Nalan Türkeli. Une femme des Gecekondu

Éd. du Toit, 2000, 181 pages

Daniel Fayard

p. 62-63

Référence(s) :

Nalan Türkeli. Une femme des Gecekondu. Éd. du Toit, 2000, 181 pages

Citer cet article

Référence papier

Daniel Fayard, « Nalan Türkeli. Une femme des Gecekondu », Revue Quart Monde, 235 | 2015/3, 62-63.

Référence électronique

Daniel Fayard, « Nalan Türkeli. Une femme des Gecekondu », Revue Quart Monde [En ligne], 235 | 2015/3, mis en ligne le 01 février 2016, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6475

Nalan Türkeli est devenue aujourd’hui une écrivaine reconnue en Turquie grâce à ses récits autobiographiques qui ont attiré l’attention des medias et qui l’ont fait connaître. Elle est née en 1959 dans une famille de onze enfants. Quand elle a eu douze ans, son père a tué sa mère par amour pour une autre femme. Les six garçons ont été placés dans des orphelinats et les cinq filles réparties au sein de la famille, Nalan chez une tante. Mariée et maman à quatorze ans d’une petite fille qu’elle devra abandonner suite au décès accidentel de son mari, ne gagnant pas suffisamment pour la nourrir. Elle se retrouve à trente-cinq ans au cœur d’une zone de « maisons de fortune posées la nuit » (Gecekondu) dans un bidonville de la banlieue d’Istanbul, avec son second mari et leurs deux fils. C’est là qu’elle entreprend de rédiger un journal, une sorte de carnet de bord écrit au jour le jour entre novembre 1993 et août 1995.

Elle y transcrit ce qui fait sa vie quotidienne, aussi bien ses relations avec son mari, avec ses fils, avec son père qu’avec ses voisins du quartier. Elle note ses émotions, ses craintes, ses moments de bonheur. Elle décrit les petits travaux qui lui permettent de gagner un peu d’argent (atelier de confection, ramassage du papier et du plastique…) ou les tournées des poubelles pour récupérer un peu de nourriture. Elle parle des drames qu’elle a vécus dans son enfance, de la condition des femmes, de l’intégrisme religieux… Elle note aussi comment elle ressent les événements politiques de son pays que lui rapportent les émissions télévisées et ne manque pas de dénoncer certains comportements des autorités. Parfois quelques bribes de poèmes émergent ici ou là. Beaucoup de simplicité dans son expression, de nuances dans ses propos, d’affections prodiguées, de convictions affichées, d’humour distillé. Elle rend le lecteur témoin et presque partenaire virtuel de son cheminement et de son vœu le plus cher qui est de pouvoir publier ce qu’elle écrit, pour le partager avec un plus grand nombre. On est associé à ses démarches pour parvenir à trouver et à convaincre un éditeur. Évidemment elle réussit et parvient à ses fins. Ce qui nous permet de revivre avec elle son parcours singulier.

« C’est exceptionnel qu’une femme qui n’a reçu aucune éducation, qui n’a jamais milité dans un quelconque mouvement, ait ce niveau de réflexion, de prise de conscience. Ce n’est que sa propre énergie qui lui a permis de l’atteindre. » Ces propos concernant Nalan sont ceux de Evelyne Ragot, réalisatrice d’un documentaire sur cette jeune femme qui a été diffusé sur la chaîne de télévision Arte en mars 2000, lors de la traduction en français de son « journal » par Oya Delahaye.

Daniel Fayard

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND