Œuvre du COLLECTIF SYLLOGE, Paroles données paroles perdues ?

Éd. maestrÖmreEvolution, 2020

Georges de Kerchove

p. 61-62

Référence(s) :

Œuvre du COLLECTIF SYLLOGE, Paroles données paroles perdues ? Éd. maestrÖmreEvolution, 2020, 268 p.

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Georges de Kerchove, « Œuvre du COLLECTIF SYLLOGE, Paroles données paroles perdues ? », Revue Quart Monde, 257 | 2021/1, 61-62.

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Georges de Kerchove, « Œuvre du COLLECTIF SYLLOGE, Paroles données paroles perdues ? », Revue Quart Monde [En ligne], 257 | 2021/1, mis en ligne le 01 mars 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10178

Cet ouvrage se divise en deux parties.

Dans un premier temps, il donne essentiellement la parole à des sans-abri bruxellois qui s’expriment dans des « espaces de paroles » auxquels participent également des travailleurs sociaux.

Le projet de ces « espaces de parole » créés en 1999 est ambitieux : il « s’ancre dans un idéal de participation des personnes précarisées et sans abri aux politiques publiques et institutions qui les concernent. »

Les auteurs explicitent leur démarche : « L’ouvrage prend la forme d’un ‘glossaire’ qui réunit et assemble la retranscription et la narration d’échanges sélectionnés dans les enregistrements des réunions. » Avec des expressions et des mots souvent imagés, ancrés dans leur expérience, des sans-abri y disent leur vision du monde et leurs aspirations.

Épinglons quelques réflexions parmi d’autres : « Je n’ai rien à me reprocher si ce n’est d’être à la rue… Nous ne sommes pas tous égaux face aux mots… Même le bon dieu a besoin de nous… Même si vous êtes l’homme le plus intelligent, peut-être qu’une personne bête peut vous apprendre quelque chose… Personne n’est à l’abri…. Et quand tu restes tout seul, c’est ça la vraie misère. Tu penses que tu n’as pas de dignité, que tu n’es pas comme les autres… Plus t’es au fond, plus tu fais des démarches. »

Chacune de ces réflexions mérite qu’on s’y arrête et qu’on les médite. Elles croisent et complètent les analyses des travailleurs sociaux, sociologues ou autres, qui parlent en termes de dignité, d’égalité, d’injustice épistémologique, d’accès au droit. Elles leur apportent un éclairage nouveau à partir de l’expérience des sans-abri. Et cet apport est irremplaçable.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, les auteurs tentent une évaluation des espaces de parole. Elle est nuancée : « L’inclusion des personnes sans abri dans des lieux de délibération politique et transformation des lieux d’accueil sont autant d’objectifs qui, de l’aveu des animateurs, ne se sont pas concrétisés. » Mais cet échec est relatif puisque les espaces de paroles ont permis « d’identifier collectivement les violences systémiques qui agissent au quotidien sur les vies de chacun. » De plus, ils ont entraîné des plus-values individuelles.

Ce livre, un must pour tous ceux qui rêvent de démocratie participative, mesure l’ampleur du défi de rester citoyen quand on devient un clandestin invisible dans son propre pays.

Georges de Kerchove

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