Débat

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Débat », Revue Quart Monde [En ligne], Dossiers & Documents (1994), mis en ligne le 19 avril 2010, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4580

* Monsieur Thierry Viard, Directeur administratif ATD Quart Monde :

Je voudrais poser une question générale : j’ai vu la mesure PAQUE. Je me suis dit : « C’est formidable, il y a une bonne durée, un accompagnement social est prévu, le lien avec les entreprises est prévu, c'est destiné aux plus défavorisés. Or on constate que, dans certaines régions, des jeunes illettrés n’y sont pas acceptés. D’une façon générale, on constate que nombre de mesures, pensées au départ pour des publics les plus éloignés de la qualification, sont petit à petit affectées à des publics plus favorisés. Autre exemple : le fait que de jeunes techniciens deviennent ingénieurs en passant par un « Contrat de qualification jeunes. » Comment éviter cette dérive ? »

* M. Robert Pierron :

Cette menace de dérive est permanente, en effet. Dans les mois à venir, un premier bilan sur PAQUE doit être établi. Peut-être sera-t-il possible alors de mesurer ce que vous dites-là, de voir si ce type de dérive s’est effectivement produit. Ce matin, on a déploré la succession trop rapide des générations de dispositifs ; votre intervention touche du doigt un autre risque : au bout d’un moment, insidieusement, des barrières apparaissent parce qu’on obtient davantage de résultats avec tel ou tel public. Ceux pour qui ces dispositifs étaient faits y accèdent moins facilement. Il faut dénoncer cette dérive, c’est vrai, même si on en comprend malheureusement le pourquoi…

* Monsieur Jean-Luc Berrocq, Directeur du Lycée Agricole de Cudos :

Comment faire pour que les parcours de scolarité obligatoire ne soient pas des parcours d’exclusion ? Ce n’est pas une attaque que je fais, étant moi-même chef d’établissement, directeur de collège, lycée et centre de formation. Cela dit, n’y a t-il pas une question institutionnelle à poser au Ministère de l’Education nationale : quelles stratégies mettre en œuvre avant seize ans, de façon à ce qu’on ne continue pas éternellement à gérer des situations d’exclusion ?

* Madame Couture, Chargée des Publics Défavorisés à l’Education Nationale. Rectorat de Bordeaux :

On a beaucoup dit que l’Education Nationale fabriquait des chômeurs, des exclus, que l’école est en crise, etc. Il faudrait plutôt parler de ce qui se fait, ce qui ne veut pas dire que tout est parfait, comme le soulignait très bien Mme Richard. La preuve : les quatre mille jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire, ils existent bien, on les connaît. Mais je n’apprendrai à personne ici qu’un certain nombre de mesures ont été mises en place depuis dix ans, ne serai-ce que les Zones d’Education Prioritaire (ZEP) sur lesquelles l’Education Nationale a fait un très gros effort financier en nombre de postes. Juste un chiffre : pour le département de la Gironde, il y a trente postes et demi en « surnombre » qui ont été mis dans les ZEP, pour l’enseignement du premier degré. Ce n’est pas rien.

Quant à la façon de travailler, le terme de « partenariat » est souvent revenu aujourd’hui. L’école n’est pas coupable de tout. Ce n’est pas nous qui avons construit les cités, ce n’est pas nous qui sommes tout à fait coupables de la crise économique… Mais nous savons très bien aussi que nous ne sommes pas capables de tout seuls. Une des avancées du système éducatif depuis un certain nombre d’années est donc de travailler beaucoup avec les autres : dans les Zones d’Education Prioritaire mais aussi ailleurs. Les ZEP sont des outils, il y a d’autres endroits où cela fonctionne pratiquement de la même façon. Donc nous travaillons avec toutes les autres personnes qui s’occupent des enfants : avec la justice, avec la police, avec les centres sociaux, avec les comités de prévention de la délinquance et quantité d’associations de quartier. On travaille aussi dans le cadre de la politique de la ville. Peut-être y avons-nous mis du temps, mais nous avons compris que l’enfant n’est pas seulement un enfant dans le quartier et un élève à l’école. Il y a « un enfant ».. La Loi d’Orientation de 1989 dit que l’enfant est placé au centre du système éducatif : ça a l’air tout bête mais il était important de le rappeler car nous avons eu longtemps, c’est vrai, un système éducatif qui tournait sur lui-même, en tout cas autour d'un « enfant-idéal » et non pas autour des enfants tels qu’ils sont. Là-dessus, il y a eu des avancées et le nombre d’exclus du système éducatif diminue. Il diminue très lentement, ce n’est pas spectaculaire. Sans faire de triomphalisme, un certain nombre de moyens ont été mis en place : les CIPPA déjà évoqués, les aides aux devoirs, le travail avec les parents et les familles.

Encore une fois, nous sommes tout à fait conscients de nos manques, tout à fait conscients que des avancées se font ailleurs. Mais je crois aussi que les jeunes qui viennent au CIPPA ne viennent pas spontanément : comme on le soulignait ce matin, il faut aller à eux et ce n’est pas facile. Quand on est chef d’établissement, quand on est animateur d’un CIPPA, on n’a pas forcément le temps de parcourir les quartiers. Mais il y a aussi des éducateurs sur le terrain, des gens qui signalent les jeunes…

* Monsieur Didier Robert, ATD Quart Monde :

Je voudrais donner une information rapide qui regarde l’avenir et qui est encourageante. Au nom du Mouvement ATD Quart Monde, nous avons pu vivre, durant toute l’année dernière, un partenariat très constructif avec le Ministère de l’Education Nationale. Tout récemment vient d’être rendu public le résultat de ces travaux : c’est un rapport intitulé « Grande pauvreté et réussite scolaire. Changer de regard » (janvier 1993), dont le rapporteur est Monsieur le Recteur Joutard, de l’Académie de Toulouse. Il contient treize propositions très concrètes dans le domaine que nous venons d’évoquer.

Rédaction de la Revue Quart Monde

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