Comment être père quand on a très peu de moyens ?

André Compaoré

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André Compaoré, « Comment être père quand on a très peu de moyens ? », Revue Quart Monde [Online], 189 | 2004/1, Online since 05 August 2004, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1212

Un parent peut toujours pardonner à son enfant car en vérité il ne l’abandonne jamais

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Burkina Faso

Ma fille connaît mon caractère. Elle sait que je suis pauvre. Si une personne ne la respecte pas, elle sait qu’elle doit quand même la respecter. Si on lui parle mal, elle sait qu’elle ne doit pas répondre mal.

Si votre enfant veut quelque chose que vous n’avez pas, il faut lui dire de patienter. Lui dire non tout simplement, ça peut le fâcher. Il peut même partir. Lui faire des promesses, ça peut tourner notre parole en mensonge car la pauvreté pèse trop lourd. Ma fille, elle, est prête à attendre, car elle sait que je ne peux pas gagner des choses vite, que ça peut prendre du temps.

Quand vous n’avez rien pour votre enfant, c’est très difficile. Les autres peuvent vous critiquer, disant que vous ne vous occupez pas de lui. Mais ce n’est pas la réalité, c’est par manque de moyens. Un parent sait que ce n’est pas bien quand il n’a rien pour son enfant. Mais il ne peut pas faire autrement. Si les parents n’ont rien, les enfants doivent circuler de droite et de gauche pour chercher un minimum.

Les pauvres ne peuvent jamais être fatigués, ils sont obligés de tourner tout le temps et partout pour chercher de quoi nourrir la famille.

Depuis que ma fille est scolarisée, je pars à l’école chaque fois que je suis convoqué, même si c’est loin et que je dois marcher. Même si j’ai du travail, je le laisse pour y aller. Si ma fille part vendre au marché, elle peut prendre des idées qui ne sont pas bonnes. Si elle travaille au champ, c’est bien. Mais c’est encore mieux si elle peut apprendre le français, apprendre à communiquer avec les autres. Elle aura ainsi plus de choix pour son avenir.

Quand un enfant part en ville

Il faut se rappeler que ce ne sont pas tous les enfants qui abandonnent leurs parents. Un enfant le fait quand il veut être comme les autres alors que ses parents ne sont pas comme les autres car ils sont pauvres. Peut-être qu’il veut un vélo et il sait que sa famille ne peut pas le lui offrir.

Quand un enfant a quitté sa famille pour partir en ville, souvent il veut y revenir mais il n’a pas les moyens de le faire. Il ne faut surtout pas lui demander pourquoi il a abandonné ses parents. Il faut simplement l’aider à les rejoindre, en lui demandant quand il veut aller les voir. Et il ne peut pas les revoir sans être accompagné car il sait qu’il leur a fait du mal en les quittant. Il vaut mieux que quelqu’un d’autre aille leur demander s’ils acceptent que leur enfant revienne. Même si l’enfant est resté longtemps hors de sa famille, celle-ci peut lui pardonner car le temps a passé. Un parent peut toujours pardonner à son enfant car en vérité il ne l’abandonne jamais. Parfois il lui faudra laisser l’enfant partir ailleurs, mais ça ne veut pas dire qu’il l’abandonne pour autant.

André Compaoré

André Compaoré, premier militant d’ATD Quart Monde au Burkina Faso, en fut délégué à Rome (1989)

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