Vers quel progrès

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« Vers quel progrès », Revue Quart Monde [En ligne], 192 | 2004/4, mis en ligne le 05 mai 2005, consulté le 23 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1340

Chine - Migrants vers les villes.

Shanghai compte aujourd’hui plus de 3 millions de personnes venues de l’extérieur, parmi lesquelles plus de 2 millions de travailleurs migrants d’origine rurale. Ces derniers résident pour la plupart dans la périphérie en raison des loyers meilleur marché, de plus en plus souvent avec leur famille... Ils occupent des logements que leur louent les gens du cru : le plus souvent, il s’agit de baraques provisoires, implantées de manière anarchique, donc menacées à tout moment de disparition pour peu que la municipalité décide d’aménager le secteur. Ces quartiers sont dépourvus des principaux équipements : pas de tout-à-l’égout, pas de ramassage des ordures, ni même parfois d’eau courante. (Liaowang, cité par le Courrier international , 8-14/06/04)

France - Réduction des aides

Dans sa quête d’économies budgétaires, le gouvernement vient de rendre publiques une série de mesures qui affectent les ménages à revenus modestes... Ces dispositions nouvelles vont entraîner la diminution –ou la suppression - d’allocations accordées sous condition de ressources à plusieurs dizaines de milliers de familles. (Le Monde, 31/07/04)

Dehors avec mon bébé.

Depuis dix mois, cette jeune femme de 24 ans erre de foyer en foyer. Kadiatou est arrivée en France il y a trois ans. « J’ai d’abord été hébergée chez ma tante à Paris. Mais elle m’a mise dehors au bout d’un an. Heureusement j’ai rencontré quelqu’un au foyer Sonacotra où je travaillais qui m’a proposé de m’héberger moyennant un petit loyer. Mais quand il a su que j’étais enceinte de cinq mois, il m’a mise dehors. » Kadiatou se retrouve à la rue. Sans papiers, sans travail, la jeune femme est désespérée. « Je me suis mise à pleurer toute seule sur un banc dans la rue. Il y a une Malienne qui m’a vue. Elle m’a parlé en malien et elle m’a orientée vers un centre social ». Là Kadiatou trouve enfin du secours. » (Le Parisien, 31/07/04)

Une petite fille de cinq mois a été retrouvée mardi, seule dans sa poussette dans un immeuble de Bobigny (Seine-Saint-Denis) Sa mère a été retrouvée et déférée devant le parquet de Bobigny. Sans domicile fixe, elle a expliqué qu’elle n’avait pas les moyens de subvenir aux besoins du bébé. Elle devrait comparaître devant le tribunal correctionnel pour « délaissement d’enfant » (La Croix, 19/08/04)

La solidarité, un délit ?

Au terme de quinze mois de procédures et de dix-huit heures d’audience, il ne reste pratiquement rien des poursuites engagées devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) contre deux militants associatifs. (...) Mis en examen pour « aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière, en bande organisée » et placés sous contrôle judiciaire (...) ils risquaient dix ans de prison et 75 0000 euros d’amende (...) « On n’est pas ici pour juger les délinquants de la solidarité » avait déclaré quelques heures plus tôt le substitut. « La justice n’est pas une machine à broyer » avait-il ajouté en répondant à une large banderole, déployée jeudi toute la journée devant le palais de justice, sur laquelle on pouvait lire « La solidarité n’est pas un délit »... A la barre des témoins, s’est ému un ecclésiastique : « Avant-hier, on a encore donné 240 repas aux réfugiés... Parmi eux, il y avait des mineurs de 14 ans. Contrairement à ce qu’a voulu faire croire le gouvernement, la fermeture de Sangatte est un échec. Les réfugiés sont toujours là dans des conditions déplorables. Face à des êtres démunis de tout, on ne se pose pas la question de savoir si on est dans l’illégalité ou non. On ouvre son cœur. » (...) « Après la fermeture de Sangatte, on savait que la police voulait la peau de notre collectif d’aide aux sans-papiers. On faisait attention. Mais quand il pleut au mois de novembre à 23 h 30, on n’a pas forcément envie de mettre les personnes qu’on a accueillies dehors » dit l’un des militants.(Le Monde, 21/08/04)

Suisse - La police des pauvres.

Les pauvres coûtent toujours trop cher pour les finances publiques. A tel point que la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a mis les bouchées doubles pour rendre ses nouvelles normes d’assistance sociale opérationnelles dès janvier 2005. (...) «La réinsertion prime la rente», est-il proclamé à l’appui de la réforme, à l’instar du leitmotiv également rabâché au sujet de l’assurance-invalidité. Ce programme sonne fort bien –peut-on être contre une réinsertion ? – mais il inverse la réalité. Si des gens se retrouvent à l’invalidité et à l’assistance, c’est précisément –dans une bonne majorité des cas– parce que le marché du travail est devenu de plus en plus pointu et accepte uniquement des employés ultra-performants. Les employeurs ont bétonné les interstices, peu rentables mais socialement utiles, dans lesquels les travailleurs fragiles, malades, handicapés ou sous-qualifiés déployaient leurs compétences et gagnaient leur pain il y a quelques lustres. Aujourd’hui, la CSIAS retourne la faute sur les exclus du marché de l'emploi, coupables de ne pas s’intégrer dans des entreprises ne voulant plus d’eux. Le rapport d’évaluation des normes de la CSIAS justifiant la réforme le proclame sans ambages : «L’aide sociale accordée aux personnes n’exerçant pas d’activité lucrative, mais aptes au travail, doit être réduite à un niveau qui ne garantit pas le minimum d’existence à moyen terme. » En plus des conséquences du chômage, de l’exclusion, de la maladie... il leur faudrait également supporter la responsabilité pleine et entière de ce qui leur arrive. (...)

Après le salaire «à la performance», on introduit aujourd’hui l’assistance au (dé)mérite et on classifie les pauvres entre «bons» et «mauvais». En reproduisant servilement le modèle même qui crée l’exclusion économique dans l’assistance, la CSIAS tourne le dos à sa fonction sociale pour se transformer en gendarme de l’indigence. (Le Courrier, 07/08/04)

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