Rapport sur la pauvreté en France

Françoise Coré

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Françoise Coré, « Rapport sur la pauvreté en France », Revue Quart Monde [Online], 207 | 2008/3, Online since 05 March 2009, connection on 19 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/2363

Le cinquième rapport (2007-2008) de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) marque les dix ans de l’Onpes. L’Onpes a été institué par la loi relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 avec pour mission principale de contribuer à la connaissance des phénomènes de pauvreté, précarité et exclusion et de diffuser cette connaissance le plus largement possible. La loi établit de plus un lien étroit entre l’Onpes et le Conseil national de lutte contre la pauvreté (Cnle). De par sa nature et sa composition tripartite - administrations, chercheurs, acteurs terrain - l’Onpes vise à une connaissance partagée, fondement de la fixation consensuelle d’objectifs de lutte contre la pauvreté. Le cinquième rapport marque la consolidation de certaines orientations prises par l’Onpes et l’ouverture vers des axes et des champs d’investigation nouveaux.

Index de mots-clés

Connaissance, Indicateurs

Index géographique

France

Comme dans les rapports précédents le premier chapitre porte sur les mesures permettant de suivre l’évolution de la pauvreté et de l’exclusion sociale. L’Onpes analyse cette évolution à partir de onze indicateurs centraux qui rendent compte du caractère multi-dimensionnel et des différentes dimensions du phénomène : pauvreté monétaire, exclusion des droits fondamentaux (éducation, emploi, santé, logement), minima sociaux, inégalités.

Les indicateurs se prêtent aux comparaisons territoriales et internationales qui sont amenées à se développer. Sur la période la plus récente, ces indicateurs indiquent que la population concernée par la pauvreté et l’exclusion sociale n’augmente pas numériquement mais que sa situation relative se dégrade encore plus. S’appuyant sur cette approche, l’Onpes critique la proposition d’un objectif national de réduction de la pauvreté basé sur l’indicateur « taux de pauvreté ancré dans le temps ».

L’observation basée sur les indicateurs de l’Onpes rejoint la perception qu’ont les acteurs de la lutte contre la pauvreté qui interviennent sur le terrain. L’Onpes souhaite valoriser à l’avenir la connaissance dont ces acteurs - et les personnes qui vivent la pauvreté en premier lieu - sont porteurs. Cela s’applique tout particulièrement à l’analyse des trajectoires d’entrée et de sortie de la pauvreté, analyse que l’Onpes estime nécessaire de développer pour compléter le constat établi à un moment donné par les indicateurs. Trois exemples d’études de trajectoires sont présentés dans le deuxième chapitre du rapport : le maintien et la sortie des dispositifs de minima sociaux ; les trajectoires d’insertion professionnelle des jeunes ;  les parcours dans le logement des ménages pauvres et modestes. Ces exemples font ressortir la grande diversité des trajectoires et l’importance de pouvoir les caractériser en termes de persistance, de récurrence et de reproduction de la pauvreté. L’isolement est identifié comme un facteur majeur d’entrée dans la pauvreté quel que soit l’âge ; le rôle positif de l’emploi est à relativiser en fonction du développement de l’emploi précaire.

Des risques de discrimination

L’étude des trajectoires met en exergue les difficultés d’accès à l’emploi (un « bon » emploi) ou au logement (un logement « convenable ») pour les personnes en difficulté et le rôle déterminant des mesures d’aide ou d’accompagnement dont elles peuvent bénéficier. Dans le troisième chapitre de son rapport, l’Onpes s’est intéressé à approfondir la relation entre droit(s) et pauvreté ; l’analyse révèle de multiples tensions entre la proclamation de droits universels et la création de dispositifs réservés aux personnes pauvres, comportant un risque de stigmatisation et de discrimination et qui échouent à rapprocher leurs bénéficiaires du droit commun ; l’exemple de la Cmu (Couverture maladie universelle) et de la loi Dalo (Droit au logement opposable) montre qu’il y a encore loin des textes à la réalité.

Comme les rapports précédents, le rapport 2007-2008 s’appuie sur des travaux commandités par l’Onpes qui sont publiés dans un tome séparé ; la plupart de ces travaux sont de nature statistique et méthodologique. Le rapport ne parvient pas toujours à prendre la distance nécessaire pour être d’une lecture aisée et accessible au lecteur non initié. Celui-ci sera aussi dérouté par le fait qu’à part la mise à jour des indicateurs dans la première partie chaque rapport traite de façon approfondie deux ou trois aspects de la pauvreté et de l’exclusion sociale sans que le lecteur puisse avoir une vision d’ensemble du domaine. Il n’en reste pas moins que le rapport de l’Onpes « fait référence », à la fois du fait de son caractère de rapport officiel remis au gouvernement, mais aussi parce que de rapport en rapport se construit progressivement une connaissance qui a vocation à être partagée par tous.

(Rapport publié à La Documentation française, Paris, 2008)

Françoise Coré

Françoise Coré, alliée d’ATD Quart Monde, a travaillé pendant vingt ans à l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), en particulier sur le programme d’élaboration d’indicateurs sociaux.

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