Yasmine CHAMI. “Casablanca circus

Éd. Actes Sud, 2023

Brigitte Bureau

p. 60

Référence(s) :

Yasmine CHAMI. Casablanca circus. Éd. Actes Sud, 2023, 195 p.

Citer cet article

Référence papier

Brigitte Bureau, « Yasmine CHAMI. “Casablanca circus” », Revue Quart Monde, 269 | 2024/1, 60.

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Brigitte Bureau, « Yasmine CHAMI. “Casablanca circus” », Revue Quart Monde [En ligne], 269 | 2024/1, mis en ligne le 01 mars 2024, consulté le 28 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11321

Le roman s’ouvre sur un tableau idyllique : May et Chérif, jeunes Marocains originaires de Casablanca, vivent à Paris où ils ont fait de brillantes études. Ils ont un petit garçon et attendent une petite fille. Ils partagent les mêmes valeurs et idéaux de gauche. Ils sont féministes, écologiques. Chérif ambitionne de mettre l’architecture au service des populations les plus pauvres. Comme historienne, May se passionne pour les questions de justice. Tout ce bel équilibre va pourtant s’effondrer lorsqu’ils décident de retourner vivre dans leur ville natale. Le livre décrit le travail de sape insidieux exercé par le poids des traditions, les impératifs de réussite sociale qui s’imposent en particulier aux hommes, la corruption des politiques et les arrangements entre amis sous couvert de bonnes intentions et de promesses non tenues. Le lieu de cet affrontement entre la fidélité aux idéaux et la compromission est le bidonville El Bahriyine, situé en bord de mer, sur un site convoité par les promoteurs. Chérif est chargé du projet de déplacement des habitants vers un éco quartier à la périphérie de la ville. Il est convaincu, sans les avoir consultés, que ce quartier est une chance pour eux. May a une tout autre approche. Elle va à la rencontre des habitants du bidonville, les écoute, note leurs confidences, ce qu’elle apprend, se fait accepter d’eux, se fait des amis, partage des émotions. Ces rencontres aboutissent à un livre qu’elle signe avec les habitants. Mais ce n’est pas un livre qui arrêtera le rouleau compresseur de la politique et de l’arrivisme ni ne l’empêchera de broyer la vie des habitants, leur place dans l’histoire de cette ville complexe, marquée par la colonisation, l’exode rural, les divisions de classe. Comme récit social, c’est donc un roman très pessimiste dans lequel les plus pauvres sont condamnés d’avance. Cependant, il met en lumière des personnages qui, quel que soit leur milieu d’origine (des habitants du bidonville à la famille très aisée de May), parce qu’ils sont habités par la fidélité à leur culture, par leur aspiration à la justice, par leur empathie, dessinent un chemin de rencontre humaine au-delà de tous les clivages.

Brigitte Bureau

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