Les fils aînés ont déjà quitté famille et fazenda pour changer de vie car ils ne voyaient pas d’avenir dans le champ cultivé par le père et qui ne lui appartenait pas. Un jour, le reste de la famille est expulsé de ce champ, et se met en route sur les chemins de la faim vers la grande ville, symbole de la richesse et du bonheur. Marche épuisante à travers le désert, jalonnée par la mort des enfants et des adultes trop faibles pour survivre. Marche obstinée, car ils vont vers le paradis imaginé à Sao-Paulo, où ils espèrent trouver du travail, de l’argent, donc du bonheur.
J. Amado nous conte comment la misère et la souffrance entraînent chacun dans des voies opposées : les règlements de compte sans pitié des « cangaceiros », la prostitution, le mysticisme, le désespoir, la mort, l’action révolutionnaire. Une sorte de fatalité pèse sur ces mal-nourris qui ne peuvent même pas souffrir tranquilles : il faut être en bonne santé ou le paraître pour obtenir le sauf-conduit de Sao-Paulo, objet de leurs rêves : « T’écoutes pas tellement... Les pauvres n’ont pas le droit. »
La souffrance de la mère voyant sa famille se démanteler, sa révolte et son incompréhension face à l’injustice (« pourquoi naît-il des gens pauvres, si c’est pour souffrir autant ? ») trouvent un apaisement dans le sentiment d’orgueil qu’elle éprouve pour son fils devenu quelqu’un de respecté et d’aimé.
Notons que tout au long du roman, les enfants resteront la lueur d’espoir (Juvencio retrouve la paix et la chaleur sur le corps de sa compagne enceinte : « un enfant se préparait à naître », prémices de la paix et de la tranquillité.) Ainsi que le disait récemment le président du Brésil : « Amado est la mémoire du peuple brésilien. »