Même dans des pays où la scolarité n’est pas obligatoire, l’école est la hantise des parents très pauvres. En voici un exemple venu de Haïti. Les parents se bousculent à la porte d’une école gratuite, ouverte par des religieuses dans un bidonville de Port-au-Prince. Une maman de sept enfants qui habite un autre bidonville, situé à une heure de marche du nôtre, me racontait la rentrée scolaire de l’an dernier :

« Pour inscrire Magalie à l’école, je suis arrivée avec elle à six heures du matin. Beaucoup de monde attendait déjà et c’était la ruée pour gagner des places dans la queue. Je disais à Magalie d’être sage, parce que je craignais qu’on ne la prenne pas si elle se faisait remarquer. On attendait dehors, en plein soleil et la queue avançait lentement. Mon tour est arrivé à quatre heures de l’après-midi. J’ai pu inscrire ma fille. Mais je me suis battue pour rien. Les chaussures de Magalie ont été vite usées, puisqu’elle marchait matin et soir deux heures. Comme je ne pouvais pas lui en acheter d’autres, elle n’a pu continuer. Pourtant, je veux que mes enfants vivent autrement que moi, qu’ils aient du travail et qu’ils soient respectés ».

Au-delà des pays qui manquent cruellement d’enseignants, le cri de cette mère est celui de tous les parents très pauvres du monde. Leur courage menace de s’user faute de parvenir à se faire entendre, comprendre, respecter. Tout comme celui des instituteurs trop souvent laissés seuls sans formation ni soutien suffisants. Aider les uns et les autres à se rencontrer, à se rassembler pour que tous les enfants apprennent, ne serait-ce pas la bataille de l’école ?