Pas de baguette magique

Moraene Roberts

Translated by Andy Tooms

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Moraene Roberts, « Pas de baguette magique », Revue Quart Monde [Online], 220 | 2011/4, Online since 01 November 2012, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5263

Vision positive et optimiste d’une auteure dont le corps ne correspond pas aux standards mis en valeur par nos sociétés occidentales.

Comme d'autres, j'admire les corps qui sont sains et beaux dans le sens conventionnel. Je ne suis pas fan de corps longilignes, mais certaines personnes le sont. Il y a ceux qui trouvent les petits corps gros comme le mien repoussants, mais heureusement il y a ceux qui ne sont pas d'accord. Je suis également handicapée physique et je souffre de plusieurs maladies chroniques. Ainsi pour certains ma présence-même est répugnante et difficile à gérer, mais d'autres me perçoivent comme un être humain d'abord, et reconnaissent mon handicap ensuite, et ils sont à l'aise en ma compagnie. Nos réactions aux corps des autres sont aussi diverses et injustes que nos réactions à nos propres corps. Nos corps humains sont étonnants et miraculeux, donc pourquoi est-ce qu'ils deviennent si facilement un sujet de honte ?

J'aimerais changer mon corps, peser moins, être en meilleure santé, être valide, mais je ne dispose pas d'une volonté de fer ni d'une baguette magique pour y arriver. Puisque les choses sont ainsi, je me concentre sur ce qu'il y a de positif dans ma vie, sur ce que je sais faire, plutôt que sur ce que je ne sais pas faire, sur ce que j'aime en moi, plutôt que sur ce que je n'aime pas. Je regarde autour de moi, je vois mes proches et je m'estime très chanceuse ; sans eux je serais confinée chez moi et très seule. Pour eux je suis une personne, pas un corps malade. J'aime et je suis aimée pour moi-même et donc il y a de la joie dans ma vie.

Jugement sur l’apparence

Je suis peinée par l'obsession actuelle dans l'Occident avec la jeunesse, la beauté et la minceur, qui démoralise - et même détruit -, ceux qui n'arrivent pas à reproduire l'apparence physique qu'ils observent sur chaque couverture de magazine et chaque panneau d'affichage. Dès l'âge de cinq ans, certains enfants sont harcelés parce que l'on considère qu'ils sont en surpoids pondéral ou laids, quand ils ne sont ni l'un ni l'autre, et par conséquent ils intériorisent une image négative d'eux-mêmes qui peut avoir des implications pendant toute leur vie. Notre confiance en soi collective devient complètement dépendante de l'image et certains en souffrent, au point qu'ils s'automutilent et se suicident. On a l'impression d'être apprécié à cause de notre apparence, non pas à cause de nos actes.

Nos corps furent conçus pour nous permettre d'être mobiles, de chasser et de cueillir, d'être capables de construire un abri, de donner naissance à des enfants et de nous protéger. Puisque la majorité d'entre nous n'a plus besoin d'accomplir la plupart de ces tâches, nous en sommes venus à juger nos corps, non par rapport à ce qu'ils font, mais par rapport à leur apparence et à l'opinion des autres. Bizarrement, cette situation a conduit au développement des troubles opposés de l'obésité et de l'anorexie - et les deux peuvent tuer.

Similitudes troublantes

C'est paradoxal de constater que pendant que les populations occidentales, pour tenter de mincir, dépensent des millions de livres1 sur les appareils de musculation, pour acheter des aliments diététiques, les pilules pour mincir et même la chirurgie plastique, dans beaucoup d'autres pays le peuple ne peut même pas trouver les moyens de manger suffisamment pour éloigner la famine et la mort. Dans les visages et les corps des mannequins taille zéro on peut voir des similitudes effrayantes avec les images émaciées qui nous dévisagent de façon obsédante sur les actualités concernant les pays souffrant de la sécheresse et de la pauvreté.

Prendre soin de nos corps

Il est temps pour nous de commencer à apprécier les corps merveilleux dont on nous a fait cadeau, d'en jouir et d'en prendre soin. Nous devons accorder de la valeur à ce qu'une personne apporte, pas seulement à son apparence. En même temps nous devons essayer d'améliorer la santé et le bien-être de ceux, partout dans le monde, dont les corps sont affamés, malades et détruits. Nous mourons de nos privilèges pendant qu'ils meurent de la misère. Cela doit changer pour que chacun de nos corps puisse devenir un instrument de liberté productif et sain.

1 Livres sterling.

1 Livres sterling.

Moraene Roberts

Moraene Roberts est membre du Mouvement ATD Quart Monde, et militante active dans l’équipe de Londres.

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CC BY-NC-ND