Dans la lutte contre la grande pauvreté, l’école est en première ligne.

Or, loin d’offrir une égalité de parcours à tous les enfants, elle conforte ou renforce les inégalités d’origine. Les enfants de classes sociales défavorisées sont peu aidés à savoir comment devenir élèves. Les enquêtes montrent que ces enfants sont majoritairement triés et envoyés dans les filières de l’enseignement spécialisé alors que les parents, souvent révoltés par l’échec de leur propre scolarité, sont malgré cela persuadés que l’avenir de leurs enfants passe par l’école.

En France, la recherche CIPES1, auquel ce dossier donne un large écho2, entre dans l’observation détaillée des maltraitances institutionnelles dont l’école se rend responsable vis-à-vis des enfants de familles en situation de grande pauvreté (ou de grande précarité), afin de mieux comprendre cette surreprésentation des élèves issu·es de ces familles dans les filières de l’enseignement spécialisé. Elle propose également de mettre en œuvre des actions pour y remédier, en sollicitant activement les parents et les militant·es Quart Monde, étroitement impliqué·es dans cette recherche CIPES.

En Belgique, l’enseignement spécialisé francophone a longtemps fait figure de référence en Europe, mais son évolution malheureuse se traduit aujourd’hui par des orientations abusives caractérisées par l’absence d’information et de participation des enfants et des parents. La pauvreté, avec son cortège de difficultés concrètes, devient un motif d’orientation vers l’enseignement spécialisé.3

Partout dans le monde, l’accès à l’instruction des plus pauvres est bafoué et nécessite une levée d’énergies militantes pour être pris en compte. Le programme d’apprentissage Ang Galing, mis en place dès 2012 par ATD Quart Monde, s’adresse aux enfants qui habitent avec leur famille dans le cimetière Nord de Manille aux Philippines. Il fonctionne « comme un tremplin pour redonner aux parents et aux enseignants la confiance que ces enfants peuvent apprendre. »4 Au Guatemala, c’est la création d’un sous-secteur de l’éducation extrascolaire qui garantit le droit à l’éducation des nombreuses personnes n’ayant pas terminé leurs études primaires et secondaires, ou qui n’ont jamais pu y accéder, leur donnant une « deuxième chance » d’étudier.5

Ces recherches et programmes entretiennent l’espoir ; ils indiquent une voie étroite, exigeante, pour sortir de la discrimination scolaire. Faisons en sorte qu’ils constituent des leviers de changement !