Tous les enfants, donc toutes leurs familles

Alwine A. de Vos van Steenwijk

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Alwine A. de Vos van Steenwijk, « Tous les enfants, donc toutes leurs familles », Revue Quart Monde [En ligne], 139 | 1991/2, mis en ligne le 05 novembre 1991, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3741

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Enfance, Famille

Dans les pays d'Europe occidentale, les parents sont des partenaires dans l'éducation et la préparation de l'avenir de leurs enfants. Des partenaires de première ligne, certes, mais aussi des collaborateurs à une politique de la nation qui place à leurs côtés des coacteurs, et même des codécideurs obligés. Il n'est plus une phase de la vie de l'enfant, ni un seul domaine de la vie d'ailleurs, où les parents soient les seuls agents du devenir de leurs enfants. Ceux-ci sont considérés comme une richesse, donc comme une responsabilité commune de la collectivité nationale et même internationale. La Convention internationale des droits de l'enfant ne représente-t-elle pas la confirmation et la consignation définitive de cet acquis de l'histoire ?

Reste à savoir si les droits de l'enfant, qui passent amplement par le partenariat entre parents et communauté plus large, sont vraiment consentis à tous les enfants et donc fondés sur un partenariat assuré également à toutes les familles. Déjà, la Convention n'est plus tout à fait le drapeau levé d'une avancée de l'humanité. Nous la voyons dressée comme une arme contre les retardataires. Nos déclarations, nos conventions ont cette tendance curieuse à devenir, très vite, occasion non pas tant d'aider ceux qui n'en sont pas encore au même point que nous, que de les déclarer coupables. Nous étalons des absences de droits sur la place publique comme des tares des hommes et des gouvernements. Nous ignorons fermement l'histoire qui ne leur a pas fait gagner les mêmes acquis, mais leur en a fait acquérir d'autres. N'est-ce pas ce qui arrive aux pays de l'Est européen, fustigés pour l'écroulement de leurs économies et de leurs libertés au point où personne n'a d'yeux pour leurs efforts inouïs de vivre dans la dignité et la solidarité.

Cependant, les premiers incompris, critiqués, abandonnés dans leurs efforts d'offrir des droits et un avenir à leurs enfants sont les parents en grande pauvreté dans nos propres frontières. Dès les années soixante, le père Joseph Wresinski expliquait à des volontaires : « Les parents en grande pauvreté ne s'occupent pas trop peu de leurs enfants, mais s'en occupent trop. Leurs relations générales avec la société étant coupées, ils ne peuvent se rendre compte que l'école, les institutions sanitaires et sociales, les programmes de la jeunesse et des sports sont là pour les aider. Ils pensent qu'ils doivent tout faire, seuls. Et, pour eux, ne pas avoir les enfants constamment dans les jambes, ne pas savoir ce que fait leur fils quand il va dehors, c'est mal les aimer. Les parents de familles pauvres se démènent pour leurs enfants ; cela leur coûte leur santé et leur vie. Cependant, comme ils ne disposent pas des moyens voulus, leurs efforts sont ignorés, tournés en dérision, sinon violemment critiqués. Tôt ou tard, les parents sont pénalisés, tenus pour inintelligents ou de mauvaise volonté, alors qu'ils ont mis toute leur intelligence et leur volonté à porter une enfance que la société leur abandonnait en les privant de leur état de partenaires. »

En signant la Convention des droits de l'enfant, les Etats ont signé leur obligation de bâtir le partenariat avec les familles en grande pauvreté. Le rapport Wresinski les en avait avertis. Ce partenariat négligé pendant des générations ne se bâtit pas au premier retour de la bonne volonté. Il faut connaître les conditions, les moyens et prendre le temps de l'expérimentation. Qu'attendons-nous ?

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