"A quand la délivrance ?"

ATD Quart Monde Rennes

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ATD Quart Monde Rennes, « "A quand la délivrance ?" », Revue Quart Monde [Online], 200 | 2006/4, Online since 05 May 2007, connection on 19 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/448

Des membres du Mouvement ATD Quart Monde, réunis de mars à août 2006, à la maison Quart Monde de Rennes ont rédigé un livret dont le titre dit tout : « A quand la délivrance ? » En voici des extraits (Les sous-titres sont de la rédaction de RQM)

Index géographique

France

Un milieu à répétition

« (Le père Joseph Wresinski) a créé un Mouvement qui remue les consciences et qui dérange, peut-être parce qu’en haut lieu et dans la population la plus pauvre on ne perçoit pas les mêmes choses. Les gens qui vont apporter la parole des plus pauvres dérangent. Le père Joseph l’avait compris. Malgré toutes les avancées (gravir les marches de l’ONU, rencontrer le pape, etc.) le pauvre est toujours mis de côté aujourd’hui. La mondialisation se fait sans lui. Nous menons un combat à grande échelle. Ce que veulent les jeunes aujourd’hui contre le CPE (Contrat Première Embauche), ça dérange. Mais ce que nous voulons, nous, ça dérange encore plus. Nous, c’est énorme. Nous demandons des choses que tout le monde devrait avoir : un toit, le travail et tout. Ces choses-là dérangent parce que notre population, le sous-prolétariat comme dit le père Joseph, auprès des politiques n’a pas de valeur. Nous sommes mal compris. Nous sommes issus d’un milieu à répétition : c’est toujours pareil, nous sommes toujours les mêmes, de la même souche. Ça, il faut le comprendre. Il y a cinquante ans, nous naissions dans la merde, nous sommes toujours dans la merde. Nous avons toujours ces mêmes difficultés partout. Ça ne bouge pas ! On a l’impression que ça bouge parce qu’il y a une loi qui passe de temps en temps. »

Des lois

« Le fait que des lois aient été votées, même si elles ne sont pas appliquées, nous permet de nous appuyer dessus pour mener notre combat. »

Des experts

« Le Mouvement (ATD Quart Monde), c’est une volonté d’engagement et de lutte contre l’injustice en faisant naître la parole des plus pauvres. C’est un engagement citoyen, pas individuel, mais collectif. C’est aller à la rencontre des gens qui se cachent par honte de cette misère qu’ils traînent bien des fois depuis leur enfance. Le Mouvement, c’est aussi ceux qui ont l’expérience de la pauvreté. Leur savoir doit être une source pour construire un avenir meilleur, sans avoir honte de leur histoire. Il faut bien comprendre qu’il faut penser avec les plus pauvres pour lutter contre la pauvreté. Il faut que nous arrivions à changer la manière de voir de ceux qui pensent à la place des plus pauvres. Pour eux, la lutte contre la pauvreté est une affaire d’experts qui ont fait des études et qui sauraient mieux que quiconque ce qu’il faut faire. Mais on devrait penser que les premiers experts de la lutte contre l’exclusion, contre l’injustice, ce sont ceux qui les subissent. »

Une vraie décision

« La misère devient insupportable. Même encore aujourd’hui. Il serait temps que le gouvernement prenne une vraie décision en faveur des plus pauvres et arrête de nous conduire en bateau depuis plus de cinquante ans. Aujourd’hui encore trop de familles sont vraiment dans la misère. Toujours rien de fait à ce jour. Il faut reconquérir les acquis perdus. »

Pas d’autre solution

« Si nous nous cachons, si nous avons honte, si nous ne disons pas quelle image nous ronge, nous ne pourrons pas guérir de cette maladie qu’est la misère. Malgré la souffrance de dire que nous vivons dans de telles conditions, de voir nos enfants aller à l’école mal habillés, nous ne disons rien à personne, mais nous voyons tous le regard qu’ils nous portent, nous le ressentons. Alors, nous sommes obligés de nous cacher quelque part. Je le vois bien, nos parents n’ont peut-être pas reçu les moyens de surmonter cette misère, et donc ça s’est reporté sur nous. Nous sommes retombés dedans, nous avons vécu dedans, et des années plus tard nous sommes encore dedans. Nous continuons les efforts de nos parents, ce qu’ils ont construit. Je crois qu’en parlant aux militants, le père Joseph veut dire qu’il faut maintenant aller de l’avant. Il l’a dit en 77, il y a trente ans. Mais il y a toujours les mêmes choses à l’heure actuelle. Je pense que maintenant, sans détruire, mais en disant des choses fortes, en parlant, c’est à nous d’aller à la rencontre des autres, d’aller montrer aux services sociaux qu’ils ont besoin de nous, qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de travailler avec nous, avec ce que les pauvres ont connu ou connaissent, s’ils veulent détruire la misère. C’est primordial, il faut qu’ils entendent la parole des plus pauvres, il n’y a pas d’autre solution. »

CC BY-NC-ND