Cristan Mungiu. “R.M.N” (IRM)

Film de Fiction, 2022

Bella Lehmann-Berdugo

p. 57

Référence(s) :

Cristan Mungiu. R.M.N. Fiction. Roumanie. 2 h 08. VOST. 2022 (Compétition officielle Cannes 2022).

Citer cet article

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Bella Lehmann-Berdugo, « Cristan Mungiu. “R.M.N” (IRM) », Revue Quart Monde, 263 | 2022/3, 57.

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Bella Lehmann-Berdugo, « Cristan Mungiu. “R.M.N” (IRM) », Revue Quart Monde [En ligne], 263 | 2022/3, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10795

Quelques jours avant Noël, Matthias quitte son emploi dans un abattoir en Allemagne. Il rentre dans son village de Transylvanie. Il était loin de sa famille : son fils Rudi, sa femme Anna très protectrice de l’enfant, son père Otto, veuf. Du fait de l’absence de Matthias, Rudi a été élevé surtout par sa mère ; or Matthias estime qu’elle ne sait pas faire de lui un homme courageux et fort. Rudi souffre notamment d’étranges angoisses qui l’ont rendu mutique.

Dans le cercle de Matthias, il y a aussi Csilla son ancienne petite amie, beaucoup plus libre et moderne que la plupart des gens de ce village reculé. Elle paiera cher sa liberté d’agir. La boulangerie industrielle où travaille Csilla a dû recruter des employés étrangers car personne ne veut de ce type d’emploi.

L’arrivée des deux employés sri-lankais (via un passeur qui y trouve son compte) fait déferler une onde de choc dans la communauté rurale très refermée sur elle-même. Les frustrations, les conflits, les peurs aussi refont surface et brisent une paix et une harmonie qui n’étaient probablement qu’apparentes.

Le film1 illustre une situation qui sévit en Roumanie. La pauvreté a poussé les Roumains à travailler ailleurs, en « occident » comme ils disent. Les entreprises locales survivent grâce à des aides européennes mais doivent recruter de la main-d’œuvre en Afrique ou au Sri Lanka.

Après avoir réussi à chasser les Roms (au statut européen), les villageois se déchaînent contre les étrangers qui occupent pourtant des postes dont personne ne veut. À cela s’ajoute la mainmise du religieux avec le politique. Mungiu nous offre une scène d’anthologie : sur les bancs d’une église pleine à craquer, une assemblée de villageois en colère crient contre les deux femmes dirigeantes de l’usine locale. « Notre pain quotidien pétri par des étrangers sera empoisonné ! »

Dans la forêt alentour, on retrouve un matin le vieil Otto pendu. Une IRM avait révélé une maladie et ses brebis sont régulièrement attaquées par des bêtes sauvages. Cette forêt empruntée aussi par Rudi sur le chemin de l’école le terrorise car elle cache peut-être des ours.

L’extrême-droite elle aussi gronde dans un pays qui rêvait de liberté ; elle gangrène aussi toute l’Europe.

Le film utilise à dessein plusieurs langues européennes : hongrois, roumain, allemand, français et anglais, illustration des flux de personnes, de cultures, de richesses.

Le film – au titre symbolique – propose une radiographie magistrale de la société roumaine, européenne, rentrée sur elle-même, malade de sa xénophobie, de ses préjugés, qui engendre sa propre violence.

1 Cristan Mungiu. Fiction. Roumanie. 2 h 08. VOST. 2022 (Compétition officielle Cannes 2022).

1 Cristan Mungiu. Fiction. Roumanie. 2 h 08. VOST. 2022 (Compétition officielle Cannes 2022).

Bella Lehmann-Berdugo

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