La mort, mémoire éternelle pour tout homme

Bertrand Boureau

References

Electronic reference

Bertrand Boureau, « La mort, mémoire éternelle pour tout homme », Revue Quart Monde [Online], 135 | 1990/2, Online since 05 August 1990, connection on 26 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3864

Après la profanation des tombes à Carpentras, les familles du Quart Monde de Marseille ont contacté la communauté juive de cette ville. Elles voulaient signifier leur solidarité profonde et leur compréhension du droit inaliénable de tout être humain et de tout peuple au respect de son histoire et de sa mémoire. Elles qui, bien souvent avant même leur naissance, ont été bafouées dans leur dignité humaine.

L’histoire humaine est indivisible, tout ce qui arrive à un peuple fait résonner chez les autres ces peurs ancestrales jamais totalement éteintes. La personne humane ne se sent pas en sécurité sur cette terre. Des millénaires de vie collective, de religion, de mythes, de droit, de démocratie ne garantissent même pas aux morts l’apaisement recherché durant la vie.

Les plus pauvres en savent quelque chose. A la suite de leur vie de misère dans laquelle leur humanité a été si peu reconnue, leur corps n’a pas droit non plus à un respect éternel.

Devant Carpentras, ces familles comprennent dans leur chair la souffrance de la communauté juive. Elles ne peuvent pas payer des concessions perpétuelles à leurs morts. Alors, les corps sont exhumés au bout de cinq ou sept ans et jetés dans la fosse commune où ils vont rejoindre l’oubli que l’histoire développe envers tous ceux qui ne sont plus identifiables. De plus cette exhumation requiert parfois un témoin, « instant de souffrance indicible », rappelaient ces familles.

En ces moments deux peuples aux histoires sans cesse brisées se rejoignent et se doivent d’affirmer ensemble l’absolue, l’incontestable fraternité de toutes les personnes humaines, quelles que soient leur origine, leur croyance, leur condition.

Bertrand Boureau

By this author

CC BY-NC-ND