Jonas Carpignano. A Ciambra

Film italien, 2017

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 49-50

Référence(s) :

A Ciambra, film italien de Jonas Carpignano, 2017 ; coproduit par Martin Scorsese.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Jonas Carpignano. A Ciambra », Revue Quart Monde, 244 | 2017/4, 49-50.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Jonas Carpignano. A Ciambra », Revue Quart Monde [En ligne], 244 | 2017/4, mis en ligne le 15 juin 2018, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6979

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Italie

Ce film1 controversé a été présenté à la quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2017. S’il a été plébiscité par Télérama, il a aussi été accusé de renforcer les stéréotypes sur les Roms. Carlo Stasolla, Président de l’Association 21 juillet, en Italie, s’en est ému sur son blog.

« Film raciste, comme l’a dénoncé Tommaso Vitale de l’Université parisienne de Sciences Po, parce qu’il sélectionne une histoire particulière (l’intégration d’une famille rom dans les trafics de la ’Ndrangheta de Gioa Tauro) et ne laisse aucun espace pour aucune autre histoire. On voit une histoire et on pense que c’est l’histoire de tous les Roms, et ceci n’est pas vrai du tout ». Vrai réalisme ? Faux réalisme ?... Pour en juger, voici un résumé de l’histoire.

Cette fiction quasi-documentaire se déroule dans un quartier du village de Gioia Tauro en Calabre. L’histoire est celle de la misère qui conduit chacun et chacune à adopter des comportements violents et/ou délinquants parce qu’il n’y a pas d’autre choix, depuis longtemps. Autour des fêtes où l’on danse et où l’on s’enivre, autour des téléphones portables, autour du cuivre qu’on doit extraire des gaines qui l’entourent, par le feu. Dans cet univers où la vie est difficile, les scènes montrées sont dures, les mouvements de la caméra à l’épaule sont agités, comme bousculés par les actions des uns et des autres. Les jeunes sont vifs, imprévisibles. Les très jeunes enfants eux-mêmes fument et boivent. Ils injurient les adultes qui les entourent. Le rejet des noirs (les « moricauds ») est fort, partagé par tous, expliqué dès le début du film par une jeune femme du clan. Ces hommes lui font peur. On comprendra plus tard que ceux-ci sont très nombreux dans un village de tentes tout proche. Ce sont des réfugiés économiques, des Ghanéens surtout. Les relations humaines dans la famille sont tendues, surtout définies selon la tradition. On nous montre là une petite société qui, rejetée aux marges de la cité, se referme avec ses pratiques borderline pour survivre avec des rôles stéréotypés pour chacun.

Au père et aux fils tout d’abord, la puissance de l’action, la recherche de l’argent nécessaire : par le vol de voitures, les combines diverses, les chapardages, le recel. C’est aussi en se mettant au service d’Italiens qu’on pourrait dire « de souche », des maffieux, qu’ils trouvent une place « au soleil ». À la mère ensuite le rôle de la femme, de la matriarche, sans pouvoir réel. Elle règne sur une nuée d’enfants. Deux générations l’entourent. Elle est dépassée par sa progéniture et encore plus dépassée quand les carabinieri font irruption et emmènent en prison son mari et ses deux aînés. C’est alors qu’entre en scène le fils Pio (14 ans) qui jusque-là était renvoyé à l’enfance par les mâles confirmés qu’il aurait voulu fréquenter. S’il prend la décision de jouer le rôle de l’homme, celui de soutien familial, c’est malgré l’opposition de sa mère. Comme il ne peut y arriver tout seul, il fait appel à son ami Ayiva, le clandestin.

La suite du film est moins saccadée que le début. Toute la famille Amato joue son propre rôle. La musique pop de Dan Romer est forte. Il ne semble pas que le réalisateur ait eu le projet de nuire aux Roms mais il ne les rend pas sympathiques. C’est donc toute la question de la création qui est posée … On imagine qu’il aurait fallu davantage de recul, une vraie distance, et surtout ne pas choisir le nom d’un lieu comme titre (car Ciambra, est réellement un lieu décrépit de Gioia Tauro). C’est ce point, me semble-t-il qui induit la facilité à généraliser à partir du cas particulier de la vie de cette famille… Film survolté, tourné au plus près de la vie des Roms. Est-ce suffisant ?

1 A Ciambra, film italien de Jonas Carpignano, 2017 ; avec Pio Amato, Koudous Seihon, Iolanda Amato, Cosimo Amato, Damiana Amato, etc ., toute la

1 A Ciambra, film italien de Jonas Carpignano, 2017 ; avec Pio Amato, Koudous Seihon, Iolanda Amato, Cosimo Amato, Damiana Amato, etc ., toute la famille Amato. Film coproduit par Martin Scorsese.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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