Les enseignements à tirer de l’action expérimentale…

Benoît Pradaud

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Benoît Pradaud, « Les enseignements à tirer de l’action expérimentale… », Revue Quart Monde [En ligne], Dossiers & Documents (1992), mis en ligne le 19 avril 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4554

« Les enseignements à tirer de l’action expérimentale d’ATD Quart Monde et des activités des entreprises d’insertion »

Je voudrais présenter les excuses de Gérard Vanderpotte, délégué à la Formation Professionnelle qui devait intervenir mais qui, malheureusement a été retenu pour une réunion importante à Paris avec le Secrétaire d’Etat à la Formation Professionnelle. Il m’a demandé de le représenter.

Lorsque l’on regarde concrètement ce qui s’est mis en route à travers ces deux opérations exemplaires : l’action expérimentale ATD Quart Monde « Contre l'exclusion, une qualification » et « L’Activité des entreprises d'insertion dans la région Rhône-Alpes », je crois que la Préfecture de Région et le Conseil Régional, qui co-financent ces opérations, sont particulièrement intéressés par les retombées de ces deux actions.

Elles vont nous apporter des enseignements au niveau régional et aussi au niveau national puisque le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle suit aussi grâce aux relais régionaux ces deux opérations. En effet, nous souhaitons aussi alimenter le Ministère du Travail de la réflexion et de l’expérience du terrain. Nous ne dirons donc jamais assez tout le bien que l’on pense de ces deux actions.

Par rapport à des opérations de masse, qu’il s’agisse de la mise en route du RMI ou du Crédit de Formation Individualisé, il faut que nous puissions réussir à éviter que des individus soient exclus des processus qui sont justement là pour lutter contre l’exclusion.

Comme le disait ce matin Xavier Godinot, le fait que nous soyons à l’aube de la mise en place du Crédit Formation pour les demandeurs d’emplois adultes doit nous interroger aussi sur l’utilisation que nous pouvons faire des retombées de ces deux expérimentations qui se sont mises en place. Il est donc très important que nous puissions prendre en compte tous les enseignements.

15 000 jeunes de 16 à 25 ans ont déjà signé un engagement en Crédit de Formation, nous attendons 2 500 personnes qui doivent les signer au titre de demandeurs d’emplois de plus de 26 ans et il y a également la mise en route du Crédit Formation Individualisé au titre des salariés.

L’objectif est de « retisser des liens sociaux pour ces populations en difficulté. » L’harmonisation doit se faire entre les processus d’insertion sociale et les processus d’insertion professionnelle qualifiante. C’est là où l’ingénierie sociale prend tout son poids.

Sur le C.F.I. et sur l’enchaînement des mesures dont il a beaucoup été question dans le courant de cet après-midi, je voudrais dire que le Crédit Formation Individualisé correspond, à mon sens, à un progrès parce qu’il y a le suivi par le correspondant soit de la Mission Locale, soit de l’ANPE, au titre du C.F.I. adultes. Ce suivi permet d’accompagner le jeune ou l’adulte dans sa démarche de qualification et cela est, me semble-t-il, la novation première.

Les améliorations que l’on peut apporter au dispositif concernent certainement aussi l’enchaînement des mesures. Nous avons-là des difficultés certaines et les Délégations à l’Emploi et à la Formation  Professionnelle à Paris sont en train de réfléchir à une certaine harmonisation de l’enchaînement des mesures et des niveaux de rémunérations.

Il est vrai qu’au plan régional nous  avons aussi des projets : nous voudrions travailler concrètement avec nos amis du Conseil régional  en ce qui concerne le lien entre le C.F.I et les contrats d’apprentissage. Par exemple : le jeune se trouve rémunéré à 2 000francs comme stagiaire de la formation professionnelle et s’il poursuit son parcours de qualification par un Contrat d’Apprentissage, il se retrouve avec un pourcentage du SMIC, inférieur à ce qu’il touchait avant.

Il y a donc tout un chantier, une harmonisation qui doit se mettre en route.

Il y a également toute une réflexion à avoir sur le statut juridique situé en amont pour les populations en situation difficile.

N’oublions pas que la France et l’Irlande sont les deux seuls pays d’Europe qui connaissent le statut de stagiaire de formation professionnelle. Ce statut a rendu de très grands services et il faut pouvoir en tenir compte dans cette préoccupation relative à l’harmonisation des dispositifs.

Je voudrais également appuyer ce qu’on dit  Messieurs Bigourdan et Carle notamment sur l’insertion par l’économique. C’est absolument indispensable si l’on veut travailler pour une insertion réelle des populations en difficulté

Il m’a également semblé intéressant que cette réflexion progresse aussi par rapport au réseau des entreprises, des organisations professionnelles et des Chambres de Commerce. L’expérience du G.I.L. qui est co-financée par plusieurs financeurs (D.D.T.E., Conseil Régional, Conseil Général) me semble tout à fait intéressante à cet égard.

Autre point difficile : comment passer de l’insertion artisanale à l’insertion industrielle ? Il y a sur ce point également tout un champ de réflexion très important.

La notion de partenariat a été beaucoup citée. Je crois que le partenariat est quelque chose d’exemplaire mais également de difficile. C’est peut-être une lapalissade mais il faut le dire car, travailler avec plusieurs financeurs, plusieurs institutions, plusieurs acteurs, n’est pas toujours simple.

Je crois aussi que l’on a pu démontrer même avec de faibles effectifs à travers les expériences d’ATD Quart Monde et tout ce qui a été mis en route par l’U.R.E.I., que l’on peut réussir concrètement le développement de ces populations en difficulté.

Nous avons actuellement une expérimentation au titre du Crédit Formation Individualisé en milieu rural et j’estime qu’il est très important que la réflexion qui se met en place sur l’Ardèche et sur la Drôme, nous permette de voir comment on peut agir aussi en milieu rural.

Parce que nous sommes contraints par des problèmes liés à la désertification du milieu rural, nous avons dû, pour la mise en place du Crédit Formation Individualisé, créer un lieu qui rassemble les multiples fonctions : fonction d’accueil, fonction bilan, fonction individualisé sur la formation et fonction reconnaissance par la qualification. Il y a là aussi à travers cette expérience des enseignements à tirer.

Toujours dans les possibilités qui s’offrent, nous avons mis en place depuis très peu de temps un espace formateur destiné à tous les formateurs intervenants sur les programmes de bas niveaux de qualification, quel que soit le programme et quels que soient les financeurs. Cela vient juste de se mettre en place avec un financement D.R.F.P. , D.R.T.E., F.A.S. (Fonds d’Action Sociale), et Conseil Régional.

C’est à mettre à l’actif du niveau régional d’avoir pu initier cet espace formateur qui aura la fonction de lieu ressources pour tout ce qui concerne les moyens pédagogiques, de conseils en matière de formation de formateurs intervenant sur les bas niveaux de qualification et également conseil sur la bonne utilisation de tel ou tel média pour les formateurs qui interviennent sur ces programmes.

Je voulais faire une dernière remarque qui touche à la notion de cohérence du langage que nous avons par rapport aux populations en difficulté. Je pense que cela est extrêmement important.

Je suis resté en Lorraine en tant que D.R.E.P. durant quatre ans au moment de la reconversion de la sidérurgie. Jacques Chérèque qui était Préfet Délégué chargé du redéploiement industriel m’avait confié un travail de coordination sur les bas niveaux de qualification afin d’examiner tout ce que l’on pouvait faire pour tenter de remotiver la population concernée.

Le travail le plus important était de faire en sorte que les différents intervenants - qu’il s’agisse des correspondants de la sidérurgie, des organismes de formation, des individus qui pouvaient œuvrer à travers tout le dispositif reconversion de la sidérurgie -  aient le même langage cohérent en amont de la formation, durant la formation et en aval de la formation, afin de faciliter cette reconversion.

Je voudrais terminer en rappelant le problème de l’implication de l’individu.

Effectivement, n’oublions pas que nous sommes en face d’un individu et que nous devons à la fois le soutenir, l’accompagner - je pense à cet endroit au dispositif C.F.I. où le correspondant l’accompagne - mais en même temps, nous devons faire en sorte d’être également à l’écoute de ses souhaits qui peuvent être facilités et explicités. Il y a un dialogue permanent tout au long de l‘élaboration du parcours de formation.

Pour terminer par une lueur d’espoir, je voulais dire combien j’ai apprécié ce qu’a dit Monsieur Michel Trollé sur le parcours d’insertion de « Madame Dupont » parce qu’effectivement, ce n’est que par un travail exemplaire que nous réussirons !

Benoît Pradaud

Délégué Régional à la Formation Professionnelle

CC BY-NC-ND