les enfants à l'école (on voit encore des enseignants traiter un enfant à part parce qu'il est sale ou qu'il porte un vêtement déchiré ; tous les enfants n'ont pas encore accès aux même activités...). La gratuité de l'école, étendue à toutes les activités scolaires, proposée par le CES est importante. Cependant, pour certains parents, payer comme les autres parents les activités organisées par l'école est une question d'honneur.

Les conditions d'accueil des enfants en maternelle varient beaucoup d'une commune à l'autre : certaines refusent d'accueillir toute la journée les enfants quand l'un des parents est au chômage. Comment alors chercher du travail quand on doit garder les enfants à la maison ? Est-il normal que ce ne soit pas pareil dans toutes les communes ?

Pour ce qui est de la culture : « Il faut que tout le monde sans exception puisse avoir un logement, mais aussi puisse dire : « Tiens, est-ce que je ne vais pas apprendre à jouer de la guitare ? » Que chacun ait des revenus qui permettent d'aller à des activités comme tout le monde. »

L'accès aux droits

Précédemment, il a été question des droits fondamentaux tels le droit au logement, le droit à une vie familiale... mais ceux-ci ne seront effectifs que si les personnes et familles ont accès aux différents dispositifs légaux qui les mettent en œuvre (inscription comme demandeur de logement, allocations logement, prestations familiales, soutien des travailleuses familiales...)

Les difficultés d'accès à ces dispositifs prennent énormément de place dans le quotidien. « On ne peut pas s'en sortir seul, c'est avec l'aide des autres et la connaissance de nos droits qu'on peut y arriver. » « Quand une famille est en difficulté, il faut qu'elle soit aidée (mais pas assistée) par une personne compétente qui fasse avec elle les démarches pour faire reconnaître ses droits. Parce qu'il y a des gens qui ont du mal à s'exprimer, on va leur dire qu'ils n'ont pas droit, ils vont s'en aller alors qu'ils ont droit. » La qualité de l'accueil dans les administrations et services publics est très importante quand on maîtrise mal la lecture, qu'on a des difficultés à s'exprimer, qu'on connaît mal ses droits... Cela demande une formation du personnel qui accueille, « non seulement à écouter, mais à comprendre. » Un responsable d'une CAF de la région Rhône-Alpes disait : « Avant d'entendre les personnes du Quart Monde, mon souci premier était de permettre à mes agents de faire face à l'agressivité qu'il y a parfois dans les halls d'accueil. Aujourd'hui, ce qui me semble le plus important, c'est de permettre aux agents d'accueil de connaître ce qui vivent les personnes. »

Le traitement rapide des dossiers et la transmission systématique des justificatifs d'une administration à l'autre demandés par le CES pourraient améliorer l'accès aux droits : beaucoup de dossiers traînent, souvent faute de personnel ; parfois, dans l'intervalle, la situation change et tout est à recommencer. Il arrive que « lorsqu'une personne dans une administration est malade, ou en vacances, le dossier se retrouve souvent mis de côté ou même perdu ». Un représentant de l'Etat, invité à une rencontre disait : « Il est difficile de faire travailler plusieurs administrations ensemble, chacune met des verrous pour empêcher de frauder, mais les gens de bonne foi s'y perdent... »

« Nous ne voulons plus être renvoyés de bureau en bureau, ce que beaucoup d'entre nous connaissent. On a le droit de savoir qu'on nous refuse un droit et pourquoi. » Le CES avait rappelé que les refus de l'administration et des services publics devaient être précisément motivés et la voie de recours indiquée. Il faut aussi pouvoir savoir à tout moment où en est un dossier qu'on a déposé.

Un allié3 du Mouvement ATD Quart Monde disait sa conviction qu'il fallait non seulement fixer les droits mais donner mission aux organismes et institutions chargés de les mettre en œuvre d'aller à la recherche de ceux qui n'y ont pas encore accès : que les CAF aient cette mission pour les minima sociaux, que les pouvoirs publics aillent au-devant des personnes mal logées, qu'ils soient chargés de s'assurer que tous les enfants aient accès à l'école dans de bonnes conditions... Des expériences existent : depuis 1988, la Caisse primaire d'assurance - maladie du Calvados a créé un service qui va au-devant des personnes sans protection sociale et rétablit leurs droits. Donner aux administrations une mission de prospection des ayants droit ainsi que la formation et la disponibilité pour le faire changerait complètement les relations avec les plus démunis.

« Ne pas faire à la place des gens... »

Lorsque l'accompagnement social est nécessaire, son objectif doit être l'autonomie : « Ne pas faire à la place des gens mais les aider dans les démarches. » Les travailleurs sociaux ont-ils le temps et ont-ils reçu la mission d'aller vers ceux les plus en difficulté ? « Beaucoup traitent les dossiers en masse... Ils ne sont pas vraiment à l'écoute. » Selon un responsable de l'action sociale présent lors d'une université, le caractère trop institutionnel de certains services sociaux est un frein. Sont-ils suffisamment formés aux réalités de la grande pauvreté ? Certains ne mesurent pas assez ce que signifie vivre dans la misère : en voulant aider une famille, ils peuvent prendre des décisions contre le couple ou conduisant au placement des enfants. Des militants Quart Monde4 ont dit qu'ils se sentaient responsables de faire comprendre ce qu'ils vivaient aux travailleurs sociaux, mais le peuvent-ils toujours ?

« Pour moi dans la vie de tous les jours le partenariat n’existe pas parce qu'on prend tout le temps des décisions sans nous... Si je suis face à une assistante sociale ou à n'importe quelle personne, on est partenaires que si on arrive à faire des choses en commun. Je ne veux pas qu'il y ait quelqu'un qui prenne des décisions pour moi, je veux en parler avec la personne qui est en face, lui donner mes idées, essayer de faire passer un message à cette personne, pour qu’ensemble on puisse trouver des solutions. Pour moi, c'est ça le partenariat. » Le partenariat doit aussi s'exercer au niveau de la réflexion politique et de la vie sociale. « Il y a des lieux de parole qui sont les institutions, les associations de nos quartiers... où nous devons être. Si on veut être entendus, il faut qu'on soit présents dans une association de locataires, dans une école... pour dire ce qu'on vit, ce qu'on pense. C'est dans ces lieux-là aussi qu'on peut s'exercer au partenariat. » Un volontaire permanent du Mouvement ATD Quart Monde notait que, sans cette exigence de partenariat avec les plus pauvres dans la loi d'orientation contre l'exclusion et la grande pauvreté, les choses ne changeraient pas.

« La bonne volonté, c'est beaucoup trop aléatoire. Il n'y a qu'une loi applicable pour tous... qui pourra permettre de changer les choses »

Cette loi ne doit pas se cantonner au domaine « social » : « On attend qu'elle donne aux parents, dans l'éducation et la scolarité, plus de soutien et plus de recours pour élever les enfants » « La loi doit apporter les mêmes droits pour tous... On attend d'elle qu'elle soit une garantie, une protection, en particulier en matière de logement, de santé, de travail. » « Il faut regrouper tous les droits ensemble car tout est lié... Aujourd'hui, les responsabilités sont émiettées, ça manque de cohérence. On attend de la loi qu'elle définisse des responsabilités. » « L'espoir avec cette loi, c'est qu'il n'y ait plus d'exclusion, plus de placements d'enfants à cause de la misère... que la vie de tous les jours soit plus vivable. »

« Combattre la misère, c'est vraiment très pénible... mais d'un autre côté, on va peut-être apporter quelque chose à nos enfants. Le rapport du CES fait partie de ce combat, il est un espoir pour demain. »

L'espoir est fort ; les personnes du Quart Monde se sont reconnues dans ce rapport, notamment dans les paroles de personnes très pauvres qui y sont reprises. Elles ont senti que ce travail avait été fait à partir de leurs vies et elles se le sont approprié. Ainsi, un militant Quart Monde de Bretagne, qui souhaitait créer une antenne du Mouvement ATD Quart Monde dans sa commune, a déposé à la mairie un exemplaire de l'Avis du CES. Un autre militant expliquait que ce rapport était pour lui un outil pour interpeller les pouvoirs publics et les administrations : « Vous ne pouvez plus dire que vous ne savez pas ce qui se passe ! »

Ces Universités populaires ont permis de mesurer à quel point, malgré leurs difficultés, les gens du Quart Monde étaient attentifs à l'activité politique de notre pays et solidaires de ceux qui connaissent la précarité. A la veille du discours du Premier ministre annonçant le plan de réforme de la sécurité sociale, une militante d'Alsace a exprimé sa grande inquiétude que de nouveaux prélèvements viennent peser sur des personnes en situation déjà très fragile : « Les gens n'en peuvent plus, ils sont littéralement écrasés. » Pendant les mouvements sociaux qui ont suivi, un militant du Nord disait : « Ce qui se passe maintenant peut avoir des conséquences sur plusieurs générations. Il faut que cette lutte entre dans un projet pour les générations futures. »

Plusieurs militants ont également parlé des débats parlementaires qu'ils suivent à la télévision. L'un d'eux faisait remarquer la faible assiduité à certaines séances et disait son souci que tous les députés et sénateurs se mobilisent autour de la prochaine loi d'orientation contre la grande pauvreté et l'exclusion. Un autre exprimait l'espoir que, lors de la discussion sur cette loi, les parlementaires prennent la mesure de l'enjeu et sachent dépasser leurs rivalités pour s'entendre.

A la veille du débat parlementaire sur la loi d'orientation contre l'exclusion et la grande pauvreté, comment ne pas ressentir l'actualité de cette réflexion du père Joseph Wresinski qui s'exprimait en 1983 sur le contexte des débuts du Mouvement ATD Quart Monde : « Si la misère persistait, la cause en était, non seulement dans l'organisation de nos sociétés, mais surtout dans notre acceptation. Au fond, nous n'étions pas révoltés de ce que des dizaines de milliers d'enfants sortent de l'école sans bagage intellectuel, nous n'étions pas indignés de ce que les familles trouvent leur subsistance dans la soupe de ces officines de secours. En un mot, nous n'étions pas à la hauteur de nos ambitions démocratiques, nous n'étions pas sérieusement attachés à la défense de nos idéaux. »

1 Créées dans les années soixante-dix en Europe, elles sont des lieux publics de rassemblement, de formation et d'échanges entre les familles du Quart

2 Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Avis et rapport du Conseil économique et social présentés par le père Joseph Wresinski. Journal

3 Membre de 1'« alliance » internationale d'ATD Quart Monde qui rassemble des personnes de toutes origines et appartenances s'engageant à faire

4 Issus eux-mêmes de milieux très défavorisés, ils acceptent d'aller à la recherche de plus démunis qu'eux et d'œuvrer à leur libération.

1 Créées dans les années soixante-dix en Europe, elles sont des lieux publics de rassemblement, de formation et d'échanges entre les familles du Quart Monde et ceux qui acceptent de les reconnaître comme partenaires.

2 Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Avis et rapport du Conseil économique et social présentés par le père Joseph Wresinski. Journal officiel, 28 février 1987.

3 Membre de 1'« alliance » internationale d'ATD Quart Monde qui rassemble des personnes de toutes origines et appartenances s'engageant à faire entendre et reconnaître le Quart Monde dans leurs milieux et professions.

4 Issus eux-mêmes de milieux très défavorisés, ils acceptent d'aller à la recherche de plus démunis qu'eux et d'œuvrer à leur libération.

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