L’Errance

Informations sociales, n° 5, 1985

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Informations sociales, « L’errance », n° 5, 1985

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « L’Errance », Revue Quart Monde [En ligne], 121 | 1986/4, mis en ligne le 05 avril 1987, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7606

Si la société des 18ème et 19ème siècles parlait de vagabonds, de mendiants, les rejetant et les assimilant vite à des hors-la-loi, des criminels, des asociaux refusant la norme travail de l’industrialisation naissante..., au 20ème siècle, des dizaines de milliers de personnes sont, elles aussi, en rupture de vie normale, sans domicile fixe. Les errants actuels doivent survivre au quotidien dans une société où existe l’abondance. D’une difficulté (perte d’emploi, mort du conjoint...), on bascule dans le dénuement, se cumulent d’autres problèmes et on en vient à l’errance. Sont-ils des clochards, des nouveaux pauvres, ces errants ? Le « vrai clochard », heureux de l’être, assumant un choix désiré de vie est rare, l’errance est le plus souvent subie par une population fragilisée associant les handicaps affectifs et professionnels, ce sont de « faux clochards », mais de « vrais pauvres » ...

De nos jours des jeunes vivent l’errance, comme si c’était leur sort depuis l’enfance (placement à l’Aide sociale à l’enfance : 80 % des personnes errantes sont passées par la DDASS.) En difficulté morale, affective, ils se trouvent confrontés au cours de leur itinérance (qui se manifeste quelquefois l’été) avec la délinquance, la drogue, la violence... La rupture familiale, la non-insertion professionnelle accentuent l’errance de ces jeunes. L’existence quotidienne de l’errant est précaire, chaque jour recommence la quête incessante pour arriver à se loger, se nourrir, se vêtir, se laver... Avoir une apparence respectable pour trouver un travail nécessite une dépense d’énergie considérable. Devant l’échec (accentué par la difficulté de trouver de petits travaux), la situation se dégrade. Si les errants se défendent d’être des clochards, tendre la main, « faire la manche » est l’unique moyen de survie pour beaucoup d’entre eux.

Les années 80 ont vu s’accroître les problèmes des familles en situation précaire ; on observe des familles du Nord de la France qui migrent vers le Sud, espérant y refaire une vie « au soleil ». Bien souvent, les services sociaux doivent intervenir encore plus fréquemment.

Face à l’errance, à l’urgence de la situation : « je n’ai rien à manger... », « je ne sais où aller ce soir », les institutions, le travailleur social, sont très démunis, les solutions proposées limitées (chèques restaurants, bons de transport, adresses de centres d’hébergement...) L’errant qui cumule les difficultés de la vie matérielle vit aussi des luttes intérieures très fortes (contre l’alcool, la drogue...) L’insertion sociale, qui se fait généralement par le travail dans notre société, est d’autant plus difficile que peu d’emplois existent pour les personnes peu performantes, instables, sans qualification... Un réapprentissage progressif sera nécessaire, sinon c’est la rechute, de nouveau l’errance, et le découragement des institutions qui ont alors tendance à éloigner les marginaux. Se ressaisir de sa propre histoire, trouver lui-même la solution semble être la seule ligne de réinsertion possible de l’errant.

Ce numéro d’Informations sociales nous oblige à ouvrir les yeux et à voir qu’il n’y a pas de coupure entre l’errance et la misère.

Rédaction de la Revue Quart Monde

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