Intimidations

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Intimidations », Revue Quart Monde [En ligne], 221 | 2012/1, mis en ligne le 05 novembre 2012, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5316

Index de mots-clés

Bidonvilles, Roms, Habitat, Placement

Index géographique

Italie

Suite à un incendie en février 2011 qui a coûté la vie à deux très jeunes enfants habitant avec leurs parents dans un camp à la périphérie de Rome, la municipalité a décidé la suppression urgente de tous les campements dits sauvages où, à défaut d’avoir accès à de vrais logements, les familles Rom ont trouvé refuge. La mise en œuvre de ce plan, confiée au Préfet de Rome, se heurte depuis lors à de très nombreuses difficultés, dont la moindre n’est pas l’hostilité systématique des riverains des terrains où les nouveaux campements pourraient être installés. Dès qu’un terrain est identifié, les comités de quartier dressent des barricades. Le principe NIMBY (Not in my back yard)1, joue à fond… Par ailleurs, les premiers intéressés sont, eux, réticents à accepter les relogements proposés, souvent situés sur des terrains éloignés du centre de la ville, de leurs lieux de vie et de travail, de leurs proches, de leurs réseaux d’appui, mal desservis en moyens de transport, etc. Dans ce contexte précis, à l’occasion d’une recherche menée par le département des Sciences de la communication de l’Université Roma 3 au cours de l’été 2011, un jeune chercheur, Daniele Ulderico, a reçu d’une mère de famille interviewée dans le cadre de cette recherche, copie d’un formulaire que la commune de Rome lui avait fait signer.

En le signant, les intéressés confirment qu’ils ont été informés que s’ils ne sont pas en état de garantir à leurs enfants mineurs une habitation salubre et sûre et des moyens économiques suffisants à la satisfaction de leurs besoins, les pouvoirs publics, au terme de l’article 403 du Code civil, seront dans l’obligation d’intervenir à travers les moyens de la protection de l’enfance pour organiser le placement immédiat des enfants en un lieu sûr. Le Préfet de Rome, doté pour l’occasion de pouvoirs exceptionnels, et les services de la municipalité, avaient déjà imposé le fichage systématique de tous les habitants des camps, avec relevé des empreintes digitales, la mise en place de grillages et de caméras de vidéosurveillance à l’entrée des campements -, mesures qui ont depuis été annulées par un arrêt du Conseil d’État. Au nom de l’urgence - comme si la question récurrente de l’accueil des Roms et des populations nomades était assimilable à une catastrophe imprévisible telle un raz-de-marée ou un tremblement de terre -, ils utilisent ici, pour convaincre des populations réticentes à accepter les relogements qui leur sont proposés, une forme d’intimidation et de chantage qui ne peut que susciter l’indignation de tous les défenseurs des droits de l’homme.

1 L’expression « Pas dans mon jardin », ou « Pas chez moi » désigne les prises de position des citoyens contre les projets menés dans leur quartier.
1 L’expression « Pas dans mon jardin », ou « Pas chez moi » désigne les prises de position des citoyens contre les projets menés dans leur quartier.

Jean Tonglet

Volontaire d’ATD Quart Monde Quart Monde et directeur de la publication de la Revue Quart Monde

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