Développement durable : avec ou sans misère ?

Martine Hosselet-Herbignat

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Martine Hosselet-Herbignat, « Développement durable : avec ou sans misère ? », Revue Quart Monde [En ligne], 215 | 2010/3, mis en ligne le 05 février 2011, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4972

Hormis un léger agacement dû au rabâchage de la formule, qui peut être franchement contre le développement durable ? Comme le précise déjà en 1988 le rapport Brundtland - largement cité par les auteurs du dossier -, il s’agit de « satisfaire les besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire les leurs ». Qui se désintéresse de l’avenir de ses enfants ? Ce rapport rappelle également que l’éradication de la pauvreté est au cœur du développement durable. Pierre Saglio, président d’ATD Quart Monde France détaille cinq repères indispensables dans les politiques à mener vers cet objectif.

Observant que l’ère industrielle a mondialisé désastre écologique et exclusion sociale, Jean Bédart se rallie à tous les  « assoiffés de justice », qui ont commencé à ériger l’utopie en pain quotidien. Plus critique face à l’action politique mais désireux d’échanges sur les différents angles d’action, Pierre Rabhi en appelle quant à lui à l’insurrection radicale des consciences et jalonne le chemin vers une sobriété heureuse. En matière d’urbanisme, Éric Duchemin se réfère aux leçons de l’Histoire et à plusieurs expériences d’agriculture urbaine en cours pour montrer que celle-ci peut améliorer la situation de familles pauvres. Bénédicte Faivre-Tavignot engage les étudiants de HEC Paris à sortir du cadre du management classique en questionnant la notion même de développement. Au nord du Brésil, les habitants d'une ancienne favela ont créé une banque de microcrédit et émettent leur propre monnaie, dynamisant les échanges et la participation de tous au développement du quartier, comme le montre Élodie Bécu. Au Sénégal, Kalipha Athié, monte dans son village une association qui s’appuie sur l’utilité de chacun dans un développement intelligent et intégré. Anne Delmas s’interroge sur cette idée récurrente d’un revenu d’existence pour tous qui réapparaît à chaque crise socio-économique. Utopie déraisonnable, ou proposition sensée au service d’une évolution sociale positive pour les gens plongés dans le désespoir de la misère, et qui n’ont plus vraiment de force, ni l’envie de se faire entendre ?

Alors, développement durable ? Oui, … mais gare à l’arnaque, nous rappellent les participants des Universités populaires Quart Monde ; arnaque qui consisterait à prétendre débattre de ces sujets sans mettre autour de la table les citoyens privés de tout. Quand on n’a pas de logement, quand on n’arrive jamais à joindre les deux bouts, quand les enfants échouent à l’école,  les débats sur le développement durable suscitent un vif sentiment de se trouver sur le registre du luxe, de l’impossibilité. Cependant l’aspiration à des solidarités proches de la vraie vie, à une exigence partagée de plus de justice, et la soif d’un avenir fraternel sont également très vifs.

Martine Hosselet-Herbignat

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