Demander aux gens leur avis

Hervé Bischerour and Catherine Renault

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Hervé Bischerour and Catherine Renault, « Demander aux gens leur avis », Revue Quart Monde [Online], 176 | 2000/4, Online since 05 June 2001, connection on 25 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/2251

Comment participer à l'évaluation de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ?

Index de mots-clés

Participation, Evaluation

Hervé Bischerour : Au sein du Mouvement ATD Quart Monde, je participe au « groupe de suivi de la loi » qui réunit tous les deux mois à Paris une douzaine de personnes venant de plusieurs régions de France (militants du Quart Monde, alliés, volontaires). Nous avons élaboré ensemble un questionnaire d'enquête pour évaluer la loi avec ceux qui étaient censés en bénéficier. Chacun de nous avait préparé des questions et nous les avons mises en commun pour arriver à une version satisfaisante qui a été diffusée à deux mille exemplaires. Personnellement, j'ai fait remplir ce questionnaire dans ma région.

Catherine Renault : Hervé et moi, nous avons créé un « comité de vigilance », c'est-à-dire un groupe de réflexion sur la loi, avec trois personnes alliées du Mouvement et deux habitantes d'un quartier de la banlieue lyonnaise. Ce groupe s'est réuni deux heures tous les quinze jours, d'avril 1999 à avril 2000, à Bron, dans le local de l'association « Droit pour Tous ». A partir de situations concrètes, nous avons approfondi notre connaissance de la loi et de ses décrets d'application. Grâce à ce travail, nous avons pu participer activement à une session nationale d'évaluation de la loi organisée par ATD Quart Monde, à Paris, au début de l'année 2000.

H.B. : Grâce au questionnaire que nous avions mis au point, j'ai pu avec l'aide d'une autre personne aller au-devant d'une bonne vingtaine de personnes à Lyon, à Châlons-sur-Saône, à Saint-Etienne... Chaque rencontre prenait une demi-journée. Tout seul, je n'aurais pas réussi à démêler les problèmes des gens. Forcément, ceux-ci nous considéraient un peu comme des travailleurs sociaux qui allaient pouvoir les aider. Et puis, je dois dire que je me retrouvais personnellement dans les mêmes difficultés qu'eux, au point que je n'arrivais pas à m'en tenir aux questions de l'enquête ! Heureusement, nous enregistrions nos entretiens et c'étaient d'autres personnes qui relevaient les bandes. En tout cas, ceux que nous interrogions étaient intéressés, même si nous ne les connaissions pas auparavant ou s'ils n'avaient jamais entendu parler de la loi. On aurait dit que ça leur donnait comme une nouvelle force.

C.R. : C'est vrai. J'ai été surprise que les gens répondent aussi volontiers à des questions qui étaient quand même très personnelles. Cela veut dire qu'il y avait chez eux comme une attente. Nous leur disions : « Ce que vous allez répondre va servir à évaluer la loi ». Les gens n'en revenaient pas, surtout les jeunes. Ils sont tellement avides qu'on leur parle, qu'on leur demande leur avis, ce qui se fait rarement. Pour cette raison, l'enquête était vraiment un outil génial.

H.B. : Certains nous disaient : « Cela, il faut le noter, il faudra le dire ! » C'est comme s'ils reprenaient espoir. Ils étaient heureux de donner leur point de vue, d'être partenaires, quoi !

C.R. : Oui, mais en même temps cela fait un peu peur. Quand on leur assure que ce qu'ils disent va être pris en considération, ... est-ce que c'est vrai ? Est-ce que vraiment ça va être pris en compte pour améliorer la loi ? On a le sentiment parfois que celle-ci est tellement peu connue par ceux qui devraient l'appliquer ! Mais néanmoins l'enquête m'est apparue comme un vrai outil de formation. En redonnant espoir, elle peut permettre à certains de s'engager dans quelque chose.

H.B. : Ma prochaine responsabilité, à partir du mois de septembre, sera de retourner vers ceux que j'ai interrogés. Je leur communiquerai l'évaluation complète de la loi. Ils verront comme ça que ce qu'ils ont dit a servi. C'est déjà un point.

C.R. : On a eu aussi la chance de pouvoir évaluer le programme « TRACE », grâce à une personne de notre groupe de vigilance qui est référente dans une Mission locale pour l’emploi en région Rhône-Alpes. Au début elle pouvait faire un travail intéressant avec les huit jeunes qu'elle suivait ; mais maintenant elle doit en suivre quinze, ce qui va être beaucoup moins facile.

H.B. : C'est dommage, parce qu'elle est dans une Mission locale où les responsables ont compris que TRACE doit servir en premier à ceux qui sont le plus exclus. Ils essaient de mettre en place des projets adaptés aux besoins des jeunes. Les jeunes étaient contents d'avoir une référente disponible. Quand il n'y a pas assez de référents dans les programmes TRACE, la tendance c'est de s'investir auprès de jeunes qui n'auront pas trop de difficulté pour trouver un emploi. Les autres, les plus exclus, en font les frais.

Hervé Bischerour

Catherine Renault

Hervé Bischerour et Catherine Renault habitent l'agglomération lyonnaise et sont membres du Mouvement ATD Quart Monde, Hervé comme militant du Quart Monde et Catherine comme volontaire-permanente

CC BY-NC-ND