L’écrémage des pauvres

Samuel M. Miller, Pamela Roby and Alwine A. de Vos van Steenwijk

Translated by Alain Savary

p. 8-21

References

Bibliographical reference

Samuel M. Miller, Pamela Roby and Alwine A. de Vos van Steenwijk, « L’écrémage des pauvres », Revue Quart Monde, 260 | 2021/4, 8-21.

Electronic reference

Samuel M. Miller, Pamela Roby and Alwine A. de Vos van Steenwijk, « L’écrémage des pauvres », Revue Quart Monde [Online], 260 | 2021/4, Online since 01 June 2022, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10483

Article paru dans Transaction. June 1970, Volume 7, Issue 8, pp. 38–45.

Traduit de l’anglais

C’est une leçon que nous sommes encore lents et réticents à apprendre : la question que pose la pauvreté dans ce pays n’est pas, fondamentalement, une question de pauvreté mais d’inégalité. La plupart des personnes pauvres aux États-Unis ne sont pas confrontées au même degré de souffrance que les pauvres sans domicile de Calcutta. Dans les sociétés d’abondance, la plupart des pauvres souffrent plutôt du manque de constance de leurs revenus ; ils restent à la traîne par rapport aux standards de plus en plus élevés de la société. Ils vivent l’inégalité. Et cette inégalité ne peut pas être calculée en termes strictement économiques. Le revenu courant n’est pas la seule dimension du bien-être. On tient rarement compte non seulement d’autres indicateurs matériels, comme l’accès aux services essentiels et le patrimoine, mais de dimensions peut-être plus importantes encore, telles que la satisfaction, le statut social et l’autodétermination qui différencient les citoyens les uns des autres. Depuis qu’on y a déclaré la guerre à la pauvreté, les États-Unis ont adopté des politiques qui cherchent à ouvrir à un plus grand nombre de personnes l’accès aux services et opportunités réservés à la majorité privilégiée de la population1.

Mais en voulant inclure, on exclut, aussi. Les efforts visant à améliorer la condition des pauvres, quand ils sont efficaces, aboutissent le plus souvent à améliorer la condition de ceux qui occupent, pour ainsi dire, le haut du panier de la pauvreté, sans atteindre ceux qui sont au fond. Les conditions des laissés-pour-compte peuvent même empirer.

Par rapport aux autres, leur dénuement peut s’aggraver et leur estime d’eux-mêmes se détériorer. La mobilité sociale des uns peut signifier la dégradation des conditions des autres. Comme l’écrit Peter Schrag : « Au revers de chaque conception de l’opportunité, on trouve une dose équivalente d’exclusion et de rejet ». Les pauvres ne constituent pas une masse homogène ; leurs conditions et leurs attentes sont très variables. Il nous faut prendre conscience de la diversité de leurs réactions face aux différents types d’interventions et de programmes.

Écrémage : c’est le nom que nous avons choisi, en Amérique, pour désigner ce processus selon lequel ce sont majoritairement les moins pauvres qui bénéficient des programmes de lutte contre la pauvreté. Quelles sont les causes de l’écrémage ? On pourrait être tenté de répondre en invoquant les soi-disant caractéristiques socio-psychologiques déficientes des plus pauvres. Bien qu’elle soit très répandue, nous pensons que cette interprétation est inadéquate.

Notre propos ici est, d’une part, de montrer que l’écrémage est une conséquence notable de la plupart des politiques sociales visant à venir en aide aux pauvres, et, d’autre part, d’analyser les causes de l’écrémage.

Exclusion institutionnelle

Pourquoi et comment les institutions mêmes qui visent, en principe, à intégrer les exclus barrent-elles l’accès aux plus exclus de notre société ? La pratique courante de sélection et d’exclusion des personnes peut être considérée comme un problème relevant de la sociologie des organisations. Traditionnellement, la sociologie des organisations met l’accent sur une analyse du recrutement, de la sélection et du comportement des équipes et du personnel. Notre approche est différente en ceci que nous considérons l’organisation du point de vue du candidat, de l’usager ou du consommateur à faible revenu. À mesure que les services sociaux se développent dans ce pays (services sociaux au sens large de santé, éducation, formation, assistance sociale et loisirs), il sera de plus en plus important pour les spécialistes en sciences sociales de réfléchir aux processus qui influencent la façon dont les activités mises en place par l’organisation affectent les usagers. Les politiques et pratiques des organisations, souvent déconnectées des candidats individuels, déterminent en grande partie qui bénéficiera ou non des services. Les personnes qui élaborent et gèrent les politiques des organisations sélectionnent et traitent les candidats sur la base de la façon dont ces derniers répondent à leurs propres besoins et aux attentes de l’organisation.

La sélection et l’exclusion de bénéficiaires potentiels s’effectuent à différentes étapes de la relation entre l’organisation et l’usager pauvre. L’usager qui cherche à améliorer ses conditions de vie en faisant appel aux services sociaux est confronté à quatre étapes majeures : la présentation, l’admission, la phase finale et les résultats.

Obtenir l’aide de services sociaux est donc un parcours du combattant. Pour avoir accès aux services, il faut franchir les obstacles, qu’ils soient dressés par les organisations ou par le demandeur lui-même. En schématisant ainsi le parcours que tout candidat doit traverser pour éventuellement bénéficier de ces services, nous ne sous-entendons pas que le processus soit nécessairement linéaire, car certaines étapes se recoupent manifestement. Cependant, nous croyons qu’il est utile de distinguer analytiquement les différentes étapes de ce processus de façon à voir à quels stades il est possible d’améliorer la prestation des services. Nous avons affaire à deux processus parallèles : le comportement de l’usager d’une part et celui de l’organisation de l’autre. Examinons ces obstacles un par un.

La présentation

Erving Goffman a dépeint les diverses manières qu’a l’individu de se présenter dans la vie quotidienne et de gérer les impressions que d’autres se font de lui2. De la même manière, nous nous intéressons aux façons dont les organisations et programmes sociaux se présentent au public, et tout spécialement aux plus pauvres d’entre les pauvres. Dans l’hypothèse, bien entendu, où de tels services existent. Il est intéressant de noter que de nombreuses personnes sont exclues des services sociaux du fait que ces services ne sont pas disponibles dans certaines zones géographiques ou pour certains groupes ethniques. Les Américains les plus pauvres vivent majoritairement en zone rurale, alors que la plupart des services sociaux ou des programmes de formation sont concentrés en zone urbaine et périurbaine. La répartition inégale des services de santé d’une région à l’autre est particulièrement frappante. Ainsi, en 1966 on comptait dans l’état de New-York 211 médecins pour 100 000 habitants, contre 74 dans le Mississippi. Il y avait 127 praticiens pour 100 000 habitants à Los Angeles, et seulement 38 dans le district sud-est de Watts.

La façon dont les programmes se présentent aux plus pauvres fait intervenir trois questions majeures. Premièrement, qui est informé ? Deuxièmement, comment le public perçoit-il le programme ? Troisièmement, le programme ou le service est-il accessible à ceux qui le trouvent intéressant et voudraient y participer ?

Pour avoir accès à un programme, il faut d’abord savoir qu’il existe. L’information, c’est évident, n’est pas répartie de façon égale dans la société, et l’information relative à tel ou tel service ne fait pas exception. C’est souvent l’ignorance au sujet de l’existence d’un programme qui empêche la majorité des pauvres d’y participer. Dans leur étude sur le programme Head Start à New-York, par exemple, Max Wolff et Annie Stein3 montrent que, contrairement à l’idée reçue selon laquelle les bénéficiaires refusent d’utiliser les services sociaux, près de 60 pour cent des parents interrogés qui n’avaient pas envoyé leurs enfants à Head Start n’avaient jamais entendu parler du programme ou en avaient eu connaissance trop tard pour inscrire leurs enfants. Environ 90 pour cent de ceux qui en avaient entendu parler trop tard ont dit qu’ils y auraient envoyé leurs enfants s’ils en avaient été informés à temps. Les moyens utilisés pour promouvoir les programmes déterminent le public qui en prendra connaissance. La promotion d’un programme relayée dans les journaux, sur des affiches ou autres supports imprimés a peu de chances d’atteindre les plus pauvres. L’étude de Wolff a démontré qu’une mère de famille portoricaine, vivant seule avec ses enfants et bénéficiant de l’aide sociale, était beaucoup plus isolée qu’une mère de famille noire dans la même situation. Du fait que peu de publicité sur le programme Head Start avait atteint ces foyers isolés, un pourcentage considérablement inférieur d’enfants portoricains, par rapport aux enfants noirs, y avait été inscrit. Quand les enquêteurs de Wolff demandèrent aux parents ayant ou non participé à Head Start quel était, selon eux, le meilleur moyen de faire venir plus d’enfants l’été suivant, la plupart suggérèrent que des personnes de proximité viennent expliquer le programme dans les foyers.

De plus, l’information circulant souvent de bouche à oreille, de nombreux programmes s’aident des contacts des usagers déjà inscrits pour recruter. Étant donné que de nombreuses organisations ne traitent pas, au départ, avec les plus pauvres, ce sont au contraire les moins pauvres qui seront susceptibles d’être les mieux informés des nouveaux programmes. Il est peu probable que des programmes lancés précipitamment recourent à des méthodes de recrutement rigoureuses. Dans une étude menée sur l’embauche d’assistants pédagogiques dans les écoles d’été à New-York, l’une de nous (Pamela Roby) a constaté, par exemple, que le personnel administratif n’avait pas eu suffisamment de temps, au début du programme, pour mettre en place une campagne dynamique de recrutement à même d’informer les pauvres et les non-pauvres. De ce fait, ceux qui eurent connaissance de ces offres d’emploi destinées en principe aux pauvres ne furent pas les pauvres, mais, en grande partie, des étudiants, des parents et d’autres personnes qui connaissaient les directeurs, les coordinateurs, les enseignants, les organisations locales anti-pauvreté et autres acteurs impliqués dans ce programme d’écoles d’été. Il faudrait corriger le vieux dicton : « Ce qui compte n’est pas ce que tu connais, mais qui tu connais », pour y ajouter que ce que tu connais dépend aussi de qui tu connais. Dans ce cas précis, « qui tu connais » a pris de l’importance, non pas en raison d’un népotisme ou d’un favoritisme délibéré, mais parce qu’il fallait connaître des personnes impliquées dans le programme pour être informé de son existence et des postes à pourvoir. La plupart des rares personnes non qualifiées et à bas revenu embauchées comme assistants pédagogiques avaient entendu parler de ces postes par les écoles ou les centres de loisirs où elles avaient travaillé auparavant.

Au cours des années suivantes, les vrais pauvres ont rattrapé leur retard et occupé la plupart des postes d’un de ces programmes. Daniel Yankelovich a constaté, à Washington et à Pittsburg, que la majorité des non-professionnels travaillant dans les programmes d’action sociale étaient de vrais pauvres. Ceci était dû au fait que, dans ces villes, de grands efforts avaient été déployés pour informer les pauvres de ces nouveaux postes à pouvoir. À Washington, des employés du programme s’étaient rendus dans les rues, dans les bars, et même dans les prisons pour recueillir des candidatures. À Pittsburg, des meetings communautaires avaient été organisés pour favoriser le recrutement.

La deuxième question attenante à la présentation d’un programme est l’effet qu’il a sur les personnes qui viennent à le connaître. Est-il attirant ? Quelle image les pauvres en ont-ils ?

La façon dont une organisation se présente (consciemment ou non) influence la manière dont les bénéficiaires la jugeront intéressée par leurs problèmes et capable de les aider. La distance sociale entre les organismes et ceux qui pourraient bénéficier de leurs services est probablement plus grande pour ceux qui se trouvent tout en bas de l’échelle. Il en résulte que de nombreux pauvres évitent d’utiliser ces services, ou qu’ils se présentent timidement et se rétractent rapidement lorsque des situations d’urgence les forcent à demander de l’aide. Deux études portant sur Boston – celle de William F. Whyte en 19404 et celle d’Herbert Gans en 19585 – décrivent combien les organisations sociales gérées par les classes moyennes dans les quartiers italiens de bas revenus étaient peu attractives et de ce fait peu utilisées. Gans remarquait que les classes moyennes, à la différence des classes populaires du West End6, considéraient que les organisations et institutions de la classe établie soutenaient les objectifs de celle-ci, et non les leurs. Les « surveillants » issus de la classe moyenne du West End n’avaient jamais fait l’effort de comprendre la culture de la classe ouvrière locale, une société resserrée, d’égal à égal, très différente de la leur. De ce fait, les travailleurs sociaux étaient amenés à croire que « le refus des habitants du West End d’adopter les comportements orientés vers l’objet de la classe moyenne était pathologique ». Réciproquement, les habitants du West End considéraient les « surveillants » comme des déviants. Difficile de concilier les deux.

Plus récemment, on a constaté que les « examens des ressources » visant à pourvoir des services spécifiquement aux pauvres sont souvent des expériences humiliantes et stigmatisantes pour les usagers à bas revenus. Il s’ensuit que beaucoup de personnes n’utilisent pas les services dont ils ont besoin et auxquels ils auraient droit. Plusieurs initiatives ont commencé à chercher à éliminer ces rituels d’examens des ressources dégradants. New-York semble avoir limité le nombre de questions et d’interrogatoires humiliants, mais il en subsiste encore. Joseph Goldman signale que, même dans les centres expérimentaux, « le recours aux ‘surveillants’ pour recueillir les données semble entretenir une situation où l’on prête une attention démesurée aux modèles de comportement antérieurs et où l’on vérifie les antécédents de façon excessive au cours de la détermination de l’éligibilité. De nombreux travailleurs sociaux ont été incapables d’accepter la déclaration faite par les demandeurs de leur propre éligibilité comme seule base pour en décider. Ils pensent qu’il leur revient ‘d’attraper’ les demandeurs qui pourraient ne pas être véritablement éligibles ». Des recommandations ont été avancées pour corriger cette situation.

Enfin, l’accès à un programme peut être barré avant même l’admission des usagers en raison de son inaccessibilité physique ou de ses heures d’ouverture malcommodes. L’inaccessibilité physique n’est pas seulement une question de situation géographique mais de moyens pratiques nécessaires pour que les plus pauvres puissent s’y rendre. Les services sont souvent loin des pauvres et même quand on cherche à rapprocher les services des pauvres en les décentralisant, les organisations tendent à ne pas être situées dans les quartiers les plus pauvres. La situation géographique détermine le public qui voit et qui par conséquence a connaissance du service. Et puisque les transports sont moins accessibles aux pauvres et aux plus pauvres, la situation géographique des services influe aussi de façon décisive sur l’apparente disponibilité de ces services et sur le public qui y restera et y poursuivra un programme jusqu’au bout. Par exemple, Max Wolff a constaté que 6 pour cent des parents dont les enfants n’avaient pas participé à Head State gardaient leurs enfants à la maison, soit parce que la mère travaillait et n’avait personne pour emmener les enfants à l’école, soit parce qu’il y avait à la maison des bébés que la mère ne pouvait pas laisser seuls. De même, 1 082 des 57 800 apprentis qui ont quitté le Work Experience and Training Program7 établi par l’article V de l’Economic Opportunity Act8 entre l’automne 1964 et le printemps 1967 ont déclaré l’avoir fait à cause de problèmes de transport.

Ainsi, au niveau de la présentation, avant même le processus d’admission, un particulier peut être exclu d’un programme soit parce qu’il en ignore l’existence, soit parce qu’il en a une mauvaise perception, soit enfin parce qu’il n’y a pas physiquement accès.

L’admission

Ceux qui franchissent le premier obstacle sont confrontés à l’admission. Que se passe-t-il quand on postule pour un service ou un programme ? Comment est-on traité par les organisations ?

Très souvent, les demandeurs ne sont pas simplement admis ou refusés. On les fait attendre longtemps dans des endroits bruyants, surpeuplés, sinistres et inhospitaliers, où l’on est mal assis. Le recours à des listes d’attente pour maintenir un contact minimal avec les demandeurs sans leur pourvoir de services tend à décourager les plus pauvres ou à les pousser à abandonner. La liste d’attente a pour effet, souvent non désiré, de se débarrasser de ces demandeurs-là. Dans certains cas, l’urgence immédiate est résolue avant que ne soit surmontée la bureaucratie des organisations. Les familles s’arrangent d’une façon ou d’une autre pour passer des jours entiers sans argent pour se nourrir ou des mois sans meubles.

Anselm Strauss note (Trans-action, mai 1967) que dans le domaine de la santé, le système d’aiguillage fréquent vers des centres spécialisés amenait à des soins incomplets et, souvent, à une absence totale de soins. Au cours d’une enquête, George James a vu le cas d’un homme indigent âgé qui habitait à proximité d’un des centres médicaux les plus importants du monde et dont la vie illustrait bien les problèmes posés par de nombreux systèmes d’aiguillage. Cet homme, étiqueté comme patient « non-coopératif » par l’hôpital parce qu’il avait cessé de fréquenter les centres de soins, souffrait de douze pathologies majeures reconnues. On lui avait prescrit de se rendre dans pas moins de dix centres spécialisés différents ; mais comme il était trop malade pour pouvoir le faire, il avait cessé de tous les fréquenter.

L’admission ne signifie pas que l’attente prenne fin. Chaque visite d’un service peut en amener davantage. Des mères de famille qui ne peuvent pas se permettre de faire garder leurs enfants en bas âge doivent patienter deux ou trois heures dans les centres avant de recevoir des soins médicaux, pour elles-mêmes ou pour leurs enfants.

Pour admettre les particuliers dans un programme, les organisations appliquent des critères variés. Ces critères entraînent l’exclusion des plus pauvres des bénéfices éventuels du programme. Les organisations veulent s’assurer que le candidat ne présente pas de risques et que son cas sera facile à traiter. Des critères formels tels que l’éducation, l’âge, la résidence permanente aux États-Unis ou un casier judiciaire vierge peuvent constituer autant de barrières à l’entrée.

En mai 1968, la ville de New-York a assoupli les critères pour accéder aux logements à loyer modéré. Les anciens critères, semblables à ceux qui existent encore dans de nombreuses villes, illustrent bien la complexité ahurissante qui caractérise souvent les procédures d’admission. Selon l’ancien système, une famille dont les membres répondaient à l’une ou l’autre de 21 catégories de comportement était considérée comme un « problème potentiel » et sa candidature devait être réexaminée par le département des services sociaux. Lorsqu’une famille demanderesse était renvoyée au département des services sociaux, le processus d’évaluation qui en résultait était si long que les chances d’obtenir un appartement devenaient minces.

Les anciennes catégories de comportement comprenaient : les enfants nés hors mariage, l’alcoolisme, l’usage de stupéfiants, des « antécédents de comportement antisocial », l’appartenance à un « gang violent d’adolescents », un passé de mauvais payeur de loyers, les séparations conjugales fréquentes, le concubinage, une maladie mentale exigeant une hospitalisation, des changements de résidence « anormalement fréquents », un mauvais entretien du logement « y compris l’absence de mobilier », un « comportement incorrect » lors de la présentation d’une demande de logement et tout autre travers laissant présager de troubles futurs. Les six critères suivants font toujours partie de la nouvelle procédure : un historique d’actes criminels récents et graves, un comportement violent répété, une dépendance avérée aux stupéfiants, une condamnation pour viol ou déviance sexuelle, un domicile tenu de façon manifestement insalubre ou potentiellement à risque et un passé de troubles graves du voisinage, de dégradation de propriété ou autre comportement perturbant ou dangereux.

Dans certains programmes, les périodes d’évaluation pour déterminer l’adéquation du candidat au service en question et d’attente des résultats constituent autant d’expériences pénibles qui peuvent inciter les demandeurs à abandonner avant même d’être acceptés ou rejetés. Les particuliers peuvent aussi être redirigés vers d’autres organismes à travers un système d’aiguillage. Le plus souvent, cela a pour effet que les plus pauvres n’ont pas accès aux services, soit parce que l’organisme sollicité ne les fournit pas, soit parce que le demandeur finit par renoncer.

Il est donc souvent difficile de distinguer le renoncement de la part du candidat de l’exclusion de la part de l’organisation. L’attitude des décideurs et la formulation de décisions peuvent entrainer, de façon délibérée ou non, le renoncement. Le résultat final, à notre avis, est que les plus pauvres ont été tenus à l’écart des services.

La phase finale

Qui sont ceux qui vont jusqu’au bout d’un programme, et qu’est-ce que cela implique pour eux ? Il y a une grande différence entre ceux qui commencent un programme et ceux qui le terminent. Le pourcentage de débutants qui vont jusqu’au « diplôme » est généralement faible. Par exemple, au cours des neuf premiers mois du Department of Labor’s Concentrated EmpIoyment Program, 2 800 inscrits ont abandonné avant la fin. Quarante-six pour cent des inscrits au Department of Health, Education and Welfare’s Work Experience and Training Program ont abandonné ou ont été exclus du programme avant qu’il ne soit complété. Parmi les raisons expliquant l’abandon de 25 858 inscrits, en ordre décroissant de fréquence (et sans tenir compte du problème d’inaccessibilité mentionné plus haut) figurent : l’absentéisme (qui pouvait être dû à de nombreux facteurs personnels ou institutionnels), les problèmes de garde d’enfants, le manque d’attrait des affectations, la cessation du projet, l’absence de progrès, la mauvaise conduite, le refus d’effectuer certaines tâches et des horaires de travail peu pratiques. L’achèvement d’un programme dépend des efforts que doit faire une personne pour y rester, de la volonté de l’organisation de la garder, de la continuation même du programme et de la somme de bénéfices que la personne pense recevoir ou peut recevoir de la formation proposée. Les organisations peuvent aider les personnes à rester dans un programme en assurant des moyens de transport et la garde des enfants ainsi que, comme dans le cas des formations professionnelle, en rémunérant l’apprenti pour compenser le salaire auquel il doit éventuellement renoncer pendant la durée de la formation et pour lui permettre de subsister. La compréhension et l’appréciation des différents modes de comportement individuels varient d’une organisation à l’autre. Dans certaines organisations, les personnes dont le comportement n’est pas conforme au mode de vie de la classe moyenne sont encouragées à partir ou sont expulsées avant que le programme ne soit mené à terme. Il arrive bien trop souvent que l’achèvement d’un programme échappe au contrôle de ses usagers parce qu’il cesse ses activités en raison du non-renouvellement des financements.

La somme des bénéfices qu’un usager prévoit de recevoir ou reçoit effectivement d’un programme dépend à la fois de la façon dont le programme se présente et des bénéfices réels qu’il confère à l’usager et à d’autres plus avancés que lui dans le programme. Les particuliers sont plus enclins à suivre des programmes de santé ou de formation professionnelle, par exemple, si les raisons appuyant tel traitement ou telle formation leur sont clairement expliquées.

Certains programmes permettent aux usagers de bénéficier des avantages espérés au cours de la phase d’achèvement du programme, alors que d’autres visent à préparer l’usager à chercher des bénéfices après avoir achevé le programme.

Ainsi, certains programmes d’orientation offrent à des non-professionnels des emplois stimulants au cours de leur formation, alors que d’autres imposeront des semaines de formation sans pour autant garantir un emploi une fois la formation achevée. Dans ce dernier cas, les usagers seront enclins à abandonner en voyant que leurs amis et voisins qui ont terminé avant eux sont incapables de trouver un emploi ou d’obtenir les bénéfices escomptés – ce qui constitue l’étape finale de la prestation de services.

Les résultats

L’évaluation des services sociaux ne s’arrête pas à la seule considération de la disponibilité des services ni au nombre de particuliers ayant complété les divers programmes. Il faut aussi prendre en compte les résultats des services prestés. Le service est-il utile ? Si oui, à qui ? L’effet positif est-il durable ? Permet-il au particulier d’obtenir d’autres bénéfices, pour lui-même ou pour autrui ?

Le fait regrettable qu’au terme de programmes d’orientation professionnelle l’obtention d’un emploi ne soit pas garantie est tristement illustré par le Department of Labor’s Concentrated Employment Program. Dans les premiers temps, près de la moitié de ceux qui avaient complété un ou plusieurs programmes de formation attendaient encore de trouver un emploi ou d’être réorientés vers un autre programme. Des 56 000 apprentis qui avaient complété le Work Experience and Training Program, 28 pour cent n’ont pas été immédiatement embauchés.

Le programme JOBS9, subventionnant les employeurs du secteur privé qui embauchent des salariés aux « postes-clés », a récemment été endommagé par d’autres politiques gouvernementales. La contraction délibérée de l’économie par l’administration Nixon a conduit au licenciement d’employés JOBS, en particulier chez Chrysler. Les employés les plus difficiles à réaffecter sont vraisemblablement ceux qui souffriront le plus de la récession économique.

En même temps, par contre, il peut arriver qu’on tire avantage d’un programme sans le mener à terme. Par exemple, le Neighborhood Youth Corps10 fonctionne souvent comme un vivier permettant aux jeunes de subvenir à leurs besoins en attendant le statut de « post-adolescent » pour trouver un emploi plus facilement. L’étude de Westinghouse sur le programme Head Start11 a montré que les programmes d’été de courte durée ne produisaient pas d’avancées en matière de développement cognitif et effectif susceptibles de persister au cours des premières années de l’enseignement primaire. En revanche, les programmes d’une année entière, bien qu’inefficaces au regard des mesures du développement affectif utilisées dans l’étude, étaient à même de produire des avancées en matière de développement cognitif qui pouvaient être détectées dans les classes de première, deuxième et troisième années. Le rapport Westinghouse a aussi observé que les centres Head State entièrement noirs dans le Sud-est des États-Unis et les programmes disséminés dans des villes du centre avaient semblé donner de meilleurs résultats. Il serait utile de comprendre ce qui différenciait des autres ces programmes plus « performants ». Les chercheurs de Westinghouse soulignent eux-mêmes que leur étude avait seulement cherché à déterminer dans quelle mesure le programme Head Start avait eu un impact psychologique et intellectuel sur les enfants susceptible de persister au cours des premières années de l’enseignement primaire. L’étude ne s’était pas intéressée à l’impact du programme sur la santé ou la nutrition ; elle n’avait pas mesuré l’effet du programme sur la stabilité de la vie familiale ; elle n’avait pas évalué l’impact de Head Start sur la communauté dans son ensemble, sur les écoles, sur le moral et le comportement des enfants pendant qu’ils suivaient le programme.

Pour ou contre l’écrémage

En matière de prestation de services, les plus pauvres sont les plus susceptibles d’être exclus ou laissés-pour-compte à chacune des quatre étapes que nous venons de décrire. Il est peu probable que ces processus d’exclusion soient éliminés des programmes de lutte contre la pauvreté ou des programmes s’adressant plus largement à toutes les catégories de la population, car ils s’avèrent utiles aux organisations et à leur personnel à plus d’un titre. L’exclusion rend les institutions et les programmes plus homogènes. Elle permet au personnel de gérer plus facilement les organisations. L’exclusion des personnes les moins adaptées socialement au style de vie de la classe moyenne et aux pratiques des organisations permet aux institutions établies d’éviter des changements à grande échelle ; on ne retiendra ou on n’invitera que les personnes les plus adaptables aux programmes existants. Les plus pauvres n’atteindront le véritable succès que lentement car ils ont plus de chemin à parcourir. En n’acceptant que les pauvres les plus aptes à s’élever dans l’échelle sociale, un programme a plus de chances d’être « performant ». Il pourra alors, avec des résultats satisfaisants, faire bonne impression auprès du Congrès et des fondations et obtenir d’autres financements.

Nombre d’organisations ont ainsi des objectifs contradictoires. Les efforts déployés pour limiter les risques, pour obtenir des résultats et pour aider les personnes les plus aptes à bénéficier de l’aide vont à l’encontre de l’objectif de s’occuper des plus pauvres. L’écrémage peut aussi permettre de maintenir le statu quo de la société au sens large. Il confirme dans leur rôle les représentants, existants ou potentiels, des pauvres, sans atteindre ceux qui sont peut-être trop misérables pour pousser au changement.

L’exclusion confère un plus grand prestige à ceux qui sont acceptés. C’est pourquoi beaucoup d’universités montantes font de grands efforts pour maintenir les étudiants pauvres à distance, quitte à ne pas compléter leurs demandes d’inscription, de façon à accorder davantage de prestige à ceux qui sont admis. De même, un certificat de formation professionnelle peut être considéré plus favorablement par un potentiel employeur si seul un nombre relativement restreint de personnes ayant besoin d’une formation est autorisé à participer aux programmes.

L’écrémage peut avoir des résultats positifs dans certaines circonstances, mais dans d’autres, sans doute plus fréquentes, il s’avère préjudiciable. En cas d’écrémage, les laissés-pour-compte deviennent désabusés et amers. Ils constatent qu’une fois de plus les promesses n’ont pas été tenues et que leur situation est encore plus défavorable qu’avant le début du programme. Maintenant on leur demande : « Pourquoi n’avez-vous pas tiré profit de ces programmes ? ». Ils sont étiquetés comme ayant encore subi un échec. Quand les programmes font sortir les pauvres des ghettos, les plus pauvres se retrouvent privés de leurs anciens chefs de quartiers et du peu d’assistance que pouvaient leur fournir les moins pauvres.

L’écrémage peut amener la société au sens large à croire, à tort, que le succès peut être obtenu facilement et que des ressources limitées peuvent avoir un impact important sur les pauvres : « On peut faire beaucoup avec pas grand-chose ». Cela peut avoir pour conséquence qu’on n’insiste pas assez sur les ressources nécessaires à dépenser afin de changer véritablement les conditions matérielles des plus pauvres. De plus, l’écrémage peut amener à s’appuyer sur certaines méthodes et pratiques visant à résoudre les problèmes de l’ensemble des pauvres, alors qu’elles ne sont en fait utiles qu’à un groupe limité de pauvres plus mobiles socialement. Les bénéfices des programmes destinés aux moins pauvres des pauvres ne ruissellent pas jusqu’aux plus pauvres, parce que les premiers quittent souvent leur communauté en conséquence de l’aide qu’ils reçoivent. Et les méthodes qui marchent avec les moins pauvres, souvent, ne marchent pas avec les plus pauvres. Par contre, les services destinés aux plus pauvres profitent le plus souvent à l’ensemble de la communauté pauvre. Tout d’abord, parce que quand les plus pauvres sont mieux à même de gérer leurs propres problèmes, ils tendent à moins sortir des rangs et à apporter leur contribution à l’ensemble de la communauté économiquement faible. Deuxièmement, les services mis en place d’abord pour les plus pauvres sont généralement suffisamment flexibles pour être adaptés par la suite aux moins pauvres ; l’inverse est rarement vrai. Troisièmement, quand des services sont mis en place d’abord pour les plus pauvres, les moins pauvres qui veulent être inclus dans les programmes ont généralement la force de s’organiser politiquement et d’exiger de bénéficier également de ces services. Par exemple, des parents à revenu moyen avaient exigé que leurs enfants soient inclus dans les programmes Head Start initialement prévus pour des enfants pauvres. Les moins pauvres et la classe moyenne ont souvent la force politique et le savoir-faire nécessaires pour réclamer qu’une plus grande partie des ressources nationales soit consacrée aux services sociaux et d’éducation de façon à ce qu’ils puissent bénéficier eux aussi des programmes destinés à l’origine aux plus pauvres ; alors que les plus pauvres, du fait même de leur pauvreté, n’ont pas la force d’en réclamer autant pour eux‑mêmes.

Une réponse venue de France

Comment lutter contre l’écrémage ? Seule une politique délibérément adverse peut contrecarrer la tendance naturelle qu’ont les organisations luttant contre la pauvreté à aider les moins pauvres des pauvres. Les organisations doivent prendre conscience du public qu’elles incluent ou excluent à chaque étape de la prestation de services. Inclure les plus pauvres ne se fera pas naturellement ; les plus pauvres doivent être recrutés activement et aidés afin qu’ils complètent les programmes et bénéficient des services.

On peut rendre les services plus favorables aux plus pauvres en embauchant des pauvres et des nouveaux pauvres comme membres du personnel des services sociaux. Par des programmes de formation, on peut sensibiliser les travailleurs sociaux d’origine non pauvre aux mécanismes de l’écrémage. Peter Blau12 a démontré que l’orientation générale de l’organisation et de ses dirigeants joue également un rôle important. Quand une organisation se fixe clairement pour but de travailler avec les plus pauvres, les travailleurs sociaux sont plus susceptibles d’agir dans ce sens, qu’ils y croient personnellement ou non.

Il faut que les bailleurs de fonds et le grand public apprennent à repérer l’écrémage dans les programmes et comprennent que l’écrémage nuit aux plus pauvres. Les fondations et les organismes gouvernementaux de financement peuvent contribuer à lutter contre l’écrémage en demandant aux organisations de signaler les caractéristiques – économiques, éducatives, ou autres – des personnes qui postulent à leurs programmes, les complètent et en bénéficient. Ils peuvent spécifier que les programmes doivent inclure les plus pauvres et mettre l’accent sur leurs besoins. Les organisations indépendantes et les particuliers peuvent aussi vérifier de propos délibéré si les organisations pratiquent l’écrémage et critiquer celles qui le font.

L’association française Aide à Toute Détresse (ATD)13 offre un très bon exemple. Son objectif principal, à l’opposé de l’écrémage, est le travail avec les pauvres d’entre les pauvres. L’association vérifie les programmes gouvernementaux et plaide en faveur des plus pauvres quand il s’avère qu’ils sont exclus de programmes ou de services s’adressant en principe à tous. ATD a découvert, par exemple, que dans de nombreux bidonvilles en France, les pauvres n’étaient pas inclus dans le recensement national ni dans le système d’éducation. Le fait que l’éducation et de nombreux programmes d’aide sociale n’étaient en fait pas réellement universels était passé inaperçu. Sous l’insistance d’ATD, l’État a maintenant fourni des bus scolaires pour amener les enfants des bidonvilles jusqu’aux écoles éloignées. De plus, ATD, s’appuyant sur son expérience avec les enfants des bidonvilles, a aidé les enseignants et les écoles à développer des méthodes de travail avec ces « nouveaux » jeunes. Dans les bidonvilles, les travailleurs d’ATD ont aidé les parents et les enfants à apprendre le fonctionnement du système éducatif et à en tirer profit. Une équipe de volontaires d’Aide à Toute Détresse ayant récemment vécu plusieurs années dans le Sud-est de la ville de New York a constaté de même que les enfants les plus pauvres, les plus « difficiles » du quartier, étaient continuellement renvoyés à la maison ou totalement exclus des écoles, des services sociaux et de programmes de remédiation.

Les volontaires de l’Association connaissent parfaitement les besoins des plus pauvres parce qu’ils vivent et travaillent au sein des communautés pauvres. Ainsi donc, ils partagent 24 heures sur 24 la situation des pauvres et sont les témoins directs des effets de leurs conditions de vie et de l’impact des services sociaux destinés à les aider. Comme ils vivent dans la communauté, on leur fait confiance. Les pauvres, aussi bien que les plus pauvres, s’adressent à leurs voisins ATD pour leur demander de l’aide,… que ce soit pour utiliser leur téléphone en cas d’urgence, pour leur demander à qui s’adresser pour obtenir une assistance juridique, ou pour savoir quoi faire quand un enfant est continuellement renvoyé de l’école. Ces volontaires étant des voisins, ils peuvent être contactés jour et nuit, sont connus de tous et ne doivent bien souvent pas être mis au fait des détails d’une situation.

Notre propos s’est appuyé sur deux hypothèses qu’il convient d’expliciter.

La première est que les services mis en place et les ressources distribuées en valent vraiment la peine. Nous ne mettons pas fondamentalement en cause l’utilité de ces services comme le font certains critiques et spécialistes en sciences sociales. Notre analyse se concentre sur la question de la distribution : qui reçoit les services ou les ressources ? Si on tient compte de la pertinence de l’utilité, alors de nouvelles questions se posent. La disponibilité d’une ressource plutôt qu’une autre avantage-t-elle de façon différentielle une catégorie particulière de pauvres ? Il se peut, par exemple, qu’en mettant l’accent sur la distribution de services plutôt que d’argent, les moins pauvres reçoivent une part disproportionnée de services, alors qu’un programme accordant une aide financière en fonction des besoins a plus de chances de bénéficier aux plus pauvres.

La seconde hypothèse est qu’il convient de concentrer davantage de ressources et d’activités sur les plus pauvres qu’on ne le fait à présent. À l’inverse, d’aucuns soutiennent que tant que les fonds destinés à l’aide sociale seront limités, l’écrémage demeurera une politique sociale utile et souhaitable. Les partisans de cette position soutiennent que la société doit concentrer ses ressources et programmes sur ceux qui sont le mieux à même d’en tirer profit et que, au fur et à mesure que les moins pauvres émergeront de la pauvreté, les ressources pourront être transférées au groupe juste en-dessous, dont on pense qu’il sera à son tour le mieux à même d’en profiter. Une analyse comparée des coûts et des avantages pourrait bien confirmer cette thèse car, comme le signale Leonard Granick, les services sociaux n’ont actuellement pas suffisamment de ressources humaines et financières pour venir efficacement en aide en même temps aux « cas faciles » et aux « cas difficiles ». Et de fait, nous ne disposons peut-être pas non plus de la technologie ou des connaissances requises pour venir en aide aux « cas difficiles ». L’insuffisance en ressources et en connaissances en dit plus, c’est évident, sur la société et sur la science que sur les très pauvres.

Soutenir qu’il est important de reconnaître les tendances à l’écrémage et qu’il est souhaitable de les contrecarrer ne veut pas dire que l’anti-écrémage soit toujours la première des priorités dans la lutte contre la pauvreté. Toutefois, l’écrémage devrait figurer en haut de la liste. Nous pouvons seulement affirmer ici que l’écrémage n’est pas toujours la politique la plus utile. L’écrémage présente des avantages et des inconvénients et est souvent la conséquence inattendue d’actions sociales visant à aider les pauvres. Il nous faut trouver un meilleur équilibre entre un écrémage fréquent et non planifié d’une part, et une action volontairement centrée sur les plus démunis de l’autre.

1 Lindon Johnson, Discours sur l’état de l’Union, 08/01/1964.

2 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, Éd. de Minuit, Coll. Le sens commun, 1973.

3 Six months later: a comparison of children who had Head Start, summer, 1965, with their classmates in kindergarten. A case study of the

4 Street Corner Society, étude sociologique pratique et descriptive par William Foote Whyte, publiée en 1940. Whyte, considéré comme un pionnier dans

5 The Urban Villagers: Group and Class in the Life of Italian-Americans, Herbert Gans, recherche publiée en 1962.

6 Banlieue du West End, Comté d’Otsego, État de New-York.

7 Work Experience and Training Program, 1964, Programme d’expérience et de formation professionnelles, s’adressant notamment aux parents au chômage.

8 Economic Opportunity Act of 1964, loi signée par le président Lyndon B. Johnson le 20 août 1964, dans le cadre de sa politique de « guerre à la

9 JOBS program : programme EMPLOI.

10 Neighborhood Youth Corps : 1964, programme s’adressant aux jeunes de 16 à 21 ans, fournissant des conseils en matière de recherche d’emploi et

11 The impact of Head Start: An evaluation of the effects of Head Start on the children’s cognitive and affective development-volumes I‑II, Athens OH 

12 Peter Michael Blau (1918-2002) est un sociologue américain ; il a élaboré une théorie générale des organisations.

13 En 2009, le conseil d’administration du Mouvement international ATD Quart Monde a décidé de donner au sigle ATD un autre sens : Agir Tous pour la

1 Lindon Johnson, Discours sur l’état de l’Union, 08/01/1964.

2 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, Éd. de Minuit, Coll. Le sens commun, 1973.

3 Six months later: a comparison of children who had Head Start, summer, 1965, with their classmates in kindergarten. A case study of the kindergartens in four public elementary schools, Max Wolff et Annie Stein, édité par la Yeshiva University, 1966, New-York City. Le Head Start Program est un programme lancé en 1965 par le United States Department of Health, Education, and Welfare, ou HEW (Département de la Santé, de l’Éducation et des Services sociaux) fournissant des services éducatifs préscolaires, sanitaires et nutritionnels aux enfants des familles à faibles revenus.

4 Street Corner Society, étude sociologique pratique et descriptive par William Foote Whyte, publiée en 1940. Whyte, considéré comme un pionnier dans l’enquête par observation, y brosse un portrait très précis et vivant des bandes de jeunes immigrés italiens d’un quartier de Boston (Cornerville/North End) entre mars 1937 et l’été 1940.

5 The Urban Villagers: Group and Class in the Life of Italian-Americans, Herbert Gans, recherche publiée en 1962.

6 Banlieue du West End, Comté d’Otsego, État de New-York.

7 Work Experience and Training Program, 1964, Programme d’expérience et de formation professionnelles, s’adressant notamment aux parents au chômage.

8 Economic Opportunity Act of 1964, loi signée par le président Lyndon B. Johnson le 20 août 1964, dans le cadre de sa politique de « guerre à la pauvreté » et incluant plusieurs programmes en direction de la santé, de l’éducation et de la protection sociale des pauvres.

9 JOBS program : programme EMPLOI.

10 Neighborhood Youth Corps : 1964, programme s’adressant aux jeunes de 16 à 21 ans, fournissant des conseils en matière de recherche d’emploi et proposant une reprise ou une poursuite des études pour augmenter les chances de trouver un emploi.

11 The impact of Head Start: An evaluation of the effects of Head Start on the children’s cognitive and affective development-volumes I‑II, Athens OH : Ohio University, 1969.

12 Peter Michael Blau (1918-2002) est un sociologue américain ; il a élaboré une théorie générale des organisations.

13 En 2009, le conseil d’administration du Mouvement international ATD Quart Monde a décidé de donner au sigle ATD un autre sens : Agir Tous pour la Dignité.

Samuel M. Miller

Samuel M. Miller – dont l’annonce du décès ce 29 octobre 2021 nous est parvenue quand nous bouclions ce numéro – était professeur émérite de sociologie à Boston College, Boston University et à l’Institut du Commonwealth du Massachussets, et membre du Conseil pour la recherche et l’action Race et pauvreté. Il fut conseiller de diverses organisations américaines et européennes œuvrant pour la justice sociale.

Pamela Roby

Pamela Roby, docteure en philosophie et en sociologie, est professeure émérite de sociologie de l’University of California, à Santa Cruz.

Alwine A. de Vos van Steenwijk

Diplomate néerlandaise, Alwine de Vos van Steenwijk (1921-2012), fut l’une des premières volontaires permanentes à rejoindre le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, à Noisy-le‑Grand, en 1960. Elle fut présidente du Mouvement international ATD Quart Monde de 1974 à 2002 (voir l’article en page 4 de ce dossier).

CC BY-NC-ND