Et au-delà de la France : le cas de la Belgique

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Et au-delà de la France : le cas de la Belgique », Revue Quart Monde [En ligne], 126 | 1988/1, mis en ligne le 01 octobre 1988, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3924

La démarche du Conseil économique et social est novatrice en matière de grande pauvreté à plus d’un titre comme l’ont montré plusieurs articles précédents. Que peut-elle inspirer dans d’autres pays que la France ?

On ne peut pas dire que le vote du rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », le 11 février 1987 eut un retentissement important en Belgique.

Notre pays qui consacre pourtant habituellement une large place à ce qui fait l’actualité Outre-Quiévrain, avec un mélange de fascination et d’énervement, ne releva quasiment pas l’événement.

La technique du rapport confié à une personnalité ou à un organe de conseil n’est guère prisée dans notre pays, où le sens du pragmatisme et de compromis ont été portés au rang de vertus nationales. Un certain nombre de « Commissions Royales » consacrées par exemple à la réforme de la Sécurité Sociale, ou plus récemment à celle de la fiscalité, ont remis des rapports aussi monumentaux qu’intéressants, rarement suivis d’un début d’application par le pouvoir exécutif. Cet état de fait a renforcé tant dans l’opinion publique qu’au sein de la classe politique, l’idée de l’inefficacité de ce genre d’approches totalisantes.

Les rapports belges

Le sentiment qu’en matière de pauvreté, une telle approche est pourtant nécessaire, avait fait son chemin au fil des années écoulées, principalement à l’occasion des hivers rigoureux des trois dernières années.

L’aggravation de la crise et la réapparition très médiatisée de la pauvreté, en même temps que son extension à des couches de population que l’on croyait à l’abri de ce fléau, avait ainsi provoqué en 1984 la création au sein du Conseil de la communauté Française de Belgique, d’une commission parlementaire d’enquête sur les problèmes du Quart Monde.

Cette commission remit en septembre 1985, un premier rapport, dont l’intérêt mais aussi les limites vinrent de sa volonté de ne pas refaire une analyse globale de la pauvreté, mais bien de « dégager clairement un nombre limité de recommandations réalistes, formulées en termes clairs, susceptibles d’être traduites et adoptées par les mandataires responsables à chacun des mandataires responsables à chacun des niveaux de leurs compétences ».

Ce premier rapport n’abordait finalement que trois aspects de la problématique de la pauvreté : le minimum de moyens d’existence, les coupures de gaz et d’électricité et les hivers exceptionnellement rigoureux.

Les rédacteurs concluaient en indiquant que « face à un problème aussi gravement préoccupant et multidimensionnel, tout devient urgent et prioritaire. D’autres cahiers suivront »

Trente mois après, aucun cahier n’a suivi. La Commission s’étant heurté aux limites même des compétences dévolues aux Communautés et Régions. Dès qu’elle abordait une question relevant par exemple des matières culturelles, qui sont explicitement de sa compétence, la Commission d’enquête communautaire, ne pouvait ignorer les rapports étroits entre la possibilité de participer à la vie culturelle e la sécurité financière (de compétence strictement nationale) ou la sécurité du logement (de compétence régionale) … Elle se heurtait ainsi à l’indivisibilité des droits de l’homme et du citoyen, et à la nécessité absolue d’une approche globale de la pauvreté.

Cette nécessité avait pourtant déjà été mise en évidence quelques années plus tôt dans le Rapport « Propositions pour une politique de lutte contre la pauvreté et la précarité en Belgique », rapport à la Fondation Roi Baudouin, remis le 19 septembre 1983.

Ce rapport soulignait en effet que « les racines de la pauvreté étant multiples et s’étendant à de nombreux domaines, toute action politique en la matière doit intervenir simultanément dans tous ces domaines » ; le même rapport soulignait aussi la nécessité de promouvoir la participation des pauvres à la vie sociale, en évitant de les stigmatiser ou de les marginaliser davantage par des programmes trop spécifiques.

Pourtant, ni la Commission parlementaire d’enquête, ni les rapporteurs à la Fondations Roi Baudouin n’avaient osé retrouver la verve avec laquelle en 1957 déjà dans un livre intitulé Parias 57, l’Abbé Froidure dénonçait la condition infligée aux infra- salariés de la Belgique moderne, comme une violation des Droits de l’Homme.

De plus, l’une comme l’autre hésitaient à mettre en avant ou à centrer leur analyse sur cette population infra salariée acculée à l’extrême pauvreté, dont l’Action Nationale pour la Sécurité Vitale avait proclamé l’existence en 1986 dans le Manifeste des Déshérités.

La Fondation reprenait à son compte une approche catégorielle de personnes présentant un haut risque de pauvreté : les personnes seules, les personnes âgées, les jeunes marginalisés, les personnes dont la position sur le marché du travail est très faible, et les immigrés.

En tant que telles, les familles constituant le sous-prolétariat n’avaient pas été identifiées comme une réalité à prendre en compte de manière prioritaire et centrale. Le rapport de la Commission parlementaire y faisait allusion à l’occasion de l’audition des représentants du Mouvement ATD Quart Monde, et surtout, dans une brochure, accompagnant le rapport, où les Présidents de la Commission d’enquête et du Conseil de la Communauté écrivaient : «  Les effets secondaires des dix années de perturbations économiques traversées par nos pays industrialisés ont non seulement stratifié le fonds incompressible d’une certaine pauvreté héréditaire, aux structures classiques et bien connues, mais en outre ont fait apparaître des formes nouvelles et inattendues de marginalisations sociale ».

Nous étions à cette époque en plein débat sur la nouvelle pauvreté. Il semblait utile voire même indispensable, de distinguer parmi les victimes de la pauvreté celles qui l’étaient de manière récente du fait de la crise économique, de celles qu’une sorte d’atavisme ou de fatalité maintiendrait éternellement dans la misère.

Cette distinction révélait sans doute l’ambiguïté de cette redécouverte de la pauvreté qui a marqué le début des années 80 dans nos pays industrialisés. Plus que la pauvreté, dénoncée en 1957 par l’Abbé Froidure, en 1968 dans le Manifeste des Déshérités, en 1977, dans le livre Blanc « Le sous-prolétariat en Belgique » publié par le Mouvement ATD Quart Monde, c’est l’appauvrissement rapide d’une fraction de la population autrefois intégrée dans le corps social qui provoquait une mobilisation plus large et quelquefois inédite sur le thème de la lutte contre la pauvreté.

« Solidarité en plus, pauvreté en moins »

C’est ainsi que fut lancée dans certaines sections régionales d’abord, au plan national en février 1987, ensuite, une campagne d’action du Mouvement Ouvrier Chrétien, qui regroupe les organisations ouvrières chrétiennes (syndicat, mutualités, JOC, organisations féminines, organisations culturelles…) sut le thème de l’exclusion sociale.

En mars1987, c’était au tour du Parti Socialiste - dont les parlementaires étaient déjà à l’origine de la Commission parlementaire d’enquête - de lancer un appel à un rassemblement de tous ceux qui voulaient lutter contre ce nouveau fléau de la pauvreté.

De ces deux campagnes et appels naquirent bientôt une « association momentanée » ou un « front commun » regroupant le Mouvement Ouvrier Chrétien, Présence et Action Culturelle (organisation culturelle proche du parti socialiste), l’Union des Villes et des Communes -Section aide sociale (Fédération des Centres Publics d’Aides Sociale), et deux organisations sociales pluralistes. La ligue des Familles et le Mouvement ATD Quart Monde.

Dans ce dialogue à cinq, la force du rapport du Conseil Economique et Social et de l’Intense travail de réflexion et d’analyse qui l’a préparé allait vite se révéler. Elle permit tout d’abord de récuser la distinction stratégique que l’on voulait maintenir entre les anciens et les nouveaux pauvres, la distinction entre d’un côté les travailleurs relevant d’une action vigoureuse et politique de défense de la sécurité sociale et de l’autre un fonds incompressible de vieille pauvreté ou un stock d’exclus existentiels relevant davantage d’une guidance éducative ou de la charité publique ou privée. Jacques Zwick, Secrétaire Général de la Ligue des Familles pouvait ainsi proclamer le 27 avril 1987, lors d’un séminaire à la Fondation Roi Baudouin : « Nous ne pouvons accepter la fatalité d’une pauvreté incompressible. Le défi humain de cette fin de siècle des de réintégrer l’ensemble des exclus dans les circuits de la solidarité sociale ».

Cette position de principe était alors reprise avec force dans le document signé par les cinq organisations, intitulé « Solidarité en plus, pauvreté en moins » présenté à la presse le 7 juillet.

On y lisait entre autres : « Notre ambition se doit être à la hauteur des moyens dont dispose notre société et de son idéal, l’idéal des Droits de l’Homme (…) Elle peut et doit mettre en œuvre un programme d’éradication de la pauvreté extrême (…) Cette conviction nous conduit à affirmer qu’un programme de lutte contre la pauvreté se doit se mettre l’accent là où les situations apparaissent les plus difficiles à résoudre (…) ».

La liaison absolue entre lutte contre la pauvreté et combat pour les Droits de l’Homme était soulignée dans le titre même du second chapitre du document commun : « Détruire la pauvreté : une question de Droits de l’Homme », il y était rappelé le caractère dangereux des mesures spécifiques, qui risquent en permanence de substituer à l’octroi de vrais droits aux pauvres un traitement social de la pauvreté.

Cette tendance s’observe en effet dans une série de mesures prises par les exécutifs ou le législateur au cours de ces dernières années. Appliquant des politiques d’austérité et de restrictions sociales, les gouvernements qui se sont succédé ont toujours affirmé leur souci d’épargner les plus défavorisés. Après avoir pris des mesures générales dont les effets les plus lourds pèsent sur les plus démunis, ils ont développé ensuite une série de mesures dérogatoires, d’exception, pour certaines catégories de la population à charge pour celle-ci de prouver leur état de besoin. C’est ainsi qu’outre une augmentation minime mais constante du minimex, le gouvernement national, mais aussi les exécutifs régionaux ou communautaires ont successivement octroyé des avantages liés au statut de bénéficiaire du minimex : dérogation pour le tiers -payant en médecine générale, tarif réduit pour l’énergie, octroi d’un minimum de livraison d’énergie… On parle maintenant d’un minimum d’eau et un parlementaire a proposé l’exonération de la taxe radio télévision pour les bénéficiaires du minimex.

Se met ainsi en place de manière insidieuse l’enfermement des plus pauvres dans des institutions spécialisées qui n’ont pas pu plus de moyens de leur réinsertion dans la société civile. A force de concéder aux plus défavorisés des droits minimum, ne risquons-nous pas de nous réveiller un jour avec des mini-citoyens ?

Le document « Solidarité en plus, Pauvreté en moins » affirmait donc en accord profond avec la philosophie du rapport Wresinski : « Notre politique doit permettre aux familles et aux citoyens les plus pauvres de rejoindre à brève échéance les politiques s’adressant à tous »

La nécessité d’une politique globale et cohérente constitue le troisième pilier de ce document. Il convient, lit-on, de « mettre en chantier une politique globale et cohérente pour lutter contre la pauvreté, et d’en finir avec les mesures parcellaires, fractionnées dans l’espace et dans le temps ».

En terme de moyens, les cinq associations en appellent à un programme pluriannuel et à la création d’une instance de coordination inter ministérielle.

On retrouve là aussi les accents du rapport du CES, demandant uns instance interministérielle auprès du Premier Ministre, pour coordonner la mise en œuvre et l’évaluation d’une loi d’orientation globale et cohérente.

Le groupe interdépartemental pour la protection de la sécurité d’existence des plus démunis

On notera avec intérêt qu’antérieurement à ce manifeste, et avant le vote du rapport du CES, la Belgique avait pris les devants en la matière en installant en juin 1986, auprès de Mme Miet Smet Secrétaire d’Etat à l’Emancipation Sociale, un Groupe interdépartemental pour la protection de la sécurité d’existence des plus démunis.

Ce groupe rassemblait outre trois représentants d’organisations non gouvernementales dont le Mouvement ATD Quart Monde, des hautes fonctionnaires de chacun des ministères nationaux, peu habitués jusqu’ici à aborder leurs compétences respectives à la lumière de la situation des familles les plus pauvres.

Le premier rapport de ce groupe remis au gouvernement en juillet 1987, n’atteint que partiellement l’objectif d’une approche globale du phénomène de la pauvreté. Le temps a manqué et le groupe s’est focalisé sur les questions de revenus. Mais il poursuit aujourd’hui encore son activité et l’étend à des questions plus vastes telle que l’accès à la justice, l’enseignement, etc… Ce groupe a surtout le mérite d’exister et de constituer un premier et solide maillon d’une chaîne qui, traversant les nombreux niveaux de compétence de notre pays, pourrait penser, mettre en œuvre et évaluer en permanence un programme cohérent de lutte contre la pauvreté.

A l’occasion de la campagne électorale de décembre 1987, un consensus général s’est exprimé ne faveur de la poursuite et du développement d’un tel effort. Quelques accents nouveaux ont été retenus entre autres à l’initiative du Mouvement ATD Quart Monde : l’élargissement du Groupe aux représentants des Régions et Communautés, l’association à ces travaux économiques et sociaux (syndicats et organisations patronales), le renforcement du poids politique de ce groupe par son rattachement auprès du Premier Ministre.

Interrogés par le Mouvement ATD Quart Monde à la veille des élections, l’ensemble des partis politiques se sont déclarés d’accord avec cette proposition.

Saisir les organes consultatifs belges

N autre point évoqué dans la plate forme « Solidarité en plus, Pauvreté en moins » était de faire examiner cette question de la grande pauvreté par des organes consultatifs analogues au CES français.

Le paysage institutionnel de la Belgique ne rend pas la chose particulièrement aisée. Nous ne sommes plus un Etat unitaire et pas encore un Etat fédéral. Les compétences respectives des uns et des autres ne sont pas encore bien déterminées.

Nous n’avons pas un Conseil économique et social, mais bien trois, dont la composition est sensiblement moins large que celle du CES français. Les Conseils économiques et sociaux des Régions Flamande et Wallonne sont ainsi quasi exclusivement composés des représentants du monde économique : les organisations des travailleurs et celles des employeurs.

Ceci n’a toutefois pas empêché le SERV, Conseil économique et social de la Région Flamande d’adopter en décembre 1987, un avis sur la problématique de la pauvreté en Flandres.

Cet avis lui avait été demandé par Mme Rika Steyaert, Ministre de la Famille dans une lettre du 25 juin 1987.

Notons ici que le 20 mars, Mme Steyaert était l’un des invités que le Roi et la Reine des Belges avaient conviés à une réunion de travail sur la pauvreté autour du Père Joseph Wrésinski et du rapport du Conseil économique et social.

Dans l’avis du SERV, on retrouve quelques points de convergences avec le rapport Wrésinski comme avec le document « Solidarité en plus, Pauvreté en moins »

Ainsi « le Conseil a voulu ne pas perdre de vue la priorité (qui doit être accordée) au noyau dur des personnes connaissant la plus grande insécurité d’existence. »

Il s’accorde aussi à reconnaître la nécessité d’une politique globale et appelle de ses vœux la création d’une structure permanente de coordination entre les différents départements concernés.

Il souligne enfin la nécessité d’envisager la participation des plus pauvres eux-mêmes, au travail de préparation des décisions politiques.

Pour le reste, le rapport aborde surtout la pauvreté par une approche, en termes de revenus. Même s’il est écrit que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel et qu’elle touche tous les domaines de la vie, il est aussi écrit qu’elle provient toujours par essence d’un manque de revenu. Là où le CES français parle de la pauvreté en termes de possibilités ou d’impossibilité pour les familles d’assumer leurs responsabilités, le SERV parte surtout du manque de ressources, même si ultérieurement il aborde les thèmes du logement, de la santé, de l’éducation, de l’emploi, et de l’action sociale.

Sur le plan sémantique, il n’est pas sans intérêt de noter l’absence quasi générale d’une approche en termes de Droit. Le mot droit n’est, sauf erreur de notre part, utilisé qu’une seule fois à propos du droit d’une allocation d’étude. Par contre, les mots garantis, garantir, sont utilisées à plusieurs reprises.

Nulle part non plus, il n’est fait mention de la famille en tant que telle. Il est question de foyers, de personnes, de chefs de famille mais pas de famille.

Les remarques étant formulées, il n’en reste pas moins que cet avis est une première en son genre dans notre pays, car pour la première fois les partenaires économiques et sociaux classiques, ceux qui participent au processus de production de la richesse et de l’emploi, se sont penchés dans une des régions du pays, sur la question de la grande pauvreté, et qu’ils ont associé à leur réflexion des représentants du Mouvement ATD Quart Monde.

Le conseil économique et social de la Région Wallonne ne s’est pas encore attelé à cette tâche, et le mémorandum adressé par ses membres unanimes aux négociateurs du futur accord gouvernemental n’évoquait même pas la question, mais s’axait sur les grandes priorités économiques du moment : l’emploi, la croissance, la préparation du grand marché européen.

La récente mise en place du nouvel Exécutif Régional nous laisse de bons espoirs d’ouverture, puisque le nouveau Ministre Président, Monsieur Guy Coëme a affirmé dans sa déclaration d’investiture qu’il entendait faire de la lutte contre l’exclusion une priorité de son équipe et qu’en cette matière, il avait la volonté politique de faire en sorte que « la Communauté Française et la Région Wallonne collaborent à l’éradication de la pauvreté (…) en utilisant la latitude que nous donne la loi spéciale, qui prévoit la collaboration » entre ces deux niveaux de pouvoir.

Pour l’avenir…

Le premier rapport du Groupe interdépartemental et les travaux qu’il entend poursuivre, le premier avis du SERV, la volonté politique qui se manifeste dans les nouveaux exécutifs francophones et wallon, nous conduiront-ils vers une action cohérente et coordonnée en associant dans un même effort l’Etat Central, les Communautés et Régions, sans oublier les indispensables connections avec la Communauté Européenne ?

L’avenir nous le dira, mais des signes se sont d’ores et déjà manifesté qui nous poussent à croire qu’en cette matière au moins, les Belges pourraient dépasser leurs querelles intestines, et ouvrir aux plus pauvres de leur pays et de l’Europe des perspectives nouvelles, à l’image de celles qui qu’avait créé e 1976 la loi consacrant le droit à l’aide sociale, droit censé garantir à chaque citoyen la possibilité de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Le 31 décembre dernier, Monsieur Guy Spitaels, Président du parti Socialiste, chargé par le Roi d’une mission d’information en vue de dénouer la crise politique, n’a-t-il pas jugé utile de recevoir après les syndicats, les organisations patronales, les représentants des agriculteurs et des indépendants, tous habitués de ce genre de consultations, la Ligue des Familles, d’une part, le Mouvement ATD Quart Monde d’autre part ?

Lors de ce contact, l’idée que, parallèlement et complémentairement à des rapports et avis des Conseils économiques et sociaux régionaux, un avis soit demandé à une assemblée commune de deux organes consultatifs nationaux tels que le Conseil national du travail a été évoquée avec intérêt.

Et le 4 janvier 1988, notre Souverain lui-même n’a t-il pas chargé un autre homme politique, Monsieur Claes, d’une mission de négociation d’un programme gouvernemental en quatre point : équilibre des finances politiques, lutte contre le chômage, lutte contre le chômage, lutte contre la pauvreté, préparation du Grand Marché intérieur de 1992.

La nécessité d’un effort global et concerté de lutte contre la pauvreté, et d’une concertation étroite avec les organisations représentatives des plus démunis, tel que le Mouvement ATD Quart Monde a donc sensiblement progressé au cours des dernières années. L’affirmation que la pauvreté constitue bien un déni fondamental des droits de l’homme a poursuivi son chemin dans l’esprit des responsables politiques comme de l’homme de la rue.

L’idée qu’une démarche analogue à celle du CES français doit être tentée dans notre pays, sans tarder, et demain à l’échelon de l’Europe qui se construit, gagne du terrain.

Gagnerons-nous l’accord en 1988 ?

Jean Tonglet

Né en 1956, marié, deux enfants, volontaire du mouvement ATD Quart Monde depuis 1977, assistant social de formation, il est permanent dans une cité puis délégué régional à Marseille jusqu’en 1982. Responsable du centre d’hébergement et de promotion familiale en 1983 à Noisy-le-Grand, il prend ensuite la responsabilité du mouvement en Belgique.

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