Jean-François Lae et Numa Murard , L'argent des pauvres - La vie quotidienne en cité de transit

Éd. du Seuil, Paris, 1985 - 205 pages

Caroline Petitat.

Bibliographical reference

Jean-François Lae et Numa Murard, L'argent des pauvres - La vie quotidienne en cité de transit, Éd. du Seuil, Paris, 1985 - 205 pages

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Caroline Petitat., « Jean-François Lae et Numa Murard , L'argent des pauvres - La vie quotidienne en cité de transit », Revue Quart Monde [Online], 122 | 1987/1, Online since 01 January 1988, connection on 20 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7720

Deux sociologues nous racontent la vie quotidienne, à partir des observations qu'ils ont faites pendant deux ans. Ce récit découvre le comportement des habitants et le fonctionnement des institutions destinées à les aider à se réintégrer. Les documents et les méthodes employés à la réalisation de la recherche sont présentés à la fin du livre.

L’ouvrage tranche avec les documents publiés ces dernières années sur la pauvreté. Il se démarque des diverses analyses politiques, économiques, institutionnelles, dans lesquelles les acteurs disparaissent derrière des chiffres, des catégories, des problèmes, parce qu'il s'intéresse à la vie concrète des habitants d'une cité d'Elbeuf.

L'activité de la population pour obtenir travail et logement ou faire jouer ses droits ne cache pas les comportements des habitants entre eux, pour s'aider à vivre ou à survivre par une solidarité quotidienne. La logique de vie, bien perçue par rapport à l'argent, éclaire le malentendu fréquent avec les institutions d'aide. Mais sur d'autres plans comme l'amour et la religion, l'analyse reste beaucoup plus superficielle.

Les auteurs ont vu une population qui se suffit à elle-même, qui est satisfaite de son sort. Ni désespoir, ni espoir, ni attente vis-à-vis des autres autour d'elle. Pourtant un habitant leur dit : « Vous allez faire un livre et gagner plein de sous. Comment je vais gagner des sous, moi ? Je vais être obligé de vous braquer. »

A travers l'historique du logement social et la critique du traitement statistique inadapté, la seconde partie nous aide à connaître la place des pauvres dans notre société.

La conjoncture actuelle entraîne la distinction entre les « nouveaux pauvres » et les « mauvais pauvres »... « victimes complaisantes de la prise en charge sociale», « l'assistance économique venant renforcer la condamnation de l'oisiveté. »

Un livre très bien écrit, ni technique, ni moralisateur, qui invite le lecteur par l'anecdote teintée d'humour (parfois noir), et ce qu'il faut de suspense. La vie des gens pauvres n'est pas conforme aux clichés. Le lecteur, même peu averti, comprend que leurs comportements ne sont pas « asociaux », qu'il doit lui-même changer de regard.

CC BY-NC-ND