Les mots

Introduction

Martine Hosselet-Herbignat

p. 3

Citer cet article

Référence papier

Martine Hosselet-Herbignat, « Les mots  », Revue Quart Monde, 243 | 2017/3, 3.

Référence électronique

Martine Hosselet-Herbignat, « Les mots  », Revue Quart Monde [En ligne], 243 | 2017/3, mis en ligne le 15 mars 2018, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6903

« Il y a des mots qui t’honorent, t’élèvent, et d’autres qui te réduisent, t’anéantissent, et c’est avec ces derniers que je me suis forgée… » confie Martine Le Corre1. Porter l’étiquette « pauvre », « délinquant », « cas soc’ » vous marque à vie. Dans la période des débuts du Mouvement, on parlait de « logement infra » pour « familles infra » ; aujourd’hui le vocable détourné de « familles Quart Monde » est souvent utilisé de la même manière dans un sens très péjoratif, pour faire court et pour catégoriser.

Pourtant, le mot peut être utile à l’échange, au partage, dans une conversation en vérité et conduire à « une véritable conversion du regard que nous portons sur les autres dans les circonstances de la vie ordinaire »2.

Des élèves en maçonnerie, filière déconsidérée en Belgique, veulent donner une autre vision d’eux et d’un métier qu’ils aiment, montrer que leur atelier « n’est pas un espace ‘brut et sale’, habité par des ‘brutes épaisses’ »3 Ils deviennent poètes, photographes, ambassadeurs d’une autre identité.

À Marseille, Avignon, Oakland, des ateliers d’écriture postulent d’emblée que tous et toutes sont capables d’écrire, y compris les personnes illettrées ou qui n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre. En Haïti, l’écriture collective d’un livre plonge ses racines dans le magma brûlant des expériences d’anéantissements à répétition.

Accoucher de sa propre identité personnelle et collective ne se fait pas seul, c’est une longue histoire - celle d’une vie - émaillée de rencontres décisives avec des passeurs de frontières, des interlocuteurs libres et passionnés, qui s’engagent, interpellent, ne « lâchent pas le morceau ». Ici, Joseph Wresinski, des profs engagés, des volontaires formés à l’écoute des plus démunis, des traducteurs immergés dans plusieurs cultures, des éducateurs.

Les petits enfants en particulier ouvrent un univers de rencontres fascinant et exigeant à ceux qui s’approchent d’eux pour les « élever ». Développer leurs possibilités de raisonnement, les soutenir dans leurs tâtonnements nous emmène sur des chemins inattendus, explorés depuis de longues années par les mouvements ATD Quart Monde et Montessori.

La liberté absolue pour chacun - y compris celui dont on nous dit qu’il ne faut rien en attendre - d’exprimer soi-même qui il est, avec qui et dans quel univers il veut vivre : voilà l’enjeu de l’entreprise. Depuis son bidonville à l’Île de la Réunion en 1989, René Grèze parvenait à le dire de façon aussi simple que lumineuse : « Pour s’en sortir, il faut déjà pouvoir sortir les mots ».4

1 Voir son article p. 4.

2 Pierre Bourdieu, dans la postface « Comprendre » de son livre La misère du Monde, Éd. Points, Essais, 2015.

3 Voir l’article p. 37.

4 Cité dans son article par Jean-Michel Defromont, p. 29.

1 Voir son article p. 4.

2 Pierre Bourdieu, dans la postface « Comprendre » de son livre La misère du Monde, Éd. Points, Essais, 2015.

3 Voir l’article p. 37.

4 Cité dans son article par Jean-Michel Defromont, p. 29.

Martine Hosselet-Herbignat

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND