Le sport au camp de Noisy attirait les jeunes des environs

Bernard Jahrling

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Bernard Jahrling, « Le sport au camp de Noisy attirait les jeunes des environs », Revue Quart Monde [Online], 128 | 1988/3, Online since 05 February 1989, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3986

Bernard Jarhling, 44 ans, maçon, entraîne aujourd’hui l’équipe de football de sa municipalité. Arrivé à Noisy-le-Grand à l’âge de 13 ans, le sport et l’initiation à la danse ont été pour lui et les autres jeunes du camp un véritable passeport dans leurs contacts avec la jeunesse des environs

« Dès le début, le père Joseph s’est battu pour avoir du sport dans le camp de Noisy-le-Grand. (Propos recueillis par Françoise Ferrand)

Les premières années, vers 1957-1958, beaucoup de volontaires venaient l’été au camp. On faisait des matchs de foot entre les jeunes et les volontaires. C’était formidable parce que tout le camp participait, regardait. On n’avait pas un vrai terrain de foot, mais pour pouvoir dire qu’on en avait un, on a mis des barrières autour.

Tout le temps qu’à duré le camp (jusque vers les années 70), il y a toujours eu du sport. Ceux qui n’aimaient pas le foot, faisaient du motocross, du karting avec Christopher, un volontaire anglais. Ils se débrouillaient pour avoir des vieilles voitures, des tractions, des motos, ils faisaient de la mécanique, et après faisaient du motocross. Ils s’entraînaient sur le terrain de football. Ce n’était pas du gazon, mais de la terre, alors ça allait. Christopher se renseignait pour les faire participer aux compétitions ; comme il fallait payer très cher, ils y allaient hors concours.

Il y eut aussi le judo et le karaté. Mais, tout a commencé par la boxe. Un ancien du camp avait fait de la boxe et nous apprenait. Ainsi s’est créée la maison du sport avec les pères de famille. C’était notre salle de sport. Plus tard elle a brûlé. Pour le judo, on n’avait pas de tapis, mais on se débrouillait avec de vieux matelas. Le karaté est le sport qui a marché le plus longtemps. On payait une cotisation tous les deux mois. L’entraînement avait lieu deux fois par semaine et les gars étaient toujours là. Des jeunes qui n’habitaient pas le camp venaient aussi, ils en avaient entendu parler. Le karaté plaisait beaucoup parce que c’est un sport de combat et nous étions des jeunes très nerveux. Ce sport nous plaisait et nous défoulait.

Des volontaires avaient construit une belle salle. Le père Joseph nous disait toujours : « On a construit cette salle de sport, mais on ne doit pas pour autant refuser des jeunes de l’extérieur : ce serait mettre au mur entre eux et vous ».

En sortant des séances de karaté, ou de judo, on apprenait aux plus petits ce qu’on avait fait. Pour tous les sports ça se passait comme ça. On faisait du sport pour nous-mêmes, mais on était heureux de l’enseigner aux plus petits. On n’était jamais égoïste là-dessus.

Il faut aussi parler du club de danse. Il a démarré au tout début, même avant le sport. Il avait lieu dans le foyer féminin pour les gars et les filles. C’était formidable. Un professeur est arrivé de Paris, un homme très élégant, cravate, smoking. Tellement bien habillé qu’on se disait : « il va nous regarder, il va se mettre de côté, il ne va pas nous toucher ». C’est Madame de Vos van Steewijk, une des premières volontaires, qui nous l’a présenté. Parce que quand quelqu’un vient comme ça, même si il dit, « je suis professeur de danse », on demande à voir. Quand tu es d’un milieu pauvre, tu as toujours peur que l’on te trompe. Mais comme il était présenté par une volontaire, on était heureux d’apprendre à danser. Il nous a appris le fox-trot, le tango, la valse, toutes les belles danses. Au début on avait peur de mal danser, mais on n’avait pas honte, on voulait apprendre tout ce que l’on ne savait pas. Les volontaires venaient apprendre à danser avec nous.

Le sport, c’est une chance de rencontrer des gens, comme au travail. Mais quand tu fais du sport, il faut que tu tiennes le coup physiquement et moralement. Je n’allais pas au sport si je savais qu’il n’y avait rien à manger à la maison. Je me débrouillais d’abord pour qu’on mange, et je pouvais partir quand j’avais la conscience tranquille. Ce n’est pas normal que des jeunes qui sont en plein épanouissement ne puissent pas faire de sport. Mais il ne faut pas attendre qu’ils aillent d’eux-mêmes dans les clubs ; il faut aller vers eux ».

Bernard Jahrling

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