Une vision claire du droit

Jean-Michel Belorgey

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Jean-Michel Belorgey, « Une vision claire du droit », Revue Quart Monde [En ligne], 133 | 1989/4, mis en ligne le 05 mai 1990, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4183

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Joseph Wresinski

Il y a bientôt deux ans que le père Wresinski nous a quittés. Le sillon qu’a tracé sa pensée n’est heureusement pas prêt de se refermer, et ce ne sont pas seulement les militants du Mouvement ATD Quart Monde, mais tous les hommes de bonne volonté, engagés dans l’action au service des plus pauvres, que le message du père persistera durablement à éclairer dans leurs réflexions et dans leurs combats.

La dimension messianique de ce message a naturellement plus d’une fois surpris ceux qui abordaient la question du partage social sous un angle exclusivement juridique ou économique. Cette dimension n’en a pas moins été un apport essentiel du père Wresinski et du mouvement qu’il a fondé, au renouvellement de l’approche des problèmes de pauvreté et un facteur décisif de la double mobilisation que le père est parvenu à mener à bien : celle des familles les plus déshéritées, celle de l’opinion ensuite.

La ferveur, sûrement mystique, parfois lyrique, du fondateur d’ATD Quart Monde, ne l’a d’ailleurs jamais empêché de s’employer, avec toute l’humilité qui était la sienne, à se familiariser avec le cheminement de la décision politique et administrative, ni de se plier aux exigences de la négociation avec les autorités dont dépendait la prise en compte de ses préoccupations. Il ne manquait jamais, à cet égard, de prendre conseil des alliés qu’il s’était donnés et dont il a, les années passant, eu une conception toujours plus ample, son souci de ne pas se réclamer de solidarités factices se doublant de celui de ne se priver d’aucun des soutiens qui pouvaient être utiles aux progrès de la cause qu’il défendait.

La capacité d’écoute du père Wresinski, sa totale absence de crispation sur les positions qui avaient une fois été les sienne, étaient dans cette perspective exemplaires. Aussi n’est il pas étonnant que, dans les dernières années de sa vie, malgré le climat de confusion intellectuelle présidant alors à la formulation d’un certain nombre de problèmes, comme celui du Revenu minimum garanti, il ait mieux que quiconque su identifier la place qu’il convenait de faire au droit dans l’affirmation de la dignité des plus pauvres et ait été un des premiers à affirmer que la lutte contre la pauvreté était partie intégrante du combat pour les Droits de l’homme.

Cette affirmation devant laquelle il n’est plus possible de reculer n’est, avec le vote de la loi portant création du Revenu Minimum d’Insertion, dont il avait avant de mourir arraché le principe, pas le moindre de ses legs.

Il nous appartient de poursuivre son œuvre.

Jean-Michel Belorgey

Jean-Michel Belorgey est député de l’Allier, président de la Commission des affaires familiales, culturelles et sociales de l’Assemblée nationale.

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