Décret de la Convention Nationale

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Décret de la Convention Nationale », Revue Quart Monde [En ligne], 123 | 1987/2, mis en ligne le , consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4270

TITRE I - Des Travaux de secours

ARTICLE PREMIER.

Les municipalités remettront tous les ans à l'agence de secours du canton, sur sa demande, un état de leurs indigents valides, en désignant leur nom, leur sexe, leur âge, l'espèce de travail dont ils sont susceptibles, les époques auxquelles ils en manquent, et les moyens utiles de le remplacer.

II - L'agence de secours fera parvenir ces états au directoire du district : elle y joindra ses observations, et formera les demandes de secours qu'elle croira nécessaires pour faire subsister par le travail les mendiants valides dans les seules saisons mortes.

III - Le directoire du district enverra ces états, avec son avis...

IV - Le Conseil d'administration enverra un double de ces états au Conseil exécutif, en demandant les fonds qu'il croira nécessaire d'appliquer aux travaux de secours, sans que néanmoins la demande puisse excéder les sommes qui lui seront destinées d'après les bases de la répartition. (...)

VIII - Les travaux de secours, avant d'être ouverts, seront annoncés par affiches, quinze jours à l'avance, dans toutes les municipalités du district. Les indigents qui s'y rendront seront tenus de prendre un passeport, lorsqu'ils sortiront de leur canton. (…)

X - Il sera ouvert, dans les lieux dont la population où les localités le comporteront, des travaux sédentaires pour ceux des indigents qui ne peuvent se livrer à des travaux pénibles, ou qui pourraient en manquer dans quelques circonstances.

XI - Les comités d'agriculture et de commerce proposeront les espèces de travaux publics qui pourront être entrepris, et occuper utilement les bras des indigents valides, en même temps qu'ils se dirigeront vers l'intérêt de l'agriculture et la prospérité du commerce. (...)

XIII - Le prix du salaire des indigents employés aux travaux de secours, sera fixé aux trois quarts du prix moyen de la journée du travail déterminée pour le canton. (...)

XVI - En conformité de l'article XV du décret sur l'organisation générale des secours publics, toutes distributions de pain ou d'argent cesseront dans les cantons, à l'époque du premier établissement des travaux de secours. Tout citoyen qui sera convaincu d'avoir donné à un mendiant aucune espèce d'aumône, sera condamné par le juge de paix à une amende de la valeur de deux journées de travail ; l'amende sera double en cas de récidive : les sommes en seront versées dans la caisse destinée à fournir les secours à domicile.

TITRE II - Des moyens de répression

ARTICLE PREMIER

Toute personne qui, huit jours après la publication de la loi, sera convaincue d'avoir demandé de l'argent ou du pain dans les rues, ou voies publiques, sera réputée mendiant, arrêtée par la gendarmerie, ou les gardes nationales, et conduite au juge de paix du canton. (...)

III - Si, par l'interrogatoire, le mendiant est reconnu domicilié du canton ou du district, il sera renvoyé avec un passeport au lieu de son domicile, après avoir entendu lecture de la loi sur la mendicité.

IV - Si le mendiant n'est point domicilié dans le ressort du district dans lequel il a été arrêté, et que, néanmoins il accuse un domicile (...), il sera renvoyé chez lui avec un passeport et aux frais de la Nation, s'il n'a devers lui des moyens pour s'y rendre. (...)

VI - Tout mendiant reconnu étranger, sera conduit sur la frontière de la république aux frais de la Nation ; il lui sera passé trois sous par lieue, jusqu'au premier village du territoire étranger. (…)

VIII - Les enfants arrêtés avec les mendiants en seront séparés ; il sera pris tous les renseignements nécessaires pour constater leur état-civil : si leur âge ne les soumet pas au travail, ils seront traités comme les enfants abandonnés ; ils ne pourront être remis à leurs pères avoués, s'ils sont vagabonds, que lorsque ceux-ci auront obtenu leur élargissement par une bonne conduite, et justifié, à la suite de leur liberté, d'un an de domicile fixe dans la même municipalité.

TITRE III - Des maisons de répression

ARTICLE PREMIER

Les maisons de répression seront placées, autant qu'il sera possible, dans le chef-lieu du département, et hors l'enceinte de la ville : on choisira de préférence l'emplacement qui réunira le plus de facilités pour y établir des travaux.

II - Tout mendiant arrêté en vertu de l'article premier du titre II du présent décret et renvoyé à son domicile, s'il est repris en mendicité, sera condamné par le juge de paix à un an de détention, conformément aux lois sur la police correctionnelle ; la peine sera de deux années dans le cas de seconde récidive ; les jugements seront rendus publics dans le ressort du canton.

III - Tout citoyen qui consignera entre les mains du receveur du district une somme de cent livres, pour répondre de la conduite ultérieure d'un mendiant détenu sans causes aggravantes, pourra obtenir son élargissement, en s'adressant au tribunal compétent, sur le rapport favorable des administrateurs de la maison de répression : cette somme sera versée dans la caisse de l'administration, sur la preuve que l'homme cautionné est arrêté pour récidive. (...)

XIII - Chaque détenu sera obligé au travail qui lui sera indiqué, et qui devra être relatif à ses forces, son âge et son sexe. Le directeur évitera tous les moyens de rigueur pour l'y contraindre, hors le cas de rébellion. Il rendra compte dans vingt-quatre heures, au comité de surveillance, de la peine infligée. (...)

XIV - Les détenus pourront adresser leurs réclamations au directeur du département, qui se fera rendre compte dans les vingt-quatre heures, par le comité de surveillance, ou enverra un commissaire sur les lieux pour y faire droit.

XV - Les deux tiers du prix de la journée de travail du détenu serviront pour payer à la maison une portion de la nourriture et entretien qu'il lui coûte. Il lui sera fait compte, toutes les décades, de la moitié de son tiers, et le restant lui sera remis au moment de sa liberté : en cas de mort, il rentrera dans la caisse de l'administration.

XVI - Les malades seront tenus dans des salles particulières, et soignés par l'officier de santé, salarié pour secourir les indigents du canton.

XVII - Les employés libres pour le service de la maison en formeront la garde ; ils seront armés d'un fusil et d'un sabre. Il y aura jour et nuit une sentinelle à la porte d'entrée de la maison ; et lorsque des détenus se rendront à des travaux externes, les employés chargés de les surveiller seront armés.

XVIII - Les maisons de répression pourront servir aux tribunaux de police correctionnelle, pour y placer les condamnés à la réclusion ; ils seront soumis, pendant leur détention, au même règlement que les mendiants réprimés.

TITRE IV - De la transportation (1)

ARTICLE PREMIER

Le Conseil exécutif fera connaître incessamment à la Convention nationale quel lieu il juge le plus propre à la transportation, et quels moyens il faudra employer pour mettre cet établissement en activité.

II - Tout mendiant domicilié, repris en troisième récidive, sera condamné à la transportation. (...)

V - Les mendiants mis dans les maisons de répression, et qui ne pourront justifier d'aucun domicile après un an de détention, seront condamnés à la transportation.

VI - Tout citoyen qui, avant un jugement de transportation, consignera entre les mains du receveur du district une somme de 500 livres, pour répondre de la conduite ultérieure du condamné, empêchera sa transportation et obtiendra sa liberté ; mais si le mendiant est repris en récidive, la forme consignée demeurera à la disposition de l'agence de secours et la caution sera en outre condamnée aux nouveaux frais d'arrestation, d'emprisonnement et de transportation.

VII - La peine de transportation ne pourra être moindre de huit années ; elle n'aura lieu que pour les mendiants au-dessus de 18 ans, et au-dessous de 60. Elle pourra être prolongée, si la mauvaise conduite du banni le mérite ; comme elle pourra être abrégée, dans le cas seulement d'un service distingué rendu à la colonie. (...)

X - L'organisation du conseil de surveillance sera déterminée, d'après les connaissances locales que fournira le Conseil exécutif, sur la colonie et sur les ressources commerciales qu'elle pourra présenter. (…)

XII - Tant que le transporté sera dans le terme de son jugement, il ne pourra travailler que pour le compte de la nation. Il recevra seulement le sixième du prix de la journée de travail fixée pour la colonie. La moitié de cette rétribution lui sera délivrée chaque semaine, et le restant lui sera conservé, pour l'époque de la liberté.

XIII - Le terme de la liberté étant arrivé, le transporté recevra une portion de terrain, tel qu'en travaillant, sa subsistance puisse être assurée. La portion du produit de son travail qui lui aura été conservée aidera à lui fournir en outils ou denrées les moyens de mettre son fonds en activité. (...)

XVI - Nul transporté ne pourra revenir en France, qu'il ne se soit écoulé un an entre le moment de la liberté et celui de son retour, et qu'il n'en ait obtenu l'agrément du Conseil de surveillance ; et dans ce cas, les fonds qui lui auront été concédés, rentreront à l'établissement, sans qu'il puisse en disposer autrement. (…)

XVIII - Le transporté aura en tout temps la faculté de présenter des pétitions au Conseil de surveillance, qui sera tenu d'y faire droit provisoirement, sauf la détermination ultérieure du Conseil exécutif.

TITRE V - Du domicile de secours

ARTICLE PREMIER

Le domicile de secours est le lieu où l'homme nécessiteux a droit aux secours publics. (…)

IV - Pour acquérir le domicile de secours, il faut un séjour d'un an dans une commune. (...)

VI - La municipalité pourra refuser le domicile de secours, si le domicilié n'est pas pourvu d'un passeport et certificats, qui constate qu'il n'est point homme sans aveu.

VII - Jusqu'à l'âge de 21 ans, tout citoyen pourra réclamer, sans formalité, le droit de domicile de secours, dans le lieu de sa naissance. (…)

XIV - Ceux qui seront restés deux ans dans la même commune, en louant leurs services à un ou plusieurs particuliers, obtiendront le même droit.

XV - Tout soldat qui aura combattu un temps quelconque pour la liberté, avec des certificats honorables, jouira de suite du droit de domicile de secours dans le lieu où il voudra se fixer.

XVI - Tout vieillard âgé de 70 ans, sans avoir acquis de domicile, ou reconnu infirme avant cette époque, recevra les secours de stricte nécessité, dans l'hospice le plus voisin.

XVII - Celui qui, dans l'intervalle du délai prescrit pour acquérir le domicile de secours, se trouvera par quelque infirmité, suite de son travail, hors d'état de gagner sa vie, sera reçu à tout âge dans l'hospice le plus voisin.

XVIII - Tout malade domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru, ou à son domicile de fait, ou dans l'hospice le plus voisin.

Lu et signé par les inspecteurs, Bouillerot & S.E. Monnel

Collationné à l'original, par nous président et secrétaires de la Convention Nationale.

A Paris, le 27ème.

1 Transportation : déportation

1 Transportation : déportation

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