Julien Bricaud et Xavier Crombé (dir.). “Jeunes migrants : le temps de l’accueil

Chronique sociale – Comprendre la société, 2020

Agnès de Vulpillières

Bibliographical reference

Julien BRICAUD et Xavier CROMBÉ (dir.). Jeunes migrants : le temps de l’accueil. Chronique sociale – Comprendre la société, 2020, 145 p.

References

Electronic reference

Agnès de Vulpillières, « Julien Bricaud et Xavier Crombé (dir.). “Jeunes migrants : le temps de l’accueil” », Revue Quart Monde [Online], 262 | 2022/2, Online since 01 June 2022, connection on 19 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10715

Cet ouvrage, foisonnant et très documenté, s’attache à décrire le vécu de jeunes migrants et le parcours qui leur est proposé, dès leur arrivée en France (protection des mineurs), avec un accompagnement à multiples facettes qui se doit d’être, avant tout, bienveillant.

Points de rencontre, points de passage

Depuis 2015, l’afflux de jeunes migrants (ou mineurs non accompagnés-MNA) accueillis par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) s’est amplifié : les auteurs, tous professionnels de l’accueil ou des migrations, s’attachent ici à décrire les besoins de ces jeunes et les moyens d’y répondre de façon optimale, laissant de côté la description des dispositifs institutionnels qui les accueillent (le plus souvent de foyers).

Les raisons du départ du pays d’origine (guerres, misère) et les conditions presque toujours éprouvantes du parcours de migration sont d’abord exposées. On remarque que les nombreux obstacles mis à l’entrée des étrangers adultes en Europe favorisent l’arrivée des jeunes, souvent envoyés par leur famille. Ils proviennent massivement d’Afghanistan, de Syrie, de Libye, du Congo, du Mali, tous pays rongés par la guerre.

Ils ont besoin d’être mis à l’abri, écoutés, accueillis au sein d’une communauté humaine ; de bénéficier d’un sas d’accueil bienveillant qui fait de la place au présent avant de se soucier de l’avenir.

Ils doivent comprendre ce qui leur arrive, surmonter la barrière de la langue, intégrer le fait qu’ils ne peuvent pas travailler d’emblée, mais doivent être scolarisés, formés, intégrés.

Un chapitre très instructif est consacré à la barrière de la langue (dimension très anxiogène) qui empêche de communiquer sans l’intermédiaire d’un interprète à qui on est obligé de faire confiance, condamne partiellement au mutisme, interdit l’échange spontané avec les accompagnants et les autres jeunes, dresse des obstacles qu’il faut lever avec beaucoup d’inventivité et de persévérance.

Le suivant aborde la question complexe du fait religieux et de la laïcité à la française, facteur du vivre ensemble. La religion est une composante forte de la culture et de l’identité de ces jeunes, elle porte la question fondamentale du sens, il faut en saisir la fonction humanisante dans leur histoire personnelle.

En même temps, les accompagnants ont le souci de protéger les jeunes du radicalisme et des phénomènes communautaristes de groupe.

Les auteurs s’attachent ensuite à la façon de soigner la vulnérabilité de ces jeunes mis à l’épreuve par la migration, phénomène fragilisant malgré les espoirs et les projets. Ils sont victimes d’insécurité affective, leurs repères subjectifs se brouillent, ils souffrent d’un psychisme blessé, de l’obligation de renoncer à la vie d’avant, de survivre aux périls et aux outrages des routes migratoires. Ils ont peur de l’exclusion sociale ou de l’expulsion, ils ont un besoin impérieux d’être rassurés, de pouvoir parler de soi, de se sentir exister, de se faire à nouveau entendre comme sujets.

Ils ont peu de problèmes de comportement jusqu’au jour où ils peuvent exploser : il faut repérer les signaux (manifestations de détresse), être à l’écoute, accueillir le récit des cauchemars qui les hantent et les épouvantent, entendre leurs plaintes psychosomatiques (maux de tête, insomnies, épuisement).

Certains ont besoin de consulter et d’être suivis pour retrouver la maîtrise de leurs émotions.

Pour tous, on pourra créer des ateliers (arts plastiques, chant) qui favorisent l’échange, libèrent la parole, donnent la fierté du savoir-faire et permettent l’expression des aspirations et des rêves de chacun.

Il faut aussi trouver comment faire une place à leur famille, même éloignée, et tenter de rétablir des liens. La migration est une rupture brutale et douloureuse avec l’environnement relationnel et affectif ; le rétablissement d’un contact réel permet aux jeunes de donner des nouvelles, de rassurer, de se rassurer après ce qui est souvent vécu comme un abandon de la famille, de retrouver un certain soutien.

Enfin se profile tout le travail nécessaire à l’expression d’un projet de vie, la scolarisation, le choix de la formation, la persévérance dans le projet malgré les exigences de la société d’accueil (titre de séjour).

Il leur faut récupérer confiance et estime de soi et trouver leur place dans une nouvelle communauté de vie. Avec l’aide sans faille de leurs accompagnants.

CC BY-NC-ND