Bastien Cabot, À bas les Belges ! L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892)

Éd. Presses universitaires de Rennes, 2017, 170 p.

Jean Tonglet

p. 60-61

Référence(s) :

Bastien Cabot, À bas les Belges ! L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892), Éd. Presses universitaires de Rennes, 2017, 170 p.

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Référence papier

Jean Tonglet, « Bastien Cabot, À bas les Belges ! L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892) », Revue Quart Monde, 244 | 2017/4, 60-61.

Référence électronique

Jean Tonglet, « Bastien Cabot, À bas les Belges ! L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892) », Revue Quart Monde [En ligne], 244 | 2017/4, mis en ligne le 15 juin 2018, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6992

En ces temps où la « guerre des pauvres » tend à se développer, où une partie du monde du travail, poussé par la précarité croissante, se laisse parfois tenter par des courants politiques prônant la priorité nationale en matière de travail, de logement ou de protection sociale, il est intéressant, sans tomber dans des comparaisons par trop anachroniques, de se pencher, comme l’a fait de manière très érudite, Bastien Cabot, sur un épisode méconnu de l’histoire du bassin minier de Lens : la chasse aux Belges, pendant quelques semaines entre le 15 août et le 22 septembre 1892.

Il s’agit en effet, comme l’écrit Christophe Prochasson dans sa préface, d’un de ces moments peu agréables où l’on voit la violence des faibles se retourner contre des plus faibles encore. Plutôt que de se retourner contre les chefs, qui auraient été leur cible naturelle, les mineurs français s’en prennent à leurs collègues belges, à l’étranger donc, cet étranger qui accepterait de vendre sa force de travail aux patrons pour un prix moindre qu’eux. Ces mineurs belges qui ont fui la misère de leur pays, sont, pendant quelques semaines traqués et finalement chassés du Pas-de-Calais, obligés de revenir au pays, d’où, mal accueillis, ils repartiront ensuite vers la France, sollicitant pour la plupart la nationalité française.

Bastien Cabot nous narre ces semaines à travers les sources disponibles : les récits des policiers, des représentants des autorités françaises et belges, la presse, les documents de la justice, puisque ces évènements ont eu des suites judiciaires. À travers sa recherche, il tente de comprendre les raisons de cette chasse aux Belges, incompréhensible si l’on s’en tient à une conception internationaliste du mouvement ouvrier. Ce qui a mis en branle les mineurs français, c’est ce sentiment, fondé ou pas, que l’arrivée de centaines de milliers de mineurs belges recrutés par les entreprises minières en juillet 1892, représentait une menace pour leur propre emploi, pour leurs salaires et plus généralement leurs conditions de travail.

Bastien Cabot étudie avec finesse le décalage qui s’installe, et avec lui, une forme d’incompréhension, entre les leaders ouvriers (élus socialistes, syndicalistes) et leur base, comme si la classe ouvrière ne répondait plus aux attentes internationalistes de ses représentants.

On ne peut que se réjouir de voir un jeune chercheur renouveler ainsi l’histoire sociale, dans la foulée de Marion Fontaine, et non sans se rattacher, d’une manière ou d’une autre, au travail pionnier d’Arlette Farge pour faire émerger, avec le peu de sources disponibles, la parole des exclus.

Jean Tonglet

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