L’Ukraine résiste de l’intérieur à la guerre en poursuivant sa mission d’éducation. Un voyage durant un an1, de ville en ville, plus ou moins proche de la frontière et des combats, le nombre de kilomètres est précisé sobrement chaque fois à l’écran.
Nous voyons des enfants dans l’excitation d’une rentrée scolaire. Nous voyons des adolescents répétant un spectacle de danse en couple pour la fin d’année. Quoi de plus banal.
À aucun moment la guerre ne sera mentionnée directement. On nous montre petit à petit comment elle s’infiltre dans les classes. Bâtiments détruits, des élèves reviennent dans les décombres, piétinent du verre cassé, retrouvent des pans de la vie d’avant, photos de classe, dessins ; pas de pathos à l’écran.
Dans toutes les classes visitées dans la durée, les professeurs (en majorité des femmes) apparaissent comme extraordinairement investis, à la fois fermes et bienveillants.
Le film s’abstient de tout commentaire, sa force tient là (exception faite de deux professeurs s’exprimant brièvement). Pas de bande musicale non plus. La caméra use de gros plans, à distance. Les séquences longues, captent l’atmosphère, laissent éprouver ce qui se joue. Un oiseau volète, captif dans un couloir abandonné. Les intermèdes poétiques, les silences, sont bienvenus dans un film dense.
Les institutrices, les professeurs apparaissent comme les chevilles ouvrières d’une résistance en profondeur. Dans des sites détruits à 80 %, une enseignante fait cours à distance, seule au milieu des décombres. Elle terminera en proposant aux élèves de lui envoyer des émoticônes pour lui dire leur ressenti. Une cérémonie de remise de diplôme a lieu à distance, la jeune lauréate est soutenue à la maison, sous le regard de sa mère. On ne lâche rien, l’anglais commence dans les petites sections. Longue séquence sur un cours d’art plastique dans un sous-sol. De jeunes apprentis manipulent une mitraillette, posent un garrot. En cours de métallurgie et forge, ils fabriquent des objets militaires, ailleurs ils étudient la conception d’un drone. L’envers du décor, on nous le laisse plutôt deviner (solitude, inquiétude, découragement).
La réalisatrice a su capter de nombreux moments où s’incarnent l’énergie vitale des élèves et la formidable détermination des professeurs mais le film mériterait néanmoins quelques coupures. Les petits enfants chantent en chœur : « Je vous en prie, ne jouez pas à la guerre. » Quant aux grands, fraîchement bacheliers, prêts à s’envoler vers l’université, le directeur leur rappelle : « Ce sera à vous de reconstruire l’Ukraine. »

