Tabler sur le Quart Monde

Alwine A. de Vos van Steenwijk

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Alwine A. de Vos van Steenwijk, « Tabler sur le Quart Monde », Revue Quart Monde [Online], 138 | 1991/1, Online since 05 August 1991, connection on 16 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3768

Le rapport Wresinski, tout comme la vie de son auteur, fait désormais partie de l’histoire des plus pauvres mais aussi de celle des institutions publiques d’une nation. Il est en cela un bien précieux et unique.

Précieux, ce rapport l’est aussi car il n’est pas de la nature d’une loi prévue pour un temps et un espace donnés, mais d’une charte réunissant des principes valables à travers l’espace et le temps. Le père Joseph avait pour ambition que le Conseil économique et social français offre un terrain nouveau de rencontre à tous ceux qui souhaitent combattre la grande pauvreté et promouvoir les droits de l’homme de manière nouvelle et décisive.

Déjà, des familles du Quart Monde, leurs concitoyens, des organisations non gouvernementales et des institutions publiques se sont saisis de ce terrain d’entente pour s’expliquer au niveau national. C’est le cas en France où la Commission nationale consultative des droits de l’homme a en quelque sorte pris le relais du Conseil économique et social. A l’exemple du père Joseph, cette Commission élabore un partenariat avec les Universités populaires quart monde, pour évaluer des situations de grande pauvreté à la lumière des droits de l’homme. Nous voyons aussi des efforts de concertation sur la grande pauvreté se déployer, à la lumière du rapport Wresinski, en Grande Bretagne, à travers le Benelux, en Suisse, sans oublier certains pays d’Afrique et d’Extrême-Orient.

De même, des recherches de plus en plus précises d’une « démarche Wrésenki », donc d’une démarche de partenariat, se font jour dans les grandes instances internationales. Ainsi, au Conseil de l’Europe où le comité des ministres a demandé « d’approfondir la connaissance des conditions de marginalisation et de pauvreté des familles et des individus par une démarche originale qui s’adresse, en premier lieu, aux personnes qui vivent dans la pauvreté. » Ainsi à la Commission des droits de l’homme à l’ONU : dans sa résolution de février 1991, ne vient-elle pas de préciser qu’il faudra « se pencher plus particulièrement sur les conditions dans lesquelles les pauvres eux-mêmes peuvent faire valoir leur expérience » ?

Ainsi se poursuit la recherche de ce partenariat avec les plus pauvres, innové par un homme venu lui-même de la misère et qui a su convaincre les hommes de son temps. Pour en comprendre et remplir toutes les conditions, nous devons, à la suite du père Joseph, continuer à convaincre. Il faut si peu pour détourner l’attention, pour faire baisser les bras devant les difficultés de la tâche. Les plus pauvres ont pourtant besoin, plus que jamais, de faire connaître leur condition, leurs espoirs, leur éminente capacité de collaborer. Ils ont besoin pour cela que nous nous fassions les ambassadeurs du rapport Wresinski, dans notre milieu familial, professionnel, politique ou spirituel. Alors les avancées encore timides et dispersées auront un avenir. Puisqu’elles s’appuieront sur les cœurs, les intelligences, la volonté des hommes et des femmes que nous sommes, les premiers et les derniers garants de nos démocraties.

CC BY-NC-ND