Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous

Kofi Annan

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Kofi Annan, « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous », Revue Quart Monde [Online], 195 | 2005/3, Online since , connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/354

Extrait du rapport du secrétaire général de l’ONU à la 59ème session de l’assemblée générale des Nations unies (mars 2005) : Suite à donner aux textes issus du sommet du Millénaire.

Ce sont les besoins et les espoirs des peuples du monde qui doivent nous servir de phare. Dans le rapport que j’ai publié à l’occasion du Millénaire intitulé Nous, les peuples, j’ai repris les premiers mots de la Charte pour bien montrer que si l’ONU rassemble des Etats souverains, c’est pour répondre aux besoins des peuples qu’elle existe et c’est vers cela que doit tendre son action. Comme je l’ai dit quand j’ai été élu pour la première fois il y a huit ans, nous devons à cette fin “ parfaire le triangle que forment le développement, la liberté et la paix ”

Les auteurs de la Charte l’ont clairement vu. S’ils ont parlé de préserver les générations futures du fléau de la guerre, c’était en sachant que cet objectif ne pourrait être atteint s’il était conçu de façon trop restrictive. Ils ont donc décidé de créer une organisation chargée de veiller au respect des droits de l’homme, de créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et de l’état de droit, de favoriser le progrès social et d’instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

J’ai intitulé mon rapport Dans une liberté plus grande pour souligner que la Charte reste d’actualité et que les buts qui y sont énoncés doivent se concrétiser dans la vie des hommes et des femmes du monde. En parlant de liberté plus grande, j’ai voulu dire aussi que le développement, la sécurité et les droits de l’homme sont indissociables.

Même s’il a le droit de vote, un jeune homme atteint du sida, analphabète et affamé, est loin d’être libre. Même si elle gagne assez pour vivre, la femme dont le quotidien est marqué par la violence et qui n’a pas son mot à dire sur la façon dont son pays est gouverné n’est pas libre non plus. Parler d’une liberté plus grande, c’est dire que les hommes et les femmes du monde entier ont le droit d’être gouvernés selon leur volonté et dans le respect de la loi, et de vivre dans une société où chacun peut librement, sans discrimination ou sanction, s’exprimer, pratiquer une religion et s’associer à d’autres. C’est dire qu’ils doivent aussi être à l’abri du besoin, ne pas vivre sous le couperet de la misère ou des maladies infectieuses, et à l’abri de la peur, ne pas avoir à craindre que la violence et la guerre viennent bouleverser leur vie ou les priver de tout moyen de subsistance. Chacun a droit à la sécurité et au développement.

Outre que le développement, la sécurité et le respect des droits de l’homme sont impératifs, ils se renforcent mutuellement. Les liens entre eux ne font que se resserrer à cette époque de progrès technologique rapide, d’interdépendance économique de plus en plus marquée, de mondialisation et de changements géopolitiques spectaculaires. Si l’on ne peut dire que la pauvreté et le non-respect des droits de l’homme sont les “ causes ” des guerres civiles, du terrorisme et de la criminalité organisée, on peut par contre affirmer qu’ils augmentent considérablement le risque d’instabilité et de violence. De même, la guerre et les exactions ne sont pas, loin s’en faut, les seules raisons qui expliquent que certains pays soient englués dans la pauvreté, mais il ne fait aucun doute qu’elles freinent le développement. Un acte de terrorisme catastrophique, dirigé par exemple contre un grand centre financier dans un pays riche, pourrait réduire les chances de développement de millions de personnes à l’autre bout de la terre en déclenchant une grave crise économique qui ferait gagner du terrain à la pauvreté. Et les pays qui sont bien gouvernés et où les droits de l’homme sont respectés ont plus de chance d’éviter les horreurs de la guerre et de surmonter les obstacles qui entravent le développement.

Par conséquent, il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés. Si le combat n’est pas livré sur tous les fronts, aucune victoire ne sera possible. En ce nouveau millénaire, l’activité de l’ONU doit tendre à ce que chacun ait la liberté de choisir la vie qu’il souhaite mener, puisse obtenir les ressources nécessaires pour que ses choix aient un sens et vive dans des conditions de sécurité qui lui permettent de les concrétiser sans danger.

Kofi Annan

Homme politique ghanéen, Kofi Annan est secrétaire général de l’Organisation des Nations unies depuis 1997

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