Domination et genre

Martine Hosselet-Herbignat

p. 3

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Martine Hosselet-Herbignat, « Domination et genre », Revue Quart Monde, 257 | 2021/1, 3.

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Martine Hosselet-Herbignat, « Domination et genre », Revue Quart Monde [En ligne], 257 | 2021/1, mis en ligne le 01 mars 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10143

Parmi les dominations, celles faites aux femmes occupent de plus en plus l’espace public et suscitent de nombreuses actions et réflexions. Mais toutes les femmes en tireront-elles le même bénéfice ? Rien n’est moins sûr. L’expérience d’ATD Quart Monde avec les mouvements féministes tend à montrer que pour les femmes qui cumulent les exclusions, l’enjeu n’est pas seulement celui du droit, de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais bien un enjeu d’existence. C’est le droit d’exister pleinement en tant que femme, en tant qu’être humain, qui est en cause. L’invisibilité des pauvres et des femmes, est un fait général et très ancien dans l’Histoire1.

Les participantes de Tanzanie à la recherche-action Les dimensions cachées de la pauvreté2 pointent la nécessité de créer des groupes de pairs comme condition favorisant l’émergence de leur parole de femmes. Quand on s’est toujours « sentie jugée, humiliée comme une mauvaise mère », obligée de correspondre à des standards définis par les travailleurs sociaux, les étapes d’un chemin de libération possible sont ardues3. Pour sortir de l’image « prêt-à-porter » de femme pauvre et exister en tant que soi-même, avec ses multiples identités, plusieurs d’entre elles ont participé, à Lille, au stage J’ai rendez-vous avec moi. Pendant un séjour en montagne qui a changé sa vie, Sonia, de Marseille, se motive : « On est là à se priver d’avoir une vie comme tout le monde. Il ne faut pas regarder la peur. Il faut trouver la force, pour donner aussi la force aux enfants. » Et que sait-on des souffrances de toutes celles qui sont obligées de vivre à la rue ?4 En Amérique centrale, le combat de Linda García pour un féminisme intersectionnel incite les femmes à apprendre les unes des autres, à se solidariser et à comprendre comment une oppression se croise avec une autre5

Un féminisme « inclusif » devrait oser entendre ce que disent les femmes les plus pauvres. Les souffrances et les résistances de ces femmes peuvent et doivent changer la nature du combat féministe, aider à relier les diverses formes de la « résistance », chercher à éclaircir avec elles ce qui les aide dans le quotidien, comme en témoignent les auteures de ce dossier, et surtout faire connaître leurs initiatives qui ne sont pas encore sur la place publique.

Ces femmes nous disent encore que l’injonction de parité, l’assignation des genres à des rôles spécifiques pénalisent non seulement les femmes mais tout autant les hommes de la misère. Elles questionnent ainsi un progrès social réel, qui risquerait de passer sous silence leurs contraintes effectives au quotidien, et leurs aspirations légitimes.

1 Voir les articles de Naomi Anderson, p. 4, et de Michelle Perrot, p. 34.

2 Voir l’article d’Alexie Gasengayire, p. 30, note 1.

3 Voir le texte d’Audrey Molle, p. 27.

4 Voir le texte de Mauro Almeida Cabral, p. 8.

5 Article p. 45.

1 Voir les articles de Naomi Anderson, p. 4, et de Michelle Perrot, p. 34.

2 Voir l’article d’Alexie Gasengayire, p. 30, note 1.

3 Voir le texte d’Audrey Molle, p. 27.

4 Voir le texte de Mauro Almeida Cabral, p. 8.

5 Article p. 45.

Martine Hosselet-Herbignat

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