Une route… vers quelle justice ?

Niek Tweehuysen

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Niek Tweehuysen, « Une route… vers quelle justice ? », Revue Quart Monde [Online], 179 | 2001/3, Online since 05 March 2002, connection on 23 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1763

Une route, planifiée depuis de nombreuses années, doit être élargie. Pour les ingénieurs, les maisons sont trop proches de cette route. Leurs habitants sont donc menacés d’expulsion. On dit que le gouvernement va revoir le projet, car il atteint trop de monde. Les bulldozers sont pourtant déjà arrivés et des officiels ont averti que les maisons seront démolies.

Les habitants qui n’ont pas trouvé refuge chez leurs familles ou chez des amis sont allés s’installer devant la porte du bureau des Nations unies qui s’occupe des réfugiés.

Une solution est proposée et les familles sont transportées en cars de police sur un terrain à quarante kilomètres de leur ancienne habitation, au milieu de la brousse où une soixantaine de tentes sont mises à leur disposition. Elles peuvent demander à se procurer un terrain pas trop éloigné pour y construire une nouvelle maison.

Nous sommes allés à la rencontre de ces familles. Elles sont une vingtaine. Sans travail ni terre pour cultiver la moindre chose. Elles n’ont qu’à attendre le lever et le coucher du soleil et la nourriture des organisations caritatives. Elles ne disposent que d'un seul robinet. Nous rencontrons une mère et son fils. Le père, décédé, avait pu construire une petite maison pour les siens. « J’ai tout perdu » confie cette femme. Et son fils interroge : « Comment puis-je travailler ? Je n’ai pas d’argent pour aller en ville et si j’en trouve, je dois protéger ma mère et mes sœurs, ici. » Une des sœurs ne va plus à l’école. Nous partageons le repas et restons assis par terre. Nous ne savons plus quoi nous dire et un long silence s’installe.

La situation nous fait réfléchir. Ces familles étaient soutenues par des organisations et des citoyens. Mais monter un campement dans la brousse, est-ce une réponse à leur détresse ? Les associations apportent à manger. Mais cela remplace-t-il le travail du fils et l’école de l’enfant ? Le gouvernement a donné le terrain et installé un point d’eau. Mais n’aurait-il pas dû aller plus loin ? Et le pays étranger qui a financé la construction de la route, et qui l’a construite, n’a-t-il pas pu intervenir ?

Volontaires, nous souhaitons être proches de ces familles qui campent loin dans la brousse, loin de tout développement, loin de toute participation. Comme les familles expulsées et plus ou moins relogées que nous connaissons en Europe et en d’autres pays du monde, elles veulent être considérées non comme des obstacles mais comme des personnes capables de participer au progrès.

CC BY-NC-ND