Xavier Godinot, Les travailleurs sous-prolétaires face aux mutations de l’emploi

Ed. Science et Service, 1985, 155 pages

Rédaction de la Revue Quart Monde

Référence(s) :

"Xavier Godinot", Les travailleurs sous-prolétaires face aux mutations de l’emploi, Ed. Science et Service, 1985, 155 p.

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Xavier Godinot, Les travailleurs sous-prolétaires face aux mutations de l’emploi », Revue Quart Monde [En ligne], 121 | 1986/4, mis en ligne le 05 avril 1987, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7582

« …Cette nuit-là, un homme s’est effondré sans force, comme cela arrive continuellement ici. Les pompiers ont dû intervenir 3 fois cette semaine. Ils sont encore venus cette nuit-là. Et tandis qu’ils amenaient l’homme à l’hôpital, celui-ci a repris conscience et s’est écrié en larmes : " Je suis malheureux ! Je n’ai pas de travail, je veux du travail. "

En le voyant partir dans la nuit, ses compagnons se demandaient si les pompiers avaient compris le cri de détresse de cet homme affamé, privé de santé, d’instruction, de ressources, qui souffrait terriblement d’être réduit au chômage, considéré comme inutile, et de ne pas pouvoir vivre en famille comme il le désirait. Avaient-ils compris, les pompiers, que la souffrance de cet homme était celle de tous les travailleurs sous-prolétaires, de tous ceux qui sont défigurés par la misère et l’exclusion à travers le monde ?1 »

Ainsi, les premières lignes de l’introduction rappellent d’emblée le genre de contexte dans lequel s’inscrit un tel livre, et le défi qu’il entend relever : le chômage est dramatique, et ne doit pas rester une fatalité.

Présentation des travailleurs sous-prolétaires

L’auteur distingue trois catégories de travailleurs sous-prolétaires, selon le critère de la fréquence des périodes de chômage (travailleurs stables, intermittents, épisodiques). Mais il est édifiant que le choix d’un autre critère tel que « conditions de travail », « santé », « qualification », « insertion dans l’entreprise » aurait conduit à une classification analogue. Les travailleurs épisodiques sont ceux qui cumulent les handicaps.

L’auteur présente une deuxième caractéristique des travailleurs sous-prolétaires : leurs carrières professionnelles sont une paupérisation par le travail et le chômage. Une mise au travail trop précoce, l’usure intense et le vieillissement prématuré dus aux tâches effectuées, puis la cessation d’activité et une crise d’identité, et enfin une mort prématurée sont le lot de la plupart, alors que les possibilités de quitter ce type de « carrière professionnelle » sont rares pour des travailleurs non qualifiés et très pauvres. « A long terme, la seule possibilité de promotion professionnelle consiste donc à quitter ce segment du marché du travail le plus pénible pour rejoindre un autre segment moins exposé, en acquérant une qualification. Par exemple, dans la collecte des ordures, le ripeur pourra, s’il décroche le permis de conduire, et si la politique de son entreprise le permet, accéder au poste moins pénible de conducteur de benne où il atteindra l’âge de la retraite. S’il échoue dans cette entreprise, il sera obligé vers 40, 50 ans de quitter l’emploi de ripeur devenu trop pénible pour lui. Dans le meilleur des cas, il trouvera alors un emploi moins stable et moins bien payé. Dans le pire des cas, il sera condamné à l’inactivité totale2. »

La place des travailleurs les plus pauvres dans les entreprises

Nous sommes malheureusement dans un tel contexte économique que ce thème risque de devenir un élément d’histoire, et c’est une raison supplémentaire pour l’approfondir et préparer un avenir qui n’exclut pas du marché du travail les travailleurs les plus démunis. La citation suivante peut résumer une situation particulièrement marquante : « Chaque jour, les travailleurs de la SNCF et ceux de « Poncetout » déjeunent dans le même bâtiment, les uns au rez-de-chaussée, les autres au premier étage. En réalité, ce n’est pas un étage qui les sépare, c’est un monde. Les premiers représentent un monde ouvrier solide, organisé, ayant une longue tradition de lutte syndicale et des emplois garantis. Les seconds représentent le monde du travail précaire et non-qualifié, sans tradition syndicale, sans sécurité d’aucune sorte.3 »

Mais le principal problème à l’heure actuelle semble être que les travailleurs sous-prolétaires se trouvent exclus, y compris de ce type d’entreprise, et que, en cas de relance économique, la demande de qualification continuera vraisemblablement à les exclure de fait du marché du travail. Ce livre présente quelques voies possibles d’expérimentation et des solutions (l’essaimage, le partage du savoir, la création d’entreprises intermédiaires.)

C’est un véritable courant national d’information, d’expérimentation et de partenariat avec les travailleurs les plus démunis qu’il faut à présent lancer à partir de cet ouvrage.

1 Extrait de l'introduction du livre, page 11.

2 Page 77 du livre recensé.

3 Page 99 du livre recensé.

1 Extrait de l'introduction du livre, page 11.

2 Page 77 du livre recensé.

3 Page 99 du livre recensé.

Rédaction de la Revue Quart Monde

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