N° 265, mars 2023, Vers la justice épistémique.

Articles attendus pour le 1 janvier 2023

La préoccupation pour la connaissance a toujours été centrale dans l'agir et la pensée du Mouvement ATD Quart Monde, dès sa création à la fin des années 50. Joseph Wresinski s'est maintes fois exprimé sur ce thème. « Faire place à la connaissance que les très pauvres eux-mêmes ont de leur condition », valoriser cette connaissance, en la réhabilitant « comme unique et indispensable, autonome et complémentaire à toute autre forme de connaissance, afin de l’aider à se développer" : ces objectifs ont conduit le Mouvement a développé une épistémologie originale et à développer, sur la base d'une expérimentation, une méthodologie originale : le croisement des savoirs et des pratiques.

La construction, dans le champ de la lutte contre la pauvreté, d'une telle épistémologie rejoint des processus analogues qui n'ont cessé de croître dans les dernières décennies dans d'autres champs des luttes sociales : celui des femmes, des peuples autochtones, des populations victimes du racisme, etc…

L'on assiste ainsi à la naissance d'une épistémologie respectueuse, tournant le dos aux injustices épistémiques du passé. Peut-on de la même manière qu’on parle d’une épistémologie post-coloniale parler d’une épistémologie post-pauvreté ? Quels en seraient le contenu et les contours ?

Comment cette réflexion sur la connaissance née au cœur de l’action avec les plus pauvres pénètre-t-elle aujourd’hui le monde académique, les Universités, des institutions telles que, en France, le Centre National pour la Recherche Scientifique (CNRS) ou le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) ? Les recherches participatives qui se sont multipliées ces dernières années sont-elles vraiment le lieu d’une émancipation des populations qui y participent ? Quelles conditions doivent être réunies pour qu’elles le soient vraiment ?

Ce dossier de la Revue Quart Monde entend contribuer à ce débat essentiel sur une construction des savoirs qui donne une place réelle et authentique aux savoirs de ceux et celles trop souvent qualifiés d’invisibles ou d’inaudibles. Tant que leurs savoirs seront méprisés, tenus pour nuls, les personnes, familles et groupes en situation d’exclusion resteront en dehors des murs de la cité. L’avènement d’une justice épistémique est l’horizon de nos démocraties.

CC BY-NC-ND