Contre la violence de l’inactivité forcée

Xavier Godinot

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Xavier Godinot, « Contre la violence de l’inactivité forcée », Revue Quart Monde [En ligne], 166 | 1998/2, mis en ligne le 05 octobre 1998, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/2745

Index de mots-clés

Activité humaine, Chômage, Emploi

« Repenser l’activité humaine » est un défi auquel les sociétés occidentales ont pris conscience d’être confrontées depuis plus d’une décennie, sous l’effet de mutations technologiques, économiques, démographiques, politiques. Nos sociétés sont malades de leurs déséquilibres, de l’activisme d’une majorité décroissante qui contraste avec l’inactivité d’une minorité croissante, de l’enrichissement des uns qui rend  inacceptable l’appauvrissement des autres. Comment vivre, non pas côte à côte dans des ghettos qui se méfient et se protègent les uns des autres, mais ensemble, égaux et différents ?

Il y a un an, la revue Quart Monde abordait ce thème sous le titre Travaillés par le travail. En février 1998, les dossiers et documents de la revue ont publié sous le titre Repenser l’activité humaine trois contributions du Mouvement ATD Quart Monde à des rencontres internationales consacrées à ce sujet. Les travaux d’un groupe d’étude franco-belge qui se réunit à Bruxelles depuis deux ans ont servi de point de départ au présent numéro. Composé de militants du Quart Monde, d’alliés engagés dans des syndicats, des associations, dans l’économie sociale, ou anciens responsables d’entreprise, animé par un allié et un volontaire spécialisés en économie du travail, ce groupe a produit une étude Sortir de l’inactivité forcée, qui est brièvement présentée dans ces pages. La vision est élargie par d’autres contributions. Herman Van Breen et Pierre Prud’homme apportent leur expérience de ce que vivent les plus pauvres respectivement aux Pays-Bas et au Canada. Alain Goussault montre comment les entreprises d’insertion peuvent peu à peu modifier et humaniser la logique économique des entreprises classiques. Daniel Fayard évoque l’expérience des micro-crédits au Bangladesh, et s’interroge sur les possibilités de l’adapter en Europe.

Les thèmes abordés sont essentiels pour la lutte contre la pauvreté, mais aussi très complexes. Aussi avons-nous demandé à des spécialistes de différentes sciences sociales de réagir à l’étude du groupe de Bruxelles pour approfondir et prolonger la réflexion, stimuler l’imagination et l’action. René Passet, économiste, Alain Touraine, sociologue, et Alain Supiot, juriste, ont accepté d’apporter leur concours.

Une ligne de fond se dégage de toutes ces contributions, soulignée avec force par Alain Touraine : pour lutter contre l’exclusion et mener une action transformatrice en profondeur, le seul point de départ approprié est de restaurer la communication avec les plus défavorisés, de les reconnaître eux aussi comme acteurs et notamment comme acteurs économiques. L’orientation ainsi tracée est aux antipodes de la déresponsabilisation : elle ouvre à chacun une voie où il peut, lui aussi, contribuer à l’humanisation du monde.

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