Norbert ALTER. “Sans classe ni place

L’improbable histoire d’un garçon venu de nulle part, Éd. PUF, 2022

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 60

Référence(s) :

Norbert ALTER. Sans classe ni place. L’improbable histoire d’un garçon venu de nulle part, Éd. PUF, 2022, 20 €

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Norbert ALTER. “Sans classe ni place” », Revue Quart Monde, 264 | 2022/4, 60.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Norbert ALTER. “Sans classe ni place” », Revue Quart Monde [En ligne], 264 | 2022/4, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10873

Ce livre est une autobiographie dans laquelle l’auteur ne dit pas « je ». C’est un récit de vie où, pour éviter la confession, le sociologue professeur d’université prend le parti d’inventer un double dont il décrit l’histoire avec un regard plongeant depuis les sommets des concepts.

Cela donne de prime abord un sentiment d’irréalité ou une leçon de sociologie, surtout dans les deux premiers chapitres : Maison, Travail.

L’auteur a du mal à caractériser sociologiquement son milieu social. Sa mère est d’origine paysanne, aux trente-six métiers, son père d’origine polonaise aux trente-six métiers aussi mais surtout souvent en prison. Il conçoit que ses parents sont du Lumpen prolétariat selon la terminologie de Marx, et ne ressentent pas d’appartenance de classe, contrairement aux personnes du monde ouvrier. Pour décrire ce Lumpen Prolétariat il dira que ses membres sont sans cesse hors des règles sociales, déviants par rapport à celles-ci… Pour sa famille, il décrit une errance, une non-conformité morale. Il magnifie la vie des enfants des barres HLM qui ont le bonheur de vivre en famille. Ces vies lui faisaient envie par contraste avec sa vie…, enfin, la vie de son double !

Les chapitres intitulés, École, Filles, Fautes, sont plus éclairants car alors l’auteur est obligé d’entrer dans des détails précis pour expliquer par exemple que, très bon élève jusqu’à la cinquième, il soit en échec scolaire à cet âge-là. Remarquable est son analyse de l’École qui le sécurise. Précieuses également ses observations sur le rôle décisif de certains de ses professeurs. C’est grâce à la tolérance de l’école par rapport à sa différence qu’il trouvera une place.

Aux chapitres Filles et Fautes il parle de la honte de risquer la honte, de sa réputation de « fils de voleur » et de « fils de cinglée », et surtout de sa façon de jouer avec les règles. Il analyse longuement l’indulgence de certains adultes qui lui laissent sa chance. Il n’a jamais été considéré comme pauvre car il ne pouvait jamais fournir les pièces justificatives. Il s’est donc débrouillé seul. En conclusion, il met en lumière deux thèmes qui caractérisent la trajectoire de son double : les fées (les filles qui l’aiment tel qu’il est) et l’indiscipline sociale qu’il cultive avec grand art. Ces constats lui permettent de s’élever contre les théories du déterminisme social pur : « On oublie qu’entre une société et un individu, il existe des échanges avec les autres, parfois formidables, qui produisent espoir et engagement ».

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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