Je suis assis devant la tour Eiffel qui indique en lettres lumineuses le décompte des jours jusqu’au 1er janvier 2 000 : « J-342 », on arrête pas le progrès.
C’est formidable de voir tout ce mécanisme complexe remonter le temps. Ah ! le temps, ce bon vieux temps qui nous laisse parfois des goûts amers, des « Si j’avais su… »
Grâce à l’ingéniosité de l’homme, je me prends à rêver, je rajeunis. De 46 ans, je passerai à 45 ans en l’an 2000 et je vais pouvoir réparer tous les souvenirs que j’ai cassés par maladresse depuis un an et recommencer l’année de mes 45 ans comme un sou neuf.
Là où j’ai fait des fausses notes en jouant de l’accordéon, je vais jouer juste. Là où j’ai grillé un feu rouge en voiture, je prendrai le temps de m’arrêter, là où je me suis caché pour ne pas ouvrir la porte à quelqu’un, je vais lui parler, là où j’ai zappé à la télé pour ne pas voir les horreurs de la guerre… Mais est-ce qu’un an suffira à réparer tous mes regrets ?
Je suis assis devant la machine à remonter le temps et devant moi, des Africains, guettant le moindre policier, vendent des chapeaux à la sauvette.
Aussitôt, je m’envole pour l’Afrique et je vois ces longues colonnes de « pèlerins ». Devront-ils continuer leur longue marche errante mais cette fois à reculons ? Les étrangers ont-ils encore des regrets à regretter ? Les enfants, qu’une famine bien organisée empêche de grandir, voudront-ils encore rester des enfants une année de plus ?
Je suis assis devant la tour Eiffel. « J moins quelque chose » ne me fait plus rêver du tout ! Le passé me donne des frissons, les regrets me figent, vivement demain et au diable le bon vieux temps ! Ne pourrait-on pas remonter la tour Eiffel comme une vulgaire horloge pour relancer le temps dans le sens de l’espoir ?