« Où le vrai héroïsme vient à la lumière »

Mark Butaye

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Mark Butaye, « « Où le vrai héroïsme vient à la lumière » », Revue Quart Monde [En ligne], 147 | 1993/2, mis en ligne le 01 décembre 1993, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3281

A propos du cinéaste iranien Abbas Kiarostami

Invité à Bruges, lors du festival de cinéma « Cinema Novo » de cette année, où une rétrospective était dédiée à son œuvre, Abbas Kiarostami a livré les intentions qui sont à la base de ses projets1

: « Ce que je veux montrer dans mes films, c'est le courage, la force de la vie des gens de mon pays. Je veux montrer leur courage de la manière la plus forte, c'est-à-dire dans des heures de désespoir. »

Ce cinéaste iranien sera en mai 1993 membre du jury du festival de Cannes. Avec le film : « Où est la maison de mon ami ? », Abbas Kiarostami a obtenu une reconnaissance mondiale. Vient de sortir sur les écrans la suite de ce récit, sous le titre « Et la vie continue ».

Le thème central chez ce réalisateur, depuis déjà vingt-deux ans, c'est le courage, la force de vivre des gens tout simples de son pays. Assez souvent il regarde la vie, le monde, à travers les yeux d'un enfant. Longtemps il a travaillé pour l'Institut du développement des enfants et des jeunes adolescents en Iran. Cet Institut publiait à ses débuts essentiellement des livres d'enfants, mais il est devenu - sous l'impulsion de Abbas Kiarostami - l'une des plus remarquables maisons de production de films iraniens.

Dans « Où est la maison de mon ami ? », Ahmad avait rapporté par erreur chez lui le cahier de devoirs de son ami Mohamad Reza. Cet ami sera réprimandé s'il n'a pas fait son devoir à la maison. L'instituteur est sévère. Ahmad essaye donc de retrouver la maison de son ami pour lui rendre le cahier, afin qu'il puisse faire son devoir. Malheureusement, Ahmad ne sait pas où habite son ami. Il entreprend toutefois la recherche, et la recherche devient voyage, qui est en même temps une sorte de « purification », qui a failli devenir tragique. Mais le film se concentre sur le regard perçant et plein d'émotion de l'enfant.

En 1990, la région où était tourné ce film a été ravagée par un tremblement de terre. Le cinéaste y est retourné voir les enfants qui avaient joué dans son film. Depuis la fin du tournage, leurs yeux, leurs visages ne l'avaient jamais quitté ; ils restaient fixés dans sa mémoire. Mais il ne les a pas trouvés. C'est ainsi qu'il a commencé à les chercher, et de cette recherche est née l'idée du film suivant « Et la vie continue ». En fait, le cinéaste avait été bouleversé par le regard de ces enfants, non-professionnels dans le métier du cinéma : il y avait vu un enthousiasme, une joie et un courage.

Pour Abbas Kariostami, « le sens de la vie ne se montre que dans le désastre. Mais un désastre sans espoir, sans la force de vivre, n'a certainement pas de sens non plus. Je n'ai pas créé moi-même cet espoir. Elle était là, la vie, présente. Mais il faut la voir, la remarquer. Lorsque je visitais la région dévastée, les maisons en ruine, les montagnes étaient encore là, et les rivières, les étoiles aussi. Je n'avais pas espéré y retrouver cet espoir. Se trouver dans un désastre comme ce tremblement de terre, on ne s'y attend pas. Je ne trouvais pas ces enfants. Mais alors les gens se sont mis à les chercher, parce qu'ils étaient connus grâce au premier film. C'est après que d'autres enfants ont téléphoné à la radio pour avertir qu'ils étaient sains et saufs.

Ce qu'on voit dans ce film n'est pas joué. La douleur, les peines, les espoirs, c'est la réalité. C'est parfois très douloureux de filmer cela. Mais j'en prends l'entière responsabilité. Il faut comprendre que le cinéma est un instrument qui permet de faire comprendre les relations humaines et les mécanismes de la société. On peut ainsi faire réfléchir les gens. Ce qui n'empêche pas que moi-même je sois souvent très ému, lorsque je vois comment des adultes traitent les enfants. »

1 A partir d'une interview parue dans le journal De Standaard (Vlaanderen / Belgique), du 17 mars 1993.

1 A partir d'une interview parue dans le journal De Standaard (Vlaanderen / Belgique), du 17 mars 1993.

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