Travailleurs sans qualification : quelle formation ?

ATD Quart Monde Bretagne

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ATD Quart Monde Bretagne, « Travailleurs sans qualification : quelle formation ? », Revue Quart Monde [En ligne], 201 | 2007/1, mis en ligne le 05 septembre 2007, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/630

Extraits d’une audition auprès du GREF (Groupement d’intérêt public Relation, Emploi, Formation) Bretagne le 6 décembre 2006 consacrée à l’évolution de l'emploi non qualifié en Bretagne : quelques points essentiels en ce qui concerne la formation.

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Emploi, Travail

Les personnes que nous rencontrons ont des acquis et des savoir-faire manuels et relationnels, issus de leur expérience concrète de vie. Mais pour être « utilisables », ces acquis ont besoin d’être reconnus et validés (par la validation des acquis d’expérience, par exemple). C’est extrêmement important pour ces personnes, d’autant plus que beaucoup d’entre elles ont échoué à l’école et n’ont jamais eu le moindre diplôme. « Avant, ils prenaient les gens sans regarder les diplômes, maintenant non. Ils ne se basent pas sur ce que les gens savent faire, sur la pratique des gens, mais seulement sur le diplôme » (...)

Les formations sont difficilement accessibles aux plus pauvres du fait d’exigences préalables qui font barrage et, comme pour l’emploi, de problèmes périphériques. Beaucoup de personnes maîtrisent mal la lecture et l’écriture et cela entraîne des peurs, lors des formations. «  C’était comme si on me mettait le couteau sous la gorge... je transpirais beaucoup... je ne le ferai plus » (...)

Même certaines formations visant initialement un public pas ou peu qualifié, finissent par échapper complètement à celui-ci, du fait de nouvelles exigences de niveau scolaire et de diplôme. C’est le cas de la formation des « médiateurs du livre ». Ce métier consiste à aller dans les quartiers, au-devant d’enfants peu familiarisés avec le livre pour leur lire des histoires en plein air, au plus près des lieux où ils vivent. La première promotion de ces médiateurs n’a concerné que des jeunes sans diplôme, ayant déjà une certaine pratique de la médiation du livre et issus de milieu défavorisé - ce qui leur permettait d’entrer facilement en contact avec des enfants du même milieu que le leur. Mais malgré leur formation, rares sont ceux qui ont réussi à exercer leur métier et qui l’exercent encore aujourd’hui. Par contre, grâce à cette formation pilote, l’utilité de la médiation du livre a été reconnue et de nouvelles formations de médiateurs du livre ont vu le jour, s’adressant maintenant au minimum à des bacheliers. Ceux qui exercent actuellement ce métier ont au minimum Bac +2 (...)

Où et comment vivre pendant un stage ?

Comment se rendre à une formation ? Où loger quand on doit aller se former loin de chez soi ? Comment vivre pendant ce temps ? D’où l’importance de formations rémunérées, y compris les formations aux savoirs de base qui peuvent être un pré-requis pour aller plus loin (...)

Les formations proposées doivent avoir du sens pour les personnes et s’appuyer sur la réalité pour ne pas être trop proches du système scolaire « intellectuel » qui a déjà souvent mis ces personnes en situation d’échec. La formation par alternance semble mieux adaptée car elle permet de trouver des réponses théoriques au fur et à mesure que se posent les questions pratiques. Il faut « partir de leur vécu et non de notions générales ou abstraites ». Les formations doivent donc vraiment correspondre à un projet et à une motivation, autant que possible articulées avec le travail pour être crédibles aux yeux des intéressés qui ont parfois fait beaucoup de stages « parkings ».

Certaines personnes vont pour la troisième ou quatrième fois à un stage pour apprendre à faire un CV ou une lettre de candidature. Elles finissent par les connaître par cœur mais si elles ne se présentent pas à cette formation, elles sont radiées de l’agence pour l’emploi. (ANPE) On ne peut s’empêcher de penser que c’est là une manière de faire baisser les chiffres des demandeurs d’emplois ! (...)

 « Un contrat d’insertion, il faudrait que ça débouche sur un contrat à durée indéterminée ; sinon, ce n’est pas une vie, nous restons toujours au même point ; on nous prend, on nous jette, on nous reconduit x fois le contrat d’insertion, nous avons le sentiment qu’on se sert de nous ; plus ça va, plus nous descendons » (...)

Un emploi obligatoire ?

« Mon épouse a fait à Fougères une formation à l’AREP (Association régionale d’éducation permanente), une remise à niveau, enfin une remise dans le milieu social. Au bout de cette formation, on lui a proposé un travail, un contrat à durée indéterminée, mais sans lui demander son avis. C'était obligé que ce soit cet emploi-là sinon elle perdait ses droits. Donc elle a bien retrouvé un travail grâce à une formation. Mais le gros problème, c’est qu'elle ne peut pas tolérer cet emploi. Ma femme est végétarienne et elle travaille dans la viande. C’est un travail à la chaîne, elle ne s’entend pas du tout avec ses collègues et il y a une mauvaise ambiance. C’est quand même difficile pour elle d’accepter ce milieu. Et avec les horaires (commencer à 4 h le matin, finir à 2 h de l’après-midi), pour elle ce n’est plus viable. Le problème c’est qu’elle ne sait pas comment faire pour pouvoir quitter cette place. » (... )

Après l’échec, encore l’attente...

Madame F. a aujourd’hui 31 ans, elle est célibataire, elle habite en milieu urbain dans le Finistère, elle possède un brevet d’études professionnelles (BEP) d’aide et de services à la personne, elle est sans permis de conduire.

A 20 ans, elle s’est inscrite à une école de Rennes (la plus proche de son domicile) pour préparer le diplôme d’auxiliaire de puériculture. Elle devait seulement passer un oral pour y entrer mais elle en garde un très mauvais souvenir. On lui a posé des questions indiscrètes sur sa famille et cela l’a bloquée : elle a échoué. A 24 ans, elle a fait une formation de secourisme mais n’a pas obtenu le diplôme.

En septembre 2005, lors de son contrat d’insertion, elle a exprimé ses souhaits de travail et son désir d’apprendre à conduire. Mais il n’y a pas de financement pour le permis de conduire. Elle prépare pendant six mois à « Initiative Formation » le concours d’entrée à une école d’aide-soignant : « La préparation au concours ne se fait que sur ordinateur. C’est un peu dur pour quelqu’un qui n’est pas habitué. Quand on est dans la salle des ordinateurs, il y a deux à quatre personnes pour quinze personnes à former. On a peu de soutien » Mme F. n’a pas été prise à l’oral mais elle ne garde cependant pas un mauvais souvenir de cette formation.

En juin 2006, elle retourne à l’ANPE où on lui propose une formation d’aide à domicile. Mais elle doit passer auparavant une évaluation en milieu de travail car elle n’a pas d’expérience auprès des personnes âgées. Finalement, on lui refuse cette formation.

En octobre 2006, elle retourne à l’ANPE où on lui demande des preuves de ses démarches et on lui dit de passer à « une plate-forme de vocation » pour savoir si elle est apte à travailler auprès des personnes à leur domicile. Elle attend un rendez-vous.

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