Vitalina Varela

Un film de Pedro Costa

Bella Lehmann Berdugo

p. 51

References

Bibliographical reference

Bella Lehmann Berdugo, « Vitalina Varela », Revue Quart Monde, 258 | 2021/2, 51.

Electronic reference

Bella Lehmann Berdugo, « Vitalina Varela », Revue Quart Monde [Online], 258 | 2021/2, Online since 01 June 2021, connection on 20 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10328

Une procession dans la nuit. Ses compagnons de labeur enterrent un homme. Vitalina, son épouse, débarque du Cap Vert juste après la mort de cet homme, immigré au Portugal. Ils se sont écrit dans les débuts de son exil, puis plus rien. Elle était sans nouvelles depuis vingt-cinq ans.

L’histoire véridique1, exemplaire de Vitalina a touché le réalisateur. Entourée d’autres acteurs non professionnels elle rejoue donc ici sa vie. C’est peu dire qu’elle habite son propre rôle.

Mariée jeune, séparée tôt de son mari, enceinte, elle construit leur maison à la force de ses bras, met au monde l’enfant. Elle attend les lettres de son mari. Peu à peu à travers ceux qui l’ont côtoyé dans le travail, dans l’amitié, dans le voisinage se dessine la vie du défunt : la dureté, l’invisibilité, l’indignité : « Ici nous ne sommes rien, il n’y a qu’amertume ». Elle comprend aussi qu’il y a eu une autre femme, partie avec les maigres biens gagnés.

Seule dans la masure de son mari elle se parle à elle-même, à lui aussi.

Dans l’espoir d’entrer en contact dans l’au-delà avec le défunt, elle rencontre un prêtre aux mains agitées de Parkinson, extrêmement impressionnant (longue scène).

Vitalina est photogénique : son visage, son regard ressemblent à celui d’une tragédienne. Les décors reconstitués – intérieurs nus, ruelles – accentuent la théâtralité. Les clairs-obscurs somptueux, la lenteur, les presque-ralentis (parfois gênants dans leurs répétitions) renforcent cette impression.

Pas à pas, une femme abandonnée à elle-même et à la misère, trompée, oubliée, entame un trajet de résilience, se relève, finit par faire la paix avec le défunt. Relégués aux abords de Lisbonne, exilés du Cap-Vert, Vitalina et ses nouveaux compagnons d’infortune « façonnés d’ombre » retrouvent la pleine lumière.

1 Vitalina Varela, Pedro Costa, Fiction, Portugal, 2021, 2h04, Léopard d’or de la meilleure interprétation féminine (Locarno).VOST.

1 Vitalina Varela, Pedro Costa, Fiction, Portugal, 2021, 2h04, Léopard d’or de la meilleure interprétation féminine (Locarno).VOST.

Bella Lehmann Berdugo

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