Introduction

Henri Vacquin

Citer cet article

Référence électronique

Henri Vacquin, « Introduction », Revue Quart Monde [En ligne], Dossiers & Documents (1993), mis en ligne le 15 avril 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4501

Index de mots-clés

Jeunesse, Formation professionnelle

Les trois tables rondes

Si vous faites venir un sociologue, c’est vraisemblablement pour avoir une sorte d’implication aux problèmes qui sont les vôtres.

Venir travailler avec vous ici, ce n’est pas simplement jouer la potiche de l’animation, c’est aussi tout d’abord dire quelques mots sur l’envie de jouer, vous en parliez tout à l’heure. Qu’est-ce qui a fait que j’ai eu envie de jouer et de travailler avec vous ? Quand on est sociologue et que l’on travaille essentiellement dans le monde de l’entreprise, on est payé pour connaître les conséquences de la déqualification du travail industriel, notamment sur l’exclusion.

Ensuite, quand on est sociologue dans le milieu industriel, on sait aussi que l’exclusion, la vraie, celle dont vous parlez, échappe totalement. Je fais partie de ceux qui ne la voient quasiment jamais. Je sais aussi de ce métier, en revanche, que la grande indélicatesse de l’exclusion, c’est de se produire dans les lieux qui échappent au maillage administratif.

Quand les initiateurs de cette réunion sont venus me demander de travailler avec vous, j’en étais ravi. Je me suis dit qu’il y avait là, à côté de gens qui allaient  a posteriori parler d’actions qu’ils avaient menées, des dysfonctionnements qu’ils avaient rencontrés à l’égard de l’administration, les pouvoirs publics, nationaux et régionaux, pour faire un apprentissage qu’il n’était pas négligeable de nommer.

J’ai entendu Monsieur le Préfet dire tout à l’heure qu’il ne fallait pas jouer avec les mots, il y a aussi les maux. Parmi ces maux-là, il y a aujourd’hui les dysfonctionnements de la fonction publique, et cela m’intéressait beaucoup de voir comment des associations, après avoir agi, étaient capables de ne pas continuer à faire de la non-assistance à des pouvoirs publics eux-mêmes en danger, de continuer de propulser des solutions a priori de l’analyse des problèmes.

Je trouvais donc très intéressant que ceux qui s’étaient attaqués au problème, puissent conduire les pouvoirs publics et les politiques, du départ des problèmes, à une élaboration des politiques, postérieure et non antérieure à l’analyse des problèmes. Je suis de ceux qui pensent que c’est par carence d’analyse que l’on répète, M. Brun l’évoquait très bien tout à l’heure, les solutions qui conduisent la plupart du temps à faire apparaître de nouveaux champs d’exclusion.

Il était donc intéressant de venir jouer avec vous, d’autant que j’ai cru comprendre d’autres choses, dans la volonté de ces acteurs de la vie associative. Cette volonté serait non seulement de faire de l’assistance aux pouvoirs publics en danger, mais aussi à corps intermédiaire en danger. Je pensais à l’ensemble du patronat comme à l’ensemble des interlocuteurs syndicaux qui, chacun, ont un peu perdu le sens de cette exclusion. Nous sommes tous coupables, donc tous responsables.

Comme il est très rare d’avoir l’occasion dans une salle institutionnellement reconnue, de faire que tous les acteurs y soient, j’ai eu très envie d’y venir.

Ceci étant dit, ce qui mérite notamment intérêt dans l’initiative de ceux qui vous ont réunis, c’est la volonté de nous  responsabiliser ; d’une certaine manière, l’animateur n’échappe pas à cela, et ceci m’a intéressé aussi. Ces acteurs viennent dire ce qu’ils ont fait, ils font apparaître des dysfonctionnements, mais ils s’érigent aussi en force de proposition.

Si j’ai entendu ce qu’à dit tout à l’heure le président de cette séance, sur la base des échanges qui vont avoir lieu ici, s’engageront immédiatement des acteurs, y compris parmi ceux qui sont le plus souvent absents, j’entends les camarades syndiqués et les camarades syndiqués dans le monde patronal, pour déboucher sur un champ de quatre ou cinq expérimentations qui viendront alimenter le Contrat de Plan. C’est quelque chose d’assez étonnant.

Un de mes intérêts c’est que, des propositions de Contrat de Plan devant être faites, je suivrai avec beaucoup de vigilance quels seront les freins et les opportunités que sauront saisir les institutions.

Si j’ai bien compris, il va être demandé dans ce Contrat de Plan quelque chose de l’ordre du dérogatoire, parce que la délinquance organisationnelle, c’est simplement l’anti-chambre d’une créativité qui devrait être institutionnalisée plus tard. Vous allez mettre en place un champ expérimental débouchant sur des Contrats de Plan qui devraient ensuite avoir une durée dans le temps, au-delà de la durée de vie des politiques, ce qui est intéressant parce que l’exclusion ne vit pas dans les mêmes séquences que les acteurs. Le préfet d’aujourd’hui, n’est pas forcément le préfet de demain.

Il est bon dans ces conditions que les engagements pris aient une pérennité ; aussi je serai très vigilant avec tous les amis que je peux compter dans la presse pour exercer un suivi de ce qui s’engagera dans cette démarche. Vous voyez l’esprit dans lequel j’ai accepté de venir travailler avec vous. Il faut passer à l’essentiel. Les acteurs vous nous dire ce qu’ils ont fait, nous parler des dysfonctionnements notables qu’ils ont rencontrés, pour tenter d’être ce guichet unique entre l’exclusion et la complexité des acteurs supposés en charge d’y répondre (champ patronal, syndical, institutions).

Henri Vacquin

Sociologue

CC BY-NC-ND