Les personnes et les familles en grande pauvreté ont souvent de terribles rendez-vous d’évaluation. Christian Scribot parle de la pesée de son enfant. Des parents opposent leur résistance aux difficultés qui les minent. Pourtant le pèse-bébé les fait taire comme s’il en avait plus à dire qu’eux sur eux-mêmes, comme si seuls les professionnels de l’une ou l’autre discipline savaient interpréter son message. Christian Scribot montre ici que le pèse-bébé fait taire.

L’évaluation prévue par la loi française sur le RMI au bout de trois ans risque d’être pour les plus épuisés par la misère un de ces terribles rendez-vous. Car la tentation est grande de condamner au qualificatif de « non insérables » ceux que la loi échoue à insérer au lieu de qualifier cette loi et la société qui la met en œuvre « d’insuffisamment insérantes. » Francine de la Gorce a établi la synthèse d’une étude menée avec la participation de plusieurs centaines de personnes et de familles du Quart Monde sur cette loi.

Le troisième article, d’Ides Nicaise, montre l’approche évaluative d’une équipe universitaire. Elle peut réintroduire le souci des plus pauvres dans l’effort d’objectivité portant sur les effets des politiques. Cet effort fait, par nature, partie de toute évaluation qui se respecte. L’apport du chercheur extérieur peut-être des plus utiles.

Mais cette recherche de vérité ne doit-elle pas d’abord servir les acteurs ? En les aidant à comprendre les points de vue de leurs partenaires et à dire le leur, l’évaluation les prépare à expliciter la programmation qu’ils sont prêts à faire pour agir ensemble dans l’avenir. Le père Joseph Wresinski voyait la programmation de l’action et des politiques de refus de la misère comme un  contrat pour agir avec ceux qui la subissent. Souhaitons que les évaluations des mesures de lutte contre la pauvreté soient un pas vers ce contrat pour une politique à la dimension du silence à rompre.