Dans les discours tenus à propos de la privations des chaînes de télévision en France, un jugement revient souvent : la recherche de l’audience serait contraire à la recherche de la qualité – entendez de la culture. Les Romains ne disaient-ils pas déjà « du pain et des jeux » pour décrire l’appétit du peuple ? À force de l’entendre, on risque d’oublier combien pareille affirmation est humiliante et mensongère.

La publicité de la chaîne culturelle invite au « bonheur d’apprendre ». Mais un tel bonheur va-t-il de soi ? Comment les quelques deux cent mille jeunes, qui, chaque année, quittent l’école sans diplôme, croiraient-ils à ce bonheur là ? Ils ont traîné leur solidarité, s’entendant dire qu’ils n’étaient bons à rien. À force, ils se croient incapables d’apprendre. Comment les travailleurs les plus paupérisés, non qualifiés, condamnés à des tâches abrutissantes et sans lendemain, usés par un environnement laid et bruyant, croiraient-ils au bonheur d’apprendre ? Pourraient-ils croire que la culture leur appartient à eux aussi, et c’est pourtant le cas, par définition ? Ils voient leurs concitoyens s’émouvoir du pain et des vêtements qui leur manquent et organiser des secours d’urgence. Ils les voient rarement s’inquiéter des savoirs qui leur font défaut et organiser des moyens pour vaincre l’illettrisme ou ouvrir les chemins de la formation et de la culture à tous.

Pourtant, ce bonheur d’apprendre, les plus pauvres le découvrent chaque fois que des femmes et des hommes viennent le partager avec eux. Eux, mieux que personne, savent que ni le pain ni les jeux ne suffisent à l’homme. N’est-il pas temps d’ouvrir vraiment, par le canal de la télévision, la culture à tous ?