Portraits1 divers et rencontres insolites par le truchement d’un camion qui à sert à la fois aux prises de vue et au développement des photos immenses. Les portraits seront exposés, installés, sur les murs des villages, dans l’environnement le plus direct des « gens »… ces inconnus rencontrés au cours d’un périple dans toute la France. On pense à Ernest Pignon-Ernest2 pour les installations sur les murs, et à Depardon3 pour la tournée dans les villages de France, mais aussi pour la sollicitation d’inconnus du petit peuple. Ce sont pour les hommes : des mineurs du Nord, des ouvriers d’usine, des dockers du Havre, des agriculteurs de la France profonde, un artiste bohème et philosophe ; et pour les femmes : une serveuse de bar à Bonnieux dans le midi, une résistante dans le Nord qui refuse de quitter sa maison dans une rue vouée à la démolition, des femmes de dockers sur le lieu de travail de leurs maris. Parmi les villages, un village de tourisme déserté. Parmi les animaux, des chèvres.
Ce qui est encore plus magique c’est qu’au fil du déroulement du film, on assiste à la naissance d’une relation plus fine et plus tendre entre Agnès Varda, photographe, cinéaste, 88 ans, et J.R. 33 ans, photographe, plasticien. Depuis leur rencontre, présentée de manière humoristique, leur dialogue est mis en scène et sert, habilement, de transition entre les séquences. Cette façon qu’ils ont de communiquer, de se moquer l’un de l’autre gentiment, ajoute une touche sensible extraordinairement positive. On y entend la volonté d’Agnès Varda de laisser faire le hasard (son meilleur assistant, dit-elle), et la pugnacité du jeune J.R. qui accepte la légèreté et la fantaisie de cette partenaire, mais ne se laisse jamais aller à une sorte de condescendance pour une « vieille ». Il la questionne sur sa coiffure bicolore insolite ; elle le presse d’enlever son chapeau et surtout des lunettes noires qui cachent ses yeux. Elle tient à faire entrer dans le film ses vieux amis : Guy Bourdin (photographe) qui sera installé de façon éphémère en photo sur un vieux bunker de la côte atlantique, et Jean-Luc Godard avec qui elle a un rendez-vous manqué en Suisse. Ils rendent une visite émue à la tombe d’Henri Cartier-Bresson. Ce ne sont pas les seuls instants où il est fait allusion à l’histoire de l’art qui a accompagné la vie des cinéastes. Il y a beaucoup d’autres références dans ce film instructif et très émouvant.