Jean-Luc Lahaye , Cent familles

Éditions Michel Lafon-Carrère, 1985

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Jean-Luc Lahaye, Cent familles, Ed. Michel Lafon-Carrère, 1985

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Jean-Luc Lahaye , Cent familles », Revue Quart Monde [Online], 121 | 1986/4, Online since 05 April 1987, connection on 26 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7584

Jean-Luc Lahaye fut à la DDASS un RTP (Recueilli Temporaire Provisoire). Aujourd’hui, parce qu’il l’a toujours rêvé, puis voulu, il est chanteur de variétés. Dans son livre au titre criant, il raconte son errance d’enfant placé (non abandonné), balloté entre les centres de la DDASS, l’orphelinat et les familles d’accueil successives.

Il dit ses sentiments d’amour mêlé de haine, et de compréhension pour sa mère qui le place, puis le reprend, inconsciente des déchirures ou de l’inopportunité de ces allées et venues. Il ne manque pas de parler de ceux qui l’ont aidé, ni de noter les brefs mais réels moments de bonheur, pas plus que ses révoltes, son refus de se laisser écraser. La relation qu’il fait de la misère dans la première partie du livre rejoint bien ce qu’on peut connaître de la vie des plus démunis, que ce soit la misère de sa mère, ou celle du compagnon de celle-ci, un gitan.

Plus surprenant, la grande pauvreté matérielle, intellectuelle et parfois morale des familles d’accueil qui paraissent pour la plupart, telles qu’elles sont décrites par l’adolescent lui-même, bien incapables d’élever des enfants en difficulté, même si parfois elles s’y attachent. Il y a là une source importante de réflexion sur le « choix » par la DDASS de familles d’accueil sans formation spécifique.

Ce livre fait naître chez le lecteur des sentiments mitigés. D’une part, l’enfance évoquée, ballottée entre les centres de la DDASS et des familles peu aptes à la prendre en charge, et les rapports sporadiques avec la mère - souvent intolérables, bien qu’empreints de tendresse et de demande d’amour - font bien comprendre comment cette discontinuité empêche un enfant de se construire, malgré une personnalité qui pointe déjà.

D’autre part, l’auteur a pris le risque de perdre un capital sympathie acquis par ailleurs, en décrivant dans le détail et sans complaisance ses « bêtises » d’adolescent, dans une accumulation d’attitudes antipathiques allant jusqu’à l’invraisemblance pour le lecteur non averti. L’errance matérielle et sentimentale de l’enfant peut expliquer la révolte de l’adolescent qui réagit par l’insolence, la provocation, la destruction, la délinquance apparemment délibérée. Dans les dernières pages, le soin apporté à donner en annexe des renseignements administratifs, ainsi que les portraits de ceux qui l’ont aidé et aimé, touchent le lecteur que la première partie du récit consacrée à l’adolescence n’aurait pas définitivement rebuté.

En résumé, un ouvrage qui « choque », avec ce que ce mot contient à la fois de positif et de négatif, et qui en tout cas offre matière à discussion, à étude et à approfondissement.

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