La solidarité contre le désespoir

Faustin Ndrabu

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Faustin Ndrabu, « La solidarité contre le désespoir », Revue Quart Monde [En ligne], 222 | 2012/2, mis en ligne le 05 novembre 2012, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5349

En analysant ces témoignages de proximité, l’auteur met en évidence des mécanismes simples qui peuvent être reproduits sans grands moyens, par un retournement sur soi-même.

Index de mots-clés

Paix, Violence, Tapori

Je vais vous donner deux exemples de retournement de situation dont j’ai été témoin.

Violences, solidarité et paix du cœur

Dans mon quartier, il y a une femme qui, après avoir perdu son mari, a été accusée par sa belle-famille d’être une sorcière qui a tué son propre mari.  A partir de cette accusation, elle a été chassée du domicile conjugal avec ses enfants. Les enfants étant refusés et reniés par la famille paternelle, n’ont plus eu droit à l’héritage de leur père.

Quelque temps après, la dame a repris du courage. Ce qui lui a permis de poursuivre ses activités de vente des fruits. Elle est parvenue à se payer une petite parcelle de terrain avec le peu de bénéfice qu’elle gagnait. Vu qu’elle n’avait pas les moyens de mettre cette parcelle en valeur tout de suite, le précédent propriétaire s’est permis de la revendre  à une autre personne. Il a profité de la situation de précarité et de solitude subie par cette dernière pour la rendre encore beaucoup plus malheureuse. Il a réalisé que toute seule, la dame veuve n’allait pas être en mesure de défendre ses droits.

Mais de l’autre côté, pour réclamer son droit, la dame, dans un premier temps, a décidé de recourir à des méthodes violentes  : c’est-à-dire, elle a prononcé de graves injures à l’encontre du propriétaire. Ensuite,  elle a décidé d’aller passer des nuits avec son fils aîné dans sa parcelle en lançant des cris de colère. Cette attitude de la femme a fait  que les voisins de la parcelle ont été alertés. Certains se sont intéressés de plus près au problème, en venant vers elle. Ces injures, ces cris de colère et de désespoir qu’elle a lancés à ce monsieur, ont été le fruit de toutes ces séries de violences que cette dernière a subies au fond d’elle depuis le décès son mari. Cette manière d’agir, c’était son unique moyen de faire pression sur ce  monsieur et sur l’entourage pour faire entendre sa voix et ses souffrances. Face à cette injustice, il y a des personnes qui ont pris du courage en disant  :  « Nous ne devons pas laisser cette dame continuer à mener toute seule son combat, nous devons la soutenir  ». Finalement, avec cette pression, ce monsieur a accepté de remettre la dame dans ses droits, c’est-à-dire qu’il lui a rendu de l’argent pour qu’elle aille chercher une autre parcelle ailleurs.

Mais, après avoir obtenu gain de cause et passé un temps de réflexion, la dame s’est rendu compte que les injures qu’elle a adressées à ce monsieur, c’était quand même humiliant et trop lourd. En plus, elle ne trouvait plus une paix en elle, la paix du cœur. Un jour elle en a parlé à une autre personne en disant  :  «  J’ai envie d’aller demander pardon à ce monsieur, car je l’ai offensé aussi par des injures  ». Ce qui lui a permis d’aller voir ce monsieur avec courage et elle lui a demandé pardon  en ces termes :  «  Cher ami, je te demande pardon à cause de ces injures que je t’ai fait subir, car pour moi le fait de récupérer ma parcelle c’est bien, mais vivre en bonne  relation avec les gens c’est le plus important  »

Des enfants comme modèles pour des adultes

Dans mon quartier, il y a beaucoup de familles parmi les plus écrasées, plus fatiguées par la misère de la République démocratique du  Congo. Ces familles n’ont personne pour penser à elles. Par ailleurs, dans mon quartier, il existe également un groupe d’enfants appelé les enfants Tapori. Tapori est en fait le courant mondial d’amitié entre les enfants de tous milieux, initié par le Mouvement ATD Quart Monde. Alors, inspirées par l’esprit de solidarité qui se remarquait au sein des enfants Tapori, une trentaine de familles pauvres de mon quartier se sont décidées à se mettre ensemble afin de partager leurs idées, discuter sur leurs problèmes et essayer de trouver des solutions ensemble. Le groupe en question s’appelle  «  Association familles solidaires de Burhiba  »

Même si la vie continue à être dure pour ces familles, le fait pour elles d’appartenir à un groupe c’est important, car ça leur permet de sortir de l’isolement et de briser le silence.  Les membres du groupe s’initient peu à peu à prendre la parole dans le respect et la tolérance mutuelle et à surmonter la peur.

Pour ces familles, la solidarité ne se limite pas seulement au niveau des paroles, mais elle se traduit petit à petit par des actes. Elles soutiennent un des leurs à réparer sa maison, elles vont visiter des malades à l’hôpital, elles se visitent mutuellement.

Récemment, elles ont décidé d’unir leurs efforts pour réparer un pont qui était en très mauvais état au cœur du quartier. Par la même occasion, ils ont aménagé les sentiers du quartier.

A la fin du travail, un habitant du quartier qui est passé par là a dit  :  «  Vraiment quand on se met ensemble avec détermination, on est capable de beaucoup de choses ».

1 Courant d’amitié entre des enfants de tous milieux à travers le monde qui s’engagent là où ils sont pour que tous les enfants aient les mêmes
1 Courant d’amitié entre des enfants de tous milieux à travers le monde qui s’engagent là où ils sont pour que tous les enfants aient les mêmes chances. Site  : http://www.tapori.org

Faustin Ndrabu

Faustin Ndrabu est membre de la coordination Tapori1 ATD Quart Monde Bukavu en République démocratique du Congo.

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